Lot-et-Garonne : un ancien sophrologue jugé aux assises pour viols sur trois clientes
Source : www.ladepeche.fr
Publié le 06/11/2018 à 21:05, Mis à jour le 07/11/2018 à 08:42
Un ancien sophrologue de 78 ans comparaît aux assises pour des faits de viols sur trois anciennes clientes. Il recevait une clientèle fragilisée, vulnérable, en recherche…
Accusé de viols sur personnes vulnérables commis entre 2003 et 2008 à Villeneuve-sur-Lot, Gérard Micieli, un ancien sophrologue, s’est assis ce mardi matin non pas dans le box sécurisé des accusés, mais aux côtés de ses avocats Mes Edouard Martial et Isabelle Gillet. Un fait rare, mais un privilège accordé par la présidente de la cour d’assises, peut être eu égard à ses 78 ans, au terme de sept ans d’instruction, et à des séquelles laissées par un grave accident de la route, de nature cognitive, épileptique et érectile.
La personnalité de l’accusé a été examinée tout aujourd’hui à la faveur des témoins de moralité. Né à Constantine issu d’une fratrie de cinq enfants, il perd sa mère à l’âge de 11 ans, est envoyé en pension, décroche son bac et part alphabétiser des populations du Sahara. Il est un des derniers de sa famille à avoir quitté l’Algérie en mai 1962. « Nous étions heureux », est venue raconter sa sœur, ancien médecin psychiatre, qui évoque une « Nostalgérie » et se dit révoltée « connaissant son honnêteté ». Il devient professeur de lettres à Casseneuil. Il a deux enfants d’une première union. Une vie de couple jugée équilibrée avant une séparation en 1977. Un accident de la route le plonge 30 jours dans le coma et il en ressort invalide à 80 %. Il rencontre sa seconde épouse qui dépeint une relation de couple basée sur le partage. Gérard Micieli se tourne vers la sagesse extrême orientale et la spiritualité en premier lieu, pour se reconstruire et gagner en force intérieure. Il part en Inde se retirer dans un ashram et apprendre le yoga.
Une vraie appétence qui le pousse à reprendre sur le tard, une formation en sophrologie caycédienne en Andorre. Un master obtenu en 2007, mais un diplôme non reconnu par l’université. C’est là qu’il commence à recevoir chez lui à Villeneuve, où il installe un cabinet au 1er étage de sa maison. Une activité non déclarée au début qui lui vaudra une condamnation pour travail dissimulé.
Les premières plaintes tombent en 2011
En 2011, les premières plaintes tombent, dénonçant des viols et agressions sexuelles. L’information judiciaire ouverte retiendra trois victimes sur quatre au départ (faits prescrits) particulièrement vulnérables qui présentent les mêmes tranches d’âges.
Le mode opératoire fait état d’yeux fermés ou bandés, de femmes allongées sur une banquette, des incantations, des invocations, des pénétrations digitales imposées ou à l’aide d’un vibromasseur et des caresses. Des victimes qui seraient sous l’emprise de cet homme, sophrologue de son état. Mais il est apparu très vite ce mardi, que ce n’était qu’une infime facette de son activité. Il dit lui-même avoir développé ses propres méthodes : on trouve du do in, de l’acupression, de l’ouverture de chakras, de la digitopuncture, du yoga tantrique dont il explique à la base que le tantrisme est une philosophie avant d’avoir une connotation sexuelle, des mantras psalmodiés…
Une fuite en avant pour une clientèle en recherche qui tente de soigner problèmes de couple, chute de cheveux, intercession en faveur d’un proche dans le coma, arthrose, troubles du rythme cardiaque avec ses soins… Les témoins qui ont défilé à la barre, l’affublent de toutes les casquettes : psychologue, guérisseur, magnétiseur, énergéticien, préparateur mental s’agissant de cet homme qui a couru un marathon extrême en Inde.
Tous les témoignages sont élogieux
Son charisme revient dans les discours, si bien que les avocats de la partie civile ont cherché à savoir s’il n’y a pas eu une notion d’emprise. L’accusé apparaît comme un homme au soutien sans faille, doté d’une grande faculté d’écoute, d’empathie et de compassion. « Il m’a élevé » (au sens noble), dira cet homme. « Avez-vous le sentiment d’avoir été manipulé ? », questionnera Me Martial à la défense : « Non pas du tout ! ». Pour une femme, il a épaulé sa famille après le décès de son mari. « C’est quelqu’un d’extraordinaire ». Le bouche-à-oreille fonctionne à plein régime. Les enquêteurs adresseront un questionnaire à 700 clients suite à la révélation des faits.
« Pour moi, il me faisait du bien », atteste un autre témoin. Tous s’accordent sur un homme bienveillant qui sait trouver les mots, apaise, soulage la douleur, aide à la méditation. Un homme qui les accompagne tel un membre de la famille ou un ami. Les femmes décrivent des scènes d’imposition des mains au-dessus d’elles, expliquent qu’elles sont habillées et assurent qu’il n’a eu aucun geste, ni propos déplacés, Les rituels des mantras sont mentionnés, le recours aux ultrasons et à un appareil qui vibre. Un vibromasseur rose décrit par les victimes, dont se servait parfois l’intéressé sur les méridiens d’acupuncture.
L’usage du vibromasseur
Me Briat lui demandera à quel usage est destiné un vibromasseur, selon lui. L’accusé rétorquera : « À masser ! ». Une joute verbale s’en suivra entre les avocats de la défense et de la partie civile, las de tourner une bonne partie de l’après-midi autour du vibromasseur détourné de sa fonction initiale et de cassettes porno et zoophiles que l’accusé essaie de faire passer pour des scènes de bas-reliefs indiens. Ce dernier s’agacera pour la première fois en fin de journée expliquant ne pas avoir visionné ces cassettes conservées dans son coffre-fort. « Les gendarmes ont découpé l’emballage ». Un enquêteur de personnalité a noté chez l’accusé une volonté de séduire et de se mettre en avant. Place aux faits ce mercredi à la lueur de la notion de vulnérabilité et de mise en confiance.
CAROLINE SAINT-PIERRE