«Le thérapeute manipulateur s'érige en sauveur»
Source Le Figaro
Par Caroline Piquet – le 10/04/2012
INTERVIEW – Un gourou autoproclamé thérapeute est jugé pour avoir induit de faux souvenirs de sévices chez ses victimes.
Le Dr Michel Topaloff, psychiatre, explique comment pareille manipulation mentale est possible.
LE FIGARO. – En quoi consiste la méthode des souvenirs induits employée par ce thérapeute ?
Dr Michel TOPALOFF. – Il n’y a pas de méthode spécifique. Il s’agit d’abuser de personnes en situation de faiblesse. Le «thérapeute» persuade le patient qu’il s’est produit quelque chose dans le passé, un souvenir qu’il a dû refouler sous prétexte que c’était trop douloureux à assumer. Cette technique s’inspire de la première théorie de la séduction de Freud, qui pensait avoir découvert chez ses patientes des souvenirs de traumatismes survenus dans leur enfance. Il a fini par reconnaître que ces souvenirs ne correspondaient à aucun événement réel de leur passé.
Certains psychothérapeutes autoproclamés ont recours à de violentes méthodes, ils affament leurs patients, les empêchent de dormir, leur imposent la nudité lors des séances de consultations…
Ces méthodes sont très extrêmes et très rares. La plupart du temps, les faux thérapeutes adoptent un ton bienveillant et sirupeux et conduisent doucement leurs victimes à se rappeler d’éléments qui n’ont jamais existé en les persuadant du contraire. Par exemple, ils utilisent des expressions comme: «Essayez de vous souvenir…Vous étiez chez votre grand-père, dans cette pièce, imaginons qu’il ait voulu…». C’est presque de l’hypnose.
Pourquoi les souvenirs induits par le thérapeute sont souvent violents (viols, maltraitance…)?
En faisant appel à des événements construits graves, le psychothérapeute se met plus facilement dans la position du «sauveur», dans la défense du patient face à des parents lui ayant fait du mal. Cela conduit des patients à rompre les liens familiaux et à poursuivre des parents en justice. Cette technique permet au charlatan d’extorquer de grosses sommes d’argent.
Pourquoi le patient croit-il le thérapeute ?
N’importe qui est ravi d’avoir la réponse à son mal-être, de comprendre pourquoi il ne va pas bien. En induisant des souvenirs, en créant de toute pièce un événement ou des comportements, le thérapeute donne la cause du malaise au patient qui se sent soulagé.
Existe-t-il un profil type chez les victimes ?
Les victimes sont en situation de faiblesse et sont souvent dans une position de dépendance affective. Les femmes sont plus demandeuses de soins, plus ouvertes sur leur vie intérieure, ce qui fait sûrement d’elles les premières victimes de ce genre d’abus thérapeutiques.
Quels conseils donner à nos lecteurs qui souhaitent consulter ?
Il faut que la personne soit reconnue comme psychothérapeute. Le fait d’avoir affaire à un médecin ne protège pas des abus. Il faut que le professionnel soit recommandé par d’autres médecins, d’autres confrères ou des patients. En revanche, évitez les annuaires.
Afin d’aider les patients à détecter les pratiques sectaires, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) vient de publier un guide «Santé et dérives sectaires», disponible en ligne ou à la Documentation française (18 euros).
Si vous avez des doutes sur une pratique inhabituelle ou un pseudo-thérapeute, le site Internet Miviludes permet de s’informer, d’être aidé et de poser des questions en remplissant un formulaire en ligne.