L’Ordre des médecins interdit les relations sexuelles avec les patients
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Par L’Obs
Un paragraphe vient d’être ajouté au code de déontologie médicale pour proscrire tout rapport intime entre praticiens et patients, acte assimilé à « de l’abus de faiblesse ».
C’est une victoire pour toutes celles qui ont subi l’emprise de leur médecin, au point de se soumettre à des relations sexuelles. Enfin, le code de déontologie médicale interdit explicitement tout rapport intime entre praticiens et patients, comme le réclame depuis un an un collectif de femmes emmené par le Dr Dominique Dupagne, fondateur du site Atoute.org.
« Le médecin ne doit pas abuser de sa position notamment du fait du caractère asymétrique de la relation médicale, de la vulnérabilité potentielle du patient, et doit s’abstenir de tout comportement ambigu en particulier à connotation sexuelle (relation intime, parole, geste, attitude, familiarité inadaptée, …) », est-il indiqué dans le commentaire de l’article 2 qui traite du respect de la personne et de sa dignité.
Un tel acte s’apparente même à « un abus de faiblesse » (les mots figurent en gras). Certes, il s’agit d’un commentaire, ce n’est pas un nouvel article à proprement parler, comme le demandait le collectif de patientes.
Mais « cet ajout dans le code de déontologie médicale change tout ! se réjouit le Dr Dupagne. Le message est extrêmement ferme, on n’est plus dans l’arbitraire. Le Conseil de l’Ordre a fini par entendre nos arguments, après une première réaction épidermique. »
Sanctions légères
Jusqu’ici, les patients qui dénonçaient de tels agissements devant le Conseil de l’Ordre se heurtaient à un flou réglementaire. Les médecins mis en cause − principalement des psychiatres − dégainaient systématiquement la même ligne de défense : la relation était consentie. « Certains sont même allés jusqu’à se positionner en victime d’une patiente à qui ils ont eu ‘peur de dire non’ de peur qu’elle ‘fasse une bêtise' », s’indigne le Dr Dupagne.
Bien souvent, ces praticiens n’ont écopé que que de sanctions légères. Ainsi, Marie (le prénom a été modifié), 61 ans, en grande détresse psychologique, a été abusée sexuellement pendant des mois par le Dr Z., le psychiatre qui la suivait. Marie a eu beau déposer une plainte devant le Conseil régional de l’Ordre, le médecin en fin de carrière n’a reçu qu’un avertissement. Il faudra que Marie fasse appel pour que le Dr Z. soit condamné à six mois d’interdiction d’exercice. « Il sera désormais très difficile pour un Conseil régional de l’Ordre d’aller contre le code de déontologie », avertit le Dr Dupagne.
Une arme pour les avocats
Et en cas de poursuite devant la justice, les avocats de patients pourront désormais se servir du code de déontologie comme d’une arme.
« Le texte leur sera d’autant plus utile qu’il est très difficile de caractériser au pénal une agression sexuelle sous emprise. »
En lançant son site Atoute.org il y a quinze ans, le Dr Dupagne était loin d’imaginer que les abus étaient si fréquents. Les témoignages contre des médecins n’ont cessé d’affluer sur le forum « Relations entre soignants et soignés ». Telle femme racontait un bisou déposé dans le cou, telle autre des compliments sur sa poitrine… Pour certaines, c’est allé jusqu’au viol.
« L’Obs/Rue89 » avait recueilli les témoignages de plusieurs femmes victimes d’abus sexuels de la part de leur médecin :
– Marie, abusée sexuellement par son médecin : « Il me disait de l’appeler papa »
– Mon dermato m’a dit : « La prochaine fois, tu te mettras toute nue »
– « Mon psychiatre me faisait m’allonger sur le divan, puis se couchait sur moi »
– « Mon psychiatre disait que j’étais ‘une femelle intéressante' »
Barbara Krief et Bérénice Rocfort-Giovanni