Les faux souvenirs induits résistent au temps

PsychoTémoins

Actualité de la recherche sur les témoignages en justice

Les faux souvenirs induits résistent au temps

24 avril 2012 par Frank Arnould – CNRS -

Un an et demi après avoir été formés, certains faux souvenirs persistent toujours.

Après les faits, les témoins oculaires sont parfois confrontés à des informations trompeuses sur l’infraction. Par exemple, le questionnement dirigé d’un policier peut leur suggérer des éléments qu’ils n’ont pas observés eux-mêmes. Les témoins d’un crime peuvent aussi avoir des points de vue différents et s’échanger, au cours de discussions, des informations qui ne sont pas toujours conformes à la réalité. D’autres sources de suggestions sont bien évidemment possibles.

Depuis les années 1970, à la suite des travaux pionniers d’Elizabeth Loftus et de ses collaborateurs (voir, par exemple, Loftus, Miller, & Burns, 1978), de nombreuses études ont montré que ces suggestions trompeuses peuvent contaminer la mémoire des témoins oculaires et se transformer en faux souvenirs (Loftus, 2005 ; Mélen, 1989). Une série de travaux indique aussi que certaines personnes succombent plus facilement que d’autres aux suggestions et que certains facteurs contextuels favorisent la formation des faux souvenirs.

Dans ce domaine de recherche, l’une des questions toujours en suspens est de savoir si ces faux souvenirs induits résistent au temps. Sont-ils toujours présents dans la mémoire des témoins plusieurs mois après avoir été formés ? Une expérience dirigée par Bi Zhu, de l’Université normale de Pékin, et à laquelle a d’ailleurs participé Elizabeth Loftus, répond par l’affirmative à cette question (Zhu et al., 2012). Les chercheurs constatent en effet que 53 % des faux souvenirs, formés chez les participants peu de temps après avoir été induits, sont toujours présents un an et demi plus tard. Ce taux de persistance est similaire à celui constaté pour les vrais souvenirs.

Les traces mnémoniques de certains faux souvenirs, induits chez les participants après avoir été exposés brièvement à de fausses informations, seraient donc aussi robustes que les traces de vrais souvenirs. Les chercheurs pensent même que leur étude a pu sous-estimer cette résistance.

Références :

  • Loftus, E. F. (2005). Planting misinformation in the human mind : A 30-year investigation of the malleability of memory. Learning & Memory, 12(4), 361–366. doi:10.1101/lm.94705
  • Loftus, E. F., Miller, D. G., & Burns, H. J. (1978). Semantic integration of verbal information into a visual memory. Journal of Experimental Psychology. Human Learning and Memory, 4(1), 19–31.
  • Mélen, M. (1989). L’effet de l’information nouvelle erronée. L’année psychologique, 89(3), 393–410. doi:10.3406/psy.1989.29353
  • Zhu, B., Chen, C., Loftus, E. F., He, Q., Chen, C., Lei, X., Lin, C., et al. (2012). Brief exposure to misinformation can lead to longterm false memories. Applied Cognitive Psychology, 26(2), 301–307. doi:10.1002/acp.1825