Psychothérapie et risque de faux souvenirs

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Psychothérapie et risque de faux souvenirs

8 juillet 2010 par Frank Arnould – CNRS –
Les attentes des patients envers la psychothérapie peuvent favoriser la formation de faux souvenirs d’enfance.

Plusieurs travaux expérimentaux confirment le fait qu’il est plus facile d’implanter de faux souvenirs quand les éléments suggérés correspondent aux attentes des personnes. Or, les patients entrent souvent en psychothérapie en nourrissant différents espoirs, comme celui de retrouver des souvenirs oubliés, ce qui pourrait donc les rendre plus vulnérables à la formation de faux souvenirs.

Une étude américaine, portant sur un échantillon de plus de mille étudiants d’université, indique que ce scénario est plausible (Rubin & Boals, 2010). Les résultats montrent effectivement que les participants désirant entreprendre une psychothérapie croient plus souvent qu’ils ont oublié des événements traumatiques, des maltraitances physiques ou sexuelles de leur enfance.

De plus, ces deux facteurs continuent à être associés quand sont pris en compte dans les analyses statistiques l’humeur des participants, leur anxiété, leur niveau d’exposition aux traumatismes, ainsi que la sévérité symptomatologique d’un état de stress post-traumatique.

En raison de la cooccurrence de ces deux types d’attitude, les auteurs concluent leur travail en estimant que la psychothérapie peut favoriser la formation de faux souvenirs portant sur des évènements infantiles négatifs.

Bien évidemment, le risque serait d’autant plus élevé que le psychothérapeute est lui-même convaincu que des expériences traumatisantes peuvent totalement être oubliées – une théorie, certes populaire, mais ne faisant l’objet d’aucun consensus dans la communauté scientifique. S’il a recours à différentes techniques suggestives de recouvrement des souvenirs, ses inductions peuvent se mouler sur les attentes des patients, encourageant ainsi la génération de faux souvenirs.

Une étude publiée en 2007 par la psychologue Elke Geraerts et ses collaborateurs montre d’ailleurs que les souvenirs d’agressions sexuelles infantiles retrouvés en psychothérapie sont plus difficiles à corroborer que ceux retrouvés spontanément, en dehors de tout contexte thérapeutique (Geraerts et al., 2007)

Références :

Geraerts, E., Schooler, J., Merckelbach, H., Jelicic, M., Hauer, B., & Ambadar, Z. (2007). The reality of recovered memories : Corroborating continuous and discontinuous memories of childhood sexual abuse. Psychological Science, 18(7), 564-568.

Rubin, D. C., & Boals, A. (2010). People who expect to enter psychotherapy are prone to believing that they have forgotten memories of childhood trauma and abuse. Memory, 18(5), 556-562.