Lettre à Madame Yaël BRAUN-PIVET Députée et Présidente de la Commission des Lois Assemblée Nationale

Lettre à Madame Yaël BRAUN-PIVET Députée et Présidente de la Commission des Lois Assemblée Nationale

A F S I

Alerte Faux Souvenirs Induits

Maison des Associations du 20e – BAL n° 31

1/3 rue Frédérick Lemaître – 75020 PARIS – Métro :  Jourdain – Ligne 11 -

Tél. : 06 81 67 10 55

Paris, le  22 Février 2018 

Madame Yaël BRAUN-PIVET 
Députée et Présidente
de la Commission des Lois
Assemblée Nationale
126 rue de l’Université
75007 PARIS

 Objet : Allongement du délai de prescription

Madame la Présidente,

Nous avons appris hier par la presse que Madame Marie-Pierre RIXAIN avait déposé à l’Assemblée son rapport sur l’allongement du délai de prescription après violences sur mineurs.

Le délai de prescription est actuellement de 20 ans après la majorité et ce rapport  propose qu’il  soit prolongé de 10 ans supplémentaires, ce qui fait que toute victime réelle ou supposée victime,  aurait jusque 48 ans pour aller en Justice.

Il ne s’agit pas pour notre association de nier ni de minimiser la réalité des abus sexuels ou de la maltraitance chez les jeunes enfants qu’il faut combattre,  mais il faut  être très prudents lorsque l’on médiatise exagérément certaines affaires  car elles portent préjudice aux vraies victimes de viols, d’incestes et de maltraitance.

Présidente de l’association  A F S I , Alerte Faux Souvenirs Induits, association de la Loi 1901, créée en Juillet 2005,  qui lutte contre les faux souvenirs retrouvés en thérapie des décennies plus tard.

Nous pouvons dire aujourd’hui que la plupart de ces souvenirs retrouvés à l’âge adulte,  souvent entre 35 et 40 ans, sont des faux souvenirs induits par des thérapeutes eux-mêmes  qui usent de leur pouvoir de suggestion pour induire via diverses techniques de manipulation mentale (dont l’hypnose)  des traumatismes inexistants dans l’esprit de leurs patients (huit fois sur dix des jeunes femmes) entraînant chez eux une destruction psychologique grave et durable ainsi qu’une dépendance manifeste avec leur thérapeute .

En Novembre 2012 l’ AFSI a été auditionnée au Sénat par la Commission d’enquête parlementaire sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé,   Nous avons,  devant cette commission,  expliqué la manipulation mentale subie par les victimes des thérapeutes déviants qui considèrent que tous les problèmes existentiels de leurs patients sont consécutifs à un traumatisme subi dans leur petite enfance , ce traumatisme étant pour ces thérapeutes adeptes de la résolution de l’inceste, toujours d’ordre  sexuel. 

Même si la victime dit ne pas s’en souvenir, le thérapeute lui dit que pour guérir il faut retrouver ce souvenir que le patient aurait « occulté »   ou « refoulé » (ces termes n’ayant jamais été prouvés  scientifiquement) et séance après séance le thérapeute va finir par convaincre son patient qu’il a réellement été abusé, alors qu’il ne s’est jamais rien passé.

Aujourd’hui plus de 900 familles injustement accusées par leurs enfants majeurs, ce qui représente des milliers de victimes, sont venues dans notre association chercher du réconfort et comprendre pourquoi leurs enfants les accusaient et coupaient brusquement tous liens avec eux , et ils ont compris que leurs enfants étaient victimes de leur thérapeute. Ces enfants  qui ont vécu une enfance et une adolescence heureuses, ont fait de bonnes études, certains sont devenus cadres ou  cadres supérieurs, mais ils ont eu la malchance d’avoir rencontré,  à un moment de leur vie où ils étaient en fragilité psychologique,   un thérapeute charlatan, car le mot n’est pas trop fort, qui les a manipulés et fait basculer du mauvais côté.

Notre association travaille avec de véritables professionnels de santé : psychiatres, psychologues.  Nous correspondons avec des scientifiques américains dont Elisabeth Loftus qui a écrit le livre :  Le  syndrome des faux souvenirs –  préfacé par  Michel Topaloff, psychiatre à Paris  que nous avions rencontré.

Madame Dominique Thomas, Psychologue, Expert auprès du TGI d’Angers qui a expertisé plus de cent enfants, adolescents  et jeunes adultes qui eux n’avaient jamais oublié ce qu’ils avaient  subi. 

Le Docteur Erik Nortier, Psychiatre à Paris, addictologue, criminologue et ancien expert auprès des Tribunaux, qui reçoit des membres de notre association complétement désarmés après les accusations de leurs enfants mais aussi des victimes de thérapeutes déviants qui ont besoin de se reconstruire pour revenir à une vie normale.

Nous avons des contacts également avec Monsieur Boris Cyrulnik, Neurologue, Psychiatre et Psychanalyste  qui a écrit sur la mémoire traumatique ,  ainsi que

Monsieur René Garcia, Directeur du département Sciences de la Vie à l’université de Nice et  Président of ABC des psychotraumas,

Tous ces spécialistes disent bien qu’un trauma, quel qu’il soit, ne s’oublie pas

Nous vous joignons  en annexe leurs écrits sur  l’amnésie  traumatique.

Nous avons toujours été soutenus par les Institutionnels, notre association a été reçue à plusieurs reprises par les Ministères de la Santé, de la Justice et de l’Intérieur. 

En Septembre 2006,  l’ AFSI a été entendue par la Commission d’enquête sur les sectes et les mineurs.

Depuis 2006 nous  collaborons avec la Miviludes : Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires,  Monsieur Georges Fenech en a été  président  de 2008 à 2012,

Cette problématique des faux souvenirs induits nous vient des Etats-Unis qui, après les mouvements féministes des années soixante-dix, ont vu déferler chez eux une vague d’accusations de parents innocents. La False Memory Syndrome  Foundation (FMS) s’est créée en 1992 pour justement combattre ces fausses accusations. En 1997 plus de 150 procès ont eu lieu, des victimes de thérapeutes  déviants et leurs parents se sont retournés  contre leur thérapeute, tous les procès ont été gagnés et les victimes ont perçu  des millions de dollars en dommages et intérêts. 

La médiatisation de ces procès a  fait  que depuis 2000 il n’y a pratiquement plus de faux souvenirs aux Etats-Unis. Nous avons en France près de 20 ans de retard sur les américains, c’est  la raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui  « en plein » dans les faux souvenirs induits.

En France nous en sommes encore loin puisqu’à ce jour deux procès de victimes qui se sont retournées contre leur thérapeute ont eu lieu. Le premier en 2012 où le thérapeute avait convaincu ses patients de maltraitance et d’inceste, il a été condamné par la Justice en 2014  (voir sur le net procès Yang Ting). Le second procès a eu lieu en 2017 (voir sur le net procès Phanékham). Tous les deux ont été condamnés à la prison avec sursis et  à verser de conséquents dommages et intérêts à leurs victimes.  

Des scientifiques américains et francophones ont beaucoup écrit sur le fonctionnement de la mémoire et  les faux souvenirs en particulier, et il est acquis que les souvenirs traumatisants sont difficilement oubliés et qu’ils ressurgissent à tout moment, pas besoin d’une thérapie à 40 ans pour se souvenir avoir été abusé. L’amnésie post-traumatique, si elle est connue pour les grands traumatisés crâniens,  n’a jamais été reconnue par les scientifiques  pour les souvenirs dits traumatiques et le fait de ne pas parler d’un inceste ne veut pas dire qu’il a été oublié. Voir notre site afsifrance.org : les Experts   américains.

Pour ne pas nous tromper nous travaillons avec de vraies victimes d’inceste qui nous aident dans notre association car nous n’écartons pas le fait que nous pourrions à notre tour être manipulés par des parents abuseurs.  Ces vraies victimes nous ont dit dès le début de notre collaboration, n’avoir jamais oublié ce qui leur était arrivé mais surtout    vouloir « oublier » cet épisode traumatisant de leur vie.

Demander l’allongement du délai de prescription à  30 ans après  la majorité c’est condamner de plus en plus de parents très âgés,  innocents et injustement accusés,  à une mort silencieuse et certaine.

Nous avons deux cas dans notre association après le passage en Mai 2014 de la Loi votée au Sénat, deux parents de plus de 85 ans se sont laissés mourir de honte d’avoir été accusés par leur fille unique qui approchait les 50 ans.

Cette Loi avait été retoquée en décembre 2014 par la Commission des Lois d’alors et Monsieur Fénech, Magistrat et Monsieur Tourret, Avocat, membre de votre Commission,  avaient été chargés par la Commission des Lois de revoir en détail tous les délais de prescription. Ce qui avait été fait et ces deux professionnels avaient très bien compris qu’allonger le délai de prescription de dix années supplémentaires n’apporterait rien de plus aux vraies victimes.

Je vous joins également un article écrit par Monsieur HAYETTE Magistrat au TGI de Bobigny, où il parle de son expérience en matière d’abus sexuels et sur l’allongement du délai de prescription.

Pour votre information, les victimes de thérapeutes en tous genres n’ont que trois ans pour aller en Justice. Quant on sait le temps qu’il faut à une victime pour se reconstruire, c’est la raison pour laquelle peu de victimes vont en Justice.

Nous sommes pour une législation équilibrée qui soit favorable aussi bien :

  • Aux vraies victimes d’abus sexuels
  • Aux victimes de thérapeutes déviants qui leur ont faire croire qu’elles avaient été abusées
  • A toutes les familles qui sont faussement accusées.

On ne peut pas laisser les médias faire la Justice pour telle ou telle affaire, les magistrats sont là pour rendre la Justice et rien que la Justice. 

Nous nous tenons à votre disposition pour vous rencontrer si vous le souhaitez.

Veuillez croire, Madame la Présidente,  en l’assurance de notre considération distinguée.                                     

La présidente
Claude Delpech