Voici quelques articles écrits par des spécialistes de la mémoire et publiés aux États-Unis, dans des revues scientifiques spécialisées, qui nous ont été adressés en 2007 par Paméla Fryed, Présidente de l’association FMS Foundation.
Rappelons que la pratique des faux souvenirs induits nous vient des États-Unis [qui connaissent le phénomène depuis plusieurs décennies->rub3]
Merci à nos amis F et G. pour les traductions qui nous ont été bien utiles lors de notre collaboration avec la Miviludes pour le Rapport 2007 traitant des faux souvenirs induits.
Oubli de mémorisations antérieures chez les sujets faisant état de souvenirs ressurgis d’abus sexuels dans l’enfance
Article publié in REVUE PSYCHOLOGICAL SCIENCE Publié entre le 16/12/2005 et le 13/02/2006
Elke Geraerts – Département psychologie – Université de Maastricht – Pays-Bas
Michelle M. Arnold – Ecole de Psychologie – Université de Southampton – Angleterre –
D. Stephen Lindsay – Département de Psychologie – Université de Victoria – Canada – Harald Merekelbach – Département de psychologie et Faculté de Law – Université de Maastricht – Pays-Bas –
Marko Jelicie et Beatrijs Hauer – Faculté de Law – Université de Maastricht – Pays-Bas.
Résumé
Deux études menées sur trois groupes de personnes :
1er groupe : sujets faisant état de souvenirs continus d’abus,
2e groupe : sujets faisant état de souvenirs oubliés et ressurgis,
3e groupe témoin : sujets n’ayant aucun souvenir de ce type.
1ère expérience
On demande aux participants de se souvenir à deux reprises d’un fait antérieur :
-# En situant ce fait dans le même cadre émotionnel (ex. pensez à ce que ce fait pouvait avoir de positif)
-# En situant ce fait dans deux cadres émotionnels différents (ex. positif dans le 1er test, négatif dans le second)
Résultat : Les personnes faisant état de souvenirs ressurgis avaient plus tendance à oublier la première mémorisation quand le cadre émotionnel changeait.
2e expérience On demande aux participants de se souvenir de faits autobiographiques, à trois reprises, étalés sur 4 mois.
Résultat : Comme dans l’expérience n° 1, les sujets avaient tendance à sous estimer leur première mémorisation quand on en changeait le cadre émotionnel, et cette sous estimation était la plus forte chez les sujets ayant fait état de souvenirs ressurgis.
Controverse
Rappel de la controverse entre les tenants de l’amnésie traumatique (souvenirs oblitérés pouvant être éventuellement récupérés) et leurs opposants qui objectent qu’il peut arriver qu’on prenne pour amnésie traumatique ce qui n’est parfois que l’oubli dû au temps. En outre, pour condamnable qu’il soit, l’abus sexuel au moment où il se produit n’est pas nécessairement ressenti comme traumatique et le fait de ne pas y avoir pensé pendant très longtemps n’est pas synonyme d’oubli.
Au fil des années, les deux écoles ont recherché un consensus sur ces phénomènes : dans certains cas, des victimes d’abus sexuels dans l’enfance faisant état de souvenirs ressurgis étaient surprises d’apprendre que des gens de leur entourage disaient leur en avoir déjà entendu parler : elles avaient oublié en avoir déjà fait état.
Suivent des descriptions d’expériences en laboratoire montrant que les gens faisant état de souvenirs ressurgis sont plus portés que d’autres à des distorsions de la mémoire.
Conclusion
Les résultats ne signifient pas que les abus sexuels subis dans l’enfance soient nécessairement faux, mais que l’accessibilité à ces souvenirs a pu être réduite chez certains sujets et que l’effet d’usure due au temps rend certaines personnes particulièrement sensibles aux pseudo-souvenirs.
Dégonfler les mythes sur les traumatismes et la mémoire
Article publié in CANADIAN JOURNAL PSYCHIATRY Volume 50 n° 13 – Nov. 2003 Auteur :Richard Mc Nally, PhD
Résumé
Comment les victimes de traumatismes se remémorent – ou oublient – leurs expériences les plus horribles, se trouve au cœur de la controverse la plus affligeante de la psychiatrie et de la psychologie des récentes années.
Alors que les experts soutiennent que les événements traumatiques – ceux qui sont vécus dans une terreur écrasante au moment où ils se produisent – sont trop bien présents à la mémoire, les théoriciens de l’amnésie traumatiques sont d’avis contraire. Bien que ces derniers admettent que le trauma est souvent apparemment gravé dans la mémoire, ils soutiennent néanmoins qu’une minorité significative de survivants sont incapables de se souvenir de leur trauma, grâce aux mécanismes soit de la dissociation, soit de la répression. Malheureusement, les preuves qu’ils présentent à l’appui du concept de l’amnésie dissociative traumatique ne soutiennent pas leurs allégations.
Le but de cette étude est de dissiper la confusion et de dégonfler les mythes sur les traumatismes et la mémoire.
Points importants
– Les souvenirs sont rarement, voire jamais, oubliés
– Ces souvenirs sont souvent très forts mais pas immuables (la mémoire ne fonctionne pas comme un camescope)
– Ne pas penser à un traumatisme pendant une longue période n’est pas la même chose que de ne pas pouvoir s’en souvenir.
Mots clés
Mémoire – souvenirs – trauma – dissociation – amnésie – refoulement – syndrome poste-traumatique – abus sexuel.
Pour les théoriciens de l’amnésie traumatique, les souvenirs dissociés (ou refoulés) empoisonnent la vie des victimes et doivent être exhumés et traités émotionnellement pour assurer la guérison. L’hypnose étant peut-être le seul moyen de remonter à ces souvenirs. Les théoriciens réfutent les études sur la mémoire comme étant non pertinentes en cas de mémoire traumatique. Ils citent d’autres études qui selon eux attesteraient que des victimes « oublient » leurs épreuves les plus horribles.
Hélas ils font une lecture erronée de ces études, nourrissant ainsi des mythes qu’il convient de dénoncer. La mémoire ne fonctionne pas comme un caméscope. Se souvenir c’est reconstruire (et non reproduire) ce qui fait appel à plusieurs zones du cerveau. Ainsi des flashbacks ou des rêves ne peuvent être des films du passé.
Le corps a-t-il une mémoire qui lui est propre ?
On prétend que des sujets oublient totalement un trauma mais que le corps en garderait l’empreinte (keep the score). « le corps se souvient même si l’esprit ne peut pas ». Cela autoriserait des thérapeutes à interpréter certains signes (rêves, sensations intenses, conduites d’évitement etc…) comme des souvenirs implicites de souvenirs dissociés du trauma.
Cette théorie a entraîné la plus grave catastrophe qui ait frappé le champ de la santé mentale depuis l’ère de la lobotomie…
La mémoire implicite ne peut être considérée comme une mémoire narrative et elle ne montre pas trace de ses origines. Ainsi, des crises de panique spontanée ne peuvent être prises pour un souvenir dissocié d’abus sexuel. Il n’existe aucune preuve convaincante de l’existence de souvenir implicite sans souvenirs explicites : … « quand le corps garde le souvenir, l’esprit le garde aussi …
» Émotivité n’est pas véracité :
Le seul fait de croire qu’on a été victime d’un trauma peut déclencher des réactions psychophysiologiques intenses (par exemple chez des sujets prétendant avoir été enlevés par des extra terrestres…)
Confusion à propos de répétition, forte émotion et mémoire
: SPIEGEL prétend que les victimes ont plus tendance à dissocier des souvenirs de faits intenses et répétés plutôt qu’isolés. Ceci est contraire à toute la recherche sur la mémoire qui montre que la répétition et l’intensité d’un événement renforcent le souvenir de cet événement.
Confusion à propos de l’amnésie dissociative traumatique
: Les théoriciens de l’amnésie traumatique reconnaissent que la plupart des victimes se souviennent du traumatisme mais que chez une minorité, l’horreur du traumatisme provoquerait l’oubli. Mais les « preuves » qu’ils avancent sont erronées. En effet, un encodage incomplet ne veut pas dire amnésie traumatique : ainsi une personne agressée peut très bien avoir gardé le souvenir du révolver et pas celui de l’agresseur.
L’oubli de tous les jours ne signifie pas amnésie traumatique :
Des patients souffrant de troubles psychiatriques ou de syndromes post-traumatiques se plaignent parfois de troubles de la mémoire y compris de pertes d’identité ; mais ces troubles sont passagers et « réversibles » sans rapport avec les amnésies dues aux traumatismes crâniens. Ainsi des anciens combattants peuvent avoir des troubles de mémoire par ce que leurs souvenirs traumatiques les hantent et interférent avec leur quotidien.
Amnésie psychologique n’est pas amnésie traumatique : ce syndrome rare s’efface spontanément et sans thérapie.
L’amnésie organique n’est pas amnésie traumatique :
Dollinger cite le cas de deux enfants d’un groupe de 38 qui auraient oublié que l’un de leurs camarades avait été tué par la foudre. Après enquête, il s’est avéré qu’eux aussi avaient subi la foudre et que leur amnésie était physique.
Le fait de ne pas révéler n’est pas amnésie traumatique :
Des enfants interrogés sur un abus avéré qu’ils avaient subi n’en firent pas état. Cela n’est pas preuve d’oubli : lors d’un second interrogatoire ils s’en souvinrent. D’autres facteurs peuvent jouer, comme le fait que le questionneur leur soit plus ou moins sympathique etc…
L’oubli de la petite enfance n’est pas amnésie traumatique :
La maturation du cerveau et les changements cognitifs font qu’on se souvient de très peu de choses précédent l’âge de 5 ans. Cela inclut les événements traumatiques.
Ne pas penser à quelques chose pendant très longtemps n’est pas amnésie traumatique :
Et ne signifie pas l’incapacité à se souvenir : on peut ne pas avoir eu de sollicitations à y penser, on peut avoir oublié qu’on y avait pensé ; le fait n’avait pas forcément été ressenti comme traumatique … Nul besoin d’une théorie du refoulement pour expliquer cela…
Conclusion
Dans la guerre des souvenirs (« memory wars ») il ne s’agit pas d’opposer science et anti- science mais l’interprétation correcte et incorrecte.
Les preuves sont là pour montrer que les événements traumatiques sont hautement mémorisables et rarement – voire jamais – oubliés.
Les souvenirs traumatiques ne sont pas forcément précis
Article publié in Canadian journal of psychiatry, n° 50, p.p. 823-828 – Année 2005 Auteurs : Cara Lancy (M.A) Elisabeth F. Loftus (Ph.D)
Résumé
Certains thérapeutes ainsi que certains commentateurs ont suggéré que les souvenirs de traumatismes horribles étaient enfouis dans le subconscient et qu’ils sont recouvrés ultérieurement de façon fiable par certains processus spéciaux comme la répression. Nous croyons que les preuves fournies à l’appui de cette allégation sont sans fondement.
D’où proviennent donc alors ces souvenirs déclarés ?
Nous présentons plusieurs paradigmes de recherche qui ont démontré que diverses manipulations peuvent servir à implanter de faux souvenirs – y compris de faux souvenirs d’événements traumatiques. Ces faux souvenirs peuvent être très convaincants pour ceux qui les développent et peuvent comprendre des détails qui les rendent crédibles pour les autres. Les faits qu’un souvenir décrit un événement traumatique ne garantit pas que le souvenir est authentique
Points importants :
Le fait d’affirmer qu’on a oublié un abus pendant un certain temps ne signifie pas qu’il y a eu refoulement.
Beaucoup de victimes ne parlent pas de l’abus qu’elles ont subi quand on les interroge mais ceci n’est pas preuve de refoulement. La mémoire est malléable, non seulement des détails de souvenirs peuvent être déformés mais des souvenirs entièrement faux peuvent être implantés.
Le fait qu’un souvenir soit détaillé, exprimé avec assurance et accompagné d’émotion ne garantit pas de la véracité. Les faux souvenirs peuvent présenter ces mêmes caractéristiques.
Mots-Clés :
Trauma (tismes) – faux souvenirs – refoulement – abus sexuel
Certains thérapeutes et chercheurs sur les abus sexuels sur enfants estiment que les sujets subissant des événements horribles de façon répétée refoulent cette expérience dans l’inconscient. Plus tard, ils pourront exhumer ces souvenirs refoulés (ou « dissociés ») et prendre conscience de l’agression passée.
Pour d’autres, plus précis encore, lors d’un trauma, le psychisme de la victime se sépare en deux, (voire en plusieurs) parties. L’une éprouve le trauma, l’autre continue à fonctionner sans conscience de l’abus. Plus tard, à un moment de la vie où le trauma se manifesterait d’une façon quelconque, un thérapeute pourrait aider la victime à retrouver des souvenirs de trauma et l’aider à reconstituer l’unité de son psychisme.
Ces thérapeutes sont enclins à tenir comme vrais ces souvenirs exhumés.
Une étude menée par Poole en 1995 sur 456 thérapeutes Anglais et Américains, titulaires d’un doctorat, montre que 71 % d’entre eux utilisent une ou plusieurs techniques de récupération de souvenirs tout en étant 91 % à admettre qu’une patiente pouvait être amenée à se croire à tort victime d’un abus sexuel dans l’enfance.
D’autres études suggèrent que ces techniques douteuses sont encore utilisées aujourd’hui par certains (en 2005)… Bien qu’une soixantaine d’études appuient la théorie de la reconstitution des souvenirs, la méthodologie rétrospective qu’elles emploient est puissamment réfutée par des chercheurs comme : Kihlstrom, Piper et Mc Nelly. Ainsi le fait de répondre oui à la question : « y a t’il une période de votre vie où vous avez pensé à l’abus sexuel subi … ? » ne signifie pas qu’il y a eu refoulement total de ce souvenir. La perle revient à Williams qui interrogea 120 femmes victimes d’abus sexuels avérés dans leur enfance : 38 % d’entre elles ne firent pas état de cet abus quand on les a interrogées, ce que Williams prend comme une preuve de refoulement, alors que d’autres facteurs peuvent expliquer ce silence : amnésie du jeune âge, désir de ne pas se voir conférer le statut de victime d’abus sexuel etc… Terr prétend que des traumas répétés sont plus souvent refoulés, ce qui est contraire aux principes les plus élémentaires de la recherche sur la mémoire : plus un fait est répété plus on s’en souvient.
Des chercheurs en psychologie répondent : La recherche montre que plus un événement est traumatisant mieux on s’en souvient au point d’en être affecté dans sa vie courante (souvenirs omniprésents, flashbacks etc…)
Face à des patients disant avoir refoulé des événements passés et faisant état de souvenirs bizarres, deux questions se posent : Si ces souvenirs ne sont pas vrais, d’où proviennent-ils et comment se créent-ils ?
Trois directions de recherche ont établi que : – tous les souvenirs sont déformés au fil du temps surtout en présence de questions suggestives, – des sujets à qui ont donnait des listes de mots à mémoriser produisaient des mots extérieurs à celles-ci, parfois bizarres ou à connotation sexuelle, – des sujets pouvaient être amenés à adopter des souvenirs d’événements fictifs.
Distorsion et contamination de souvenirs existants :
En 1986, le lendemain de l’explosion de la navette Challenger, on demande à des étudiants d’écrire ce qu’ils étaient en train de faire lorsqu’ils ont appris la nouvelle. Presque trois ans plus tard on leur repose la même question : leurs réponses sont criblées d’erreurs et pas seulement de détail. Cela démontre que les souvenirs se dégradent même quand on se dit sûr de soi.
D’autres études utilisent des questions orientées pour provoquer la distorsion (ex. « lors d’un précédent témoignage, vous avez parlé d’un animal blessé – ce qui est faux – pouvez-vous nous en dire plus ? » et 12,5 % des sujets fournissent des détails…)
Conclusion
Le fait qu’un souvenir se rapporte à un événement traumatique ne le rend pas fiable pour autant. En outre, des gens peuvent faire état de souvenirs relatifs à des événements fictifs.
Faux souvenirs : paradigme de Deese, Roediger et Mc Dermott (DRM) :
Dans une liste autour du concept de sommeil (ex. lit, repos, fatigue etc…) un sujet aura tendance à se « souvenir » du mot « sommeil » même s’il n’est pas présent.
Faux souvenirs d’événements entiers :
Avec l’aide de parents, Loftus et Pickewell ont donné à des enfants un cahier relatant 4 événements qu’on leur dit avoir vécus. […] L’un des quatre est faux, mais pas traumatisant pour des raisons éthiques (par ex : s’être perdu dans un centre commercial). Puis, lors de deux entretiens ultérieurs, on demande aux enfants de fournir des détails des quatre événements : un quart d’entre eux fournissent des détails réalistes de l’événement fictif.
Dans d’autres études similaires on arrive à plus de 50 %. La figure d’autorité des parents constituait une forte suggestion.
Quant aux thérapeutes, bien qu’ils s’en défendent, ils utilisent des techniques pouvant être source de faux souvenirs (images suggérées, hypnose, interprétation des rêves, …). Une fois établies, ces fausses croyances peuvent retentir sur la vie ultérieure des patients.
Remarque finale
Le fait qu’un souvenir soit rapporté de façon détaillée, que son auteur se montre convaincu de ce qu’il dit et que sa relation s’accompagne d’émotion, ne certifie pas qu’il correspond à un événement réel.
Faux Souvenirs Induits. Thérapie de la mémoire retrouvée et syndrome des faux souvenirs
par John Hochmann
[1]
Des milliers de patients aux USA et surtout des femmes, ont suivi ou sont en train de suivre une tentative de traitement par des psychothérapeutes pour des troubles de la mémoire inexistants. En conséquence, ces mêmes thérapeutes ont involontairement favorisé un trouble réel de la mémoire : le syndrome des faux souvenirs – False Memory Syndrome (FMS)
Pour faire la lumière sur cette situation malheureuse, je dois donner quelques définitions. Certains psychothérapeutes croient que des sévices sexuels dans l’enfance sont la cause spécifique de nombreux désordres physiques et mentaux qui apparaissent plus tard dans la vie. Certains appellent cela le syndrome du survivant de l’inceste ou ISS : Incest Survivor Syndrom Il n’y a aucune évidence que cela soit réellement le cas, car, même lorsqu’il y a eu sévices sexuels documentés durant l’enfance, il y a de nombreux autres facteurs qui peuvent expliquer les maladies physiques ou émotionnelles qui apparaissent des années plus tard chez l’adulte. Ces thérapeutes croient que les enfants refoulent immédiatement tout souvenir de sévices sexuels peu après leur occurrence, les faisant disparaître de la mémoire sans laisser de traces. Le prix à payer pour ces souvenirs refoulés est de permettre le développement éventuel de l’ I S S . Les thérapeutes essayent de « guérir l’ I S S en engageant leurs patients dans une thérapie de la « mémoire retrouvée » (Recorvered Memory Therapy ou RMT), un kaléidoscope de techniques qui différent chez chaque thérapeute. Le but de cette RMT est de permettre au patient de ramener à la conscience non seulement des souvenirs parfaitement exacts d’un ancien traumatisme sexuel, mais aussi des mémoires corporelles refoulées (telles que les douleurs physiques) qui se sont produites au moment du traumatisme.
En réalité la RMT produit des fantasmes dérangeants qui sont incorrectement perçus par le patient et incorrectement interprétés par le thérapeute, faussement appelés « Mémoire Retrouvée » par le thérapeute et le patient, ce sont en réalité des « Faux Souvenirs » ou FM. La majorité des cas de fausse mémoire provenant de ces RMT touche des femmes et c’est pourquoi, dans cet article, nous supposerons que les patients sont des femmes.
Admission des patients dans la RMT
Une femme consulte un psychothérapeute pour être soulagée de diverses maladies émotionnelles. Le thérapeute l’informe qu’elle a subi une agression sexuelle dans son enfance et ne le sait pas, et que cela peut expliquer ses symptômes. Certains patients pensent que cela est absurde et changent de thérapeute, d’autres acceptent les suggestions du thérapeute et restent. La plupart des femmes ont entendu parler des souvenirs refoulés par des émissions à la télé ou leurs journaux bien avant de venir chez leur thérapeute, et peuvent même avoir pris rendez-vous en étant persuadées qu’elles aussi peuvent être des « victimes » bien qu’elle n’aient aucun souvenir d’abus sexuels, elle est motivée pour « recouvrer la mémoire », lorsqu’on lui dit que cela guérira ses symptômes. Le thérapeute la persuadera que des « souvenirs » lui reviendront. Des rêves suggestifs ou de nouvelles douleurs sont interprétés par le thérapeute comme une preuve que des « souvenirs refoulés » menacent. Le thérapeute peut envoyer la patiente dans un groupe de guérison pour survivants (survivor recovery group). Là, elle rencontrera des femmes qui la pousseront à continuer d’essayer de se souvenir. Le fait de participer à ces groupes de soutien, le fait de lire les livres conseillés, donne confirmation au patient de la validité des théories du thérapeute. La majorité des femmes qui présentent ces FMS sont blanches, de classe moyenne et d’un niveau d’éducation supérieur à la moyenne. Cela correspond au profil type des femmes qui se soumettent à une longue thérapie et qui perçoivent cette activité comme un moyen nécessaire pour résoudre leurs problèmes.
Créer des faux souvenirs
Contrairement aux cours de justice où l’on cherche à obtenir des preuves devant des allégations, la RMT se contente de demander à la patiente de se tourner vers son Moi intérieur pour prouver qu’elle a été réellement sexuellement abusée.
Les techniques de la RMT peuvent comprendre :
– Interview sous amytal : où l’on donne au patient une dose d’amytal, un barbiturique à action immédiate, que l’on appelle incorrectement « sérum de vérité » et qui est censé forcer les souvenirs anciens hors de leurs chambres secrètes.
– Hypnose, y compris les techniques régressives où l’on dit à la patiente qu’on l’a ramenée à l’état où elle était à l’âge de l’abus.
– Images guidées où l’on demande à la patiente de fermer les yeux et où on lui parle en renforçant son imagination jusqu’à atteindre un caractère quasi hallucinatoire. Souvent cela produit un état hypnotiques où ni la patiente ni le thérapeute ne réalise qu’une hypnose se produit en fait.
– Production imaginaire spontanée au moyen de dessins, d’associations avec des rêves, d’écritures relatant des états de conscience ( ? ).
– Écouter ou lire les souvenirs retrouvés d’autres femmes comme source d’inspiration.
– Parcourir des albums de famille pour y chercher des signes révélateurs, on dit à la patiente que si elle a l’air triste ou préoccupée sur quelques photos, c’est une confirmation supplémentaire qu’elle a été sexuellement abusée.
La face sombre de la guérison
Les patients démarrent une RMT dans l’espoir qu’ils iront mieux une fois qu’ils auront retrouvé leurs souvenirs refoulés. Mais généralement, leur vie devient bien plus compliquée. Le patient qui présente un FMS est souvent brouillé avec celui qui a « perpétré l’acte » (souvent le père). S’il a de jeunes enfants, ceux-ci seront également interdits de contact avec le « perpétrateur – ou abuseur – ». Les relations avec les autres membres de la famille sont conditionnées par l’acceptation par eux des croyances du patient. Les thérapeutes peuvent organiser avec des parents une « réunion familiale » pour confondre le « perpétrateur – ou l’abuseur – » au cours d’une confrontation préparée. Les membres de la famille sont généralement trop choqués et trop désorganisés pour répondre de façon cohérente aux accusations. La logique de ce scénario est que, puisque les « survivants » se sentent impuissants, il faut leur donner du pouvoir.
Les patients FMS peuvent dénoncer tardivement des crimes auprès de juridictions compétentes, et peuvent aller jusqu’à porter plainte contre les « perpétrateurs – ou les abuseurs – » . Un avantage évident pour les thérapeutes est que dans beaucoup d’états une affaire criminelle permet que les factures soient payées par un fonds d’aide aux victimes. Préoccupé par la tâche perpétuelle de « retrouver ses souvenirs », le patient en arrive à négliger des problèmes plus pressants avec son couple, sa famille, l’école ou sa carrière. Souvent l’investissement en temps et le coût de la thérapie elle-même entraîne des perturbations majeures.
Pendant la thérapie, les thérapeutes disent à certains de leurs patients que leurs changements d’humeur ou de manière de voir pendant les cours d’une semaine sont le symptôme de différentes personnalités refoulées avec les souvenirs. Ils avisent leurs patients qu’ils présentent aussi des troubles dus à des personnalités multiples (Multiple Personality Disorder – MPD) et que leur guérison exige que chaque personnalité devienne consciente des autres, de manière à permettre une « réintégration ». The Tree Faces of Eve (les trois visages d’Eve) en rajoute, et certaines femmes en arrivent à croire qu’elles abritent des douzaines de personnalités cachées (des « alter »), avec chacune leur propre nom et leur propre caractéristique : certains « alter » peuvent être des hommes ou même des animaux. Un nombre croissant de psychiatres et de psychologues en sont venus à considérer les MPD comme un phénomène produit et renforcé par l’environnement, car ces diagnostics existaient à peine il y a dix ans. Dans les zones où la controverse n’existe pas, une fois le MPD diagnostiqué, le coût de la thérapie peut devenir astronomique.
Certains patients se persuadent que l’abus dont ils ont été victimes est un abus rituel satanique – Satanic Ritual Abuse – SRA – , dû à la participation de leurs parents à un culte satanique secret. Certains thérapeutes croient que le SRA est l’œuvre d’un vaste réseau souterrain aux Etats-Unis. Un clinicien, dans un cycle de conférences, expliquait à des audiences médusées que ce culte avait été introduit aux États-Unis par un juif hassidique que les nazis protégeaient par ce qu’il leur avait révélé les secrets de la Kabbal et ce groupe avait été intentionnellement introduit aux États-Unis par la CIA après la guerre pour les aider dans des recherches sur le contrôle de l’esprit. Aucune évidence, à part les « souvenirs retrouvés » n’a jamais prouvé qu’un tel culte existe. Les thérapeutes qui font des conférences sur le sujet ont balayé ce manque de preuves en expliquant qu’il ne peut exister de transfuges à cause du secret garanti par le lavage de cerveau et la terreur. Par miracle, aucun de ces soi-disant « experts en cultes sataniques » n’ont jamais été la cible d’assassins.
L’entretien et la maintenance des faux souvenirs induits
Le faux souvenir met en jeu une combinaison de perceptions fausses et de fausses croyances. Le nouvel FMS est encouragé à se « connecter » avec un environnement qui renforcera son état FMS et est encouragé à se « déconnecter » de gens ou de sources d’informations qui pourraient le conduire à remettre en question les résultats de la RMT. La sous-culture FMS est une culture de victime. Même s’ils n’ont pas entrepris de chimiothérapie contre un cancer, ou s’ils ne sont pas ressortis indemnes d’un accident d’avion, on dit aux patients FMS qu’ils sont des « survivants ». Cela devient une sorte de nouvelle identité, donnant aux patients FMS le sentiment d’un lien étroit avec d’autres « survivants » d’abus sexuels. Des patients vont souvent faire partie de « groupe de soutien aux survivants », s’abonner à des lettres destinées aux « survivants », ou même assister à des conventions de « survivants » (parfois avec leurs thérapeutes). Pour certains, cela donne à leur vie, vide auparavant, un but et un sens grisants. Ils lisent des livres trouvés dans la section « Guérison » des libraires. Le livre le plus connu, The Courage to heal (le courage de guérir), est pesant et cultivé, ce qui lui donne de l’autorité. Ses auteurs, Laura Davis et Ellen Bass n’ont aucune formation en psychologie, psychiatrie ou mémoire. Ce livre de poche, qui ne coûte que 20 $ a été vendu à 700.000 exemplaires. On demande aux patients d’éviter le dialogue avec des amis ou des parents sceptiques, car cela empêcherait leur « guérison ».
Les « perpétreurs » qui proclament leur innocence ne peuvent pas être pris au sérieux, ils sont en « déni » et incapables de dire la vérité. En plus de ces influences sociales, les gens, par nature, refusent souvent de se voir dans l’erreur. Cela peut être terriblement douloureux de reconnaître que l’on a fait une grave erreur, spécialement quand des conséquences nuisibles en ont résulté.
La RMT exploite la tendance, présente chez chacun de nous, de rendre les autres responsables de nos propres problèmes et de nous accrocher à des réponses simples aux problèmes compliqués de la vie. Le thérapeute RMT suggère que, en plus de détruire complètement une enfance, les abus sexuels subis par les enfants peuvent tout expliquer et expliquer tout ce qui ne va pas à l’âge adulte. La RMT est le dernier cri de la thérapie pour enfants pleurnicheurs.
Comment la mémoire fonctionne réellement
Dans la théorie freudienne du refoulement, l’esprit bannit automatiquement de la mémoire les événements traumatisants, pour se protéger d’une anxiété accablante. Freud ensuite découvrit que les souvenirs refoulés créent des « névroses » que l’on peut guérir en rendant ces souvenirs conscients. Tout cela a été enseigné en psychologie, et est considéré comme un truisme par les romanciers et par les scénaristes, mais cela n’a jamais été prouvé scientifiquement d’une manière rigoureuse. Freud, s’il était en vie aujourd’hui, serait traumatisé de voir comment la RMT a redéfini son concept favori. Alors que Freud parlait du refoulement d’événements traumatiques isolés, les thérapeutes d’aujourd’hui maintiennent que des douzaines d’événements traumatiques similaires se produisant sur des années sont refoulés avec une efficacité de 100 %, quelques minutes après leur occurrence. Le Syndrome bien connu des troubles dus à un stress post traumatique – Post Traumatic Stress disorder – PSD, nous montre que des événements traumatiques vérifiables plutôt que de disparaître de la mémoire, laissent les victimes de ce traumatisme hantées par des souvenirs importuns durant lesquels elles revivent leur traumatisme. Pour ceux qui étaient dans des camps de concentration nazis, ou qui ont subi la torture comme prisonniers de guerre au Vietnam, cela peut devenir un problème handicapant leur vie durant. Les gens oublient la plupart des choses qui leur arrivent, y compris des événements qui étaient significatifs pour eux lorsqu’ils se sont produits. Si un événement est perdu pour la mémoire, il n’y a pas de moyen objectif de savoir s’il a été « refoulé » ou simplement oublié. Et il n’y a pas de raison que les souvenirs d’abus sexuels soient traités différemment des souvenirs de mauvais traitements physiques ou de chirurgie d’urgence durant l’enfance. Des événements qui sont sortis de la mémoire ne peuvent pas être rappelés avec l’exactitude d’une cassette vidéo. Les gens n’oublient pas seulement, dans leur totalité, des événements (traumatiques ou non), mais avec des détails significatifs altérés. Une étude portant sur une école dont les élèves avaient été attaqués par un sniper montrait que certains d’entre eux, qui n’étaient pas sur place lors de l’attaque, prétendaient en avoir des souvenirs personnels. Ces faux souvenirs étaient manifestement inspirés par le fait d’avoir entendu les histoires de ceux qui avaient réellement subi le traumatisme. Des souvenirs peuvent être délibérément déformés chez des adultes en leur présentant un ensemble d’informations visuelles et en les exposant ensuite à une désinformation verbale sur ce qu’ils ont vu. Cette désinformation s’incorpore souvent à la mémoire, contaminant au bout du compte ce dont on se souvient.
Certains patients ont effectivement été abusés sexuellement durant leur enfance et se sont toujours rappelé ces abus. Ils n’ont pas besoin d’une aide spéciale en « mémoire retrouvée » pour dire à leur thérapeute ce qui leur est arrivé.
Pourquoi la thérapie de la mémoire retrouvée est une mauvaise thérapie
La RMT est prétendument utilisée pour aider les patients à guérir des effets d’abus sexuels durant leur enfance, cependant, au début de la RMT, il n’y a aucune évidence que de tels abus se soient produits. Ainsi, au lieu de rassembler des faits pour établir un diagnostic et déterminer ensuite le traitement approprié, le thérapeute RMT utilise le « traitement » pour produire son diagnostic. Certains thérapeutes RMT interprètent abusivement des maladies psychologiques communes comme des signes de sévices sexuels subis durant l’enfance. Dans leur zèle à retrouver des souvenirs, ils négligent toute explication alternative des maladies de leur patient. Les thérapeutes RMT ignorent ce principe psychologique de base que tout patient est influençable et que les patients en détresse qui viennent chercher une psychothérapie sont particulièrement enclins à adopter les croyances et les partis pris de leur thérapeute.
De nombreux thérapeutes RMT n’ont jamais étudié les sciences de base concernant la mémoire, ni le diagnostic des troubles réels de la mémoire. Leurs connaissances sont souvent basées sur un simple séminaire d’un week-end, et non pas sur l’enseignement formel universitaire qu’il faut suivre pour obtenir une licence. L’hypnose et l’administration d’amytal de soude (sérum de vérité ?) sont des procédés inacceptables pour retrouver des souvenirs. Les tribunaux rejettent l’hypnose comme adjuvant de la mémoire. Les sujets soumis à l’hypnose ou à l’amytal comme aides à la mémoire (même dans les cas où il n’est pas question d’abus sexuels) créeront généralement de faux souvenirs. En revenant à leur état normal de conscience, ils pensent que tous leurs souvenirs « rafraîchis » sont également vrais. Les thérapeutes RMT ne se donnent généralement pas la peine de vérifier les « souvenirs retrouvés » en interrogeant des tiers, ou en consultant les dossiers psychiatriques ou scolaires. Certains d’entre eux expliquent que s’ils ne vérifient pas les allégations sérieuses qui surgissent de la RMT, c’est par ce que leur travail consiste seulement en ce que leurs patients se sentent en « sécurité » et guérissent.
De nombreux patients, qui ont su toute leur vie qu’ils avaient été maltraités ou négligés par leurs parents, décident lorsqu’ils sont adultes de traiter avec amitié leurs parents responsables.
Au contraire les thérapeutes RMT encouragent leurs patients, sur la base de ces « souvenirs retrouvés », à couper tout contact avec les prétendus « perpétrateurs » ainsi que le reste de la famille qui n’entre pas dans leurs vues. Ceci est totalement contraire aux objectifs traditionnels des thérapeutes : aider leurs patients responsables à prendre leurs décisions importantes et améliorer leur relation avec les autres. Les patients qui suivent une RMT subissent souvent une aggravation de leurs symptômes au fur et à mesure que leur traitement progresse, avec des perturbations correspondantes dans leur vie personnelle. Peu de thérapeutes demanderont une consultation pour clarifier le problème, pensant au contraire qu’il est dû à des sévices sexuels pires que ceux que l’on pouvait imaginer.
Dans une déclaration récente, l’Association Psychiatrique Américaine (APA) a confirmé une prise de position antérieure, que l’hypnose n’est pas fiable pour un recouvrement valide des souvenirs.
Autres sortes de syndrome des faux souvenirs
Certains en arrivent à croire, suite à une thérapie, qu’ils ont vécu des vies antérieures. Ce phénomène se développe particulièrement chez des participants imprégnés du New Age qui sont prêts à « découvrir » leurs vies antérieures. Ils s’inscrivent à des séminaires qui peuvent durer un week-end entier et impliquent des techniques de déclenchement hypnotique en groupe ou de méditation guidée.
Cette sorte de FMS exige un travail de renforcement continu en groupe. Contrairement aux images terrifiantes d’abus sexuel, les souvenirs de « vies antérieures » sont généralement plaisants et intéressants. Peu de participants se souviendront avoir vécu des vies antérieures dans des asiles de fous ou des cachots. Cette expérience est supposée être thérapeutique, car elle aide les participants à mieux comprendre leur vie présente.
Quelques uns retrouvent le souvenir d’avoir été enlevés par des extraterrestres. Presque toujours, ces participants étaient curieux de ce domaine et étaient prêts à croire avant de tomber dans un enlèvement FMS. Contrairement aux femmes qui sont assaillies par l’inquiétude d’avoir été sexuellement abusées, cette variété de FMS est d’une nature plus bénigne et ne détruit pas le fonctionnement personnel ou la vie de famille. Même s’ils sont considérés comme « dingues », ils peuvent recevoir en compensation un soutien de groupe de la part de ceux qui partagent leurs croyances.
Quelques aspects légaux du syndrome des faux souvenirs
En dépit des fondations branlantes sur lesquelles la RMT est construite, durant les cinq dernières années, (1995 – 2000), des tribunaux dans 23 États ont suspendu la prescription pénale quand des agressions sexuelles étaient alléguées, en se basant sur l’idée qu’un individu ne doit pas être puni pour avoir refoulé des souvenirs. Dans la cause Hood c/ Hérald (Summit County, Ohio, Common Pleas Court) une femme reçut une réparation de 5,15 millions de dollars, la preuve s’articulant sur des souvenirs retrouvés remplis des méfaits de son oncle. Des femmes qui témoignent sur la base de leurs souvenirs retrouvés sont parfaitement convaincues d’être dans le vrai et peuvent faire des témoins convaincants.
Au début, quand ces procès commencèrent à être instruits, les psychiatres et les psychologues ignoraient le phénomène des faux souvenirs, et étaient encore moins capables de l’expliquer. Une grande partie de la jurisprudence soutenant la RMT, de même que de nombreuses conclusions favorables résultent des efforts de thérapeutes zélés, parfois alliés avec des féministes sexistes dans le Mouvement des Femmes (Women Movement) alors que des féministes égalitaires sont concernées par la lutte pour obtenir une égalité de traitement pour les femmes dans les universités ou le travail, les féministes sexistes sont préoccupées par le fait que non seulement les hommes sont une menace implicite pour les femmes et les enfants, mais aussi pour l’écologie mondiale, et que donc, ils doivent être contenus. Pour un législateur pressé, suspendre la prescription semblait être une bonne idée. Cela permettait d’indemniser des femmes molestées, de traîner devant la justice des abuseurs d’enfants, et n’impliquait pas de nouvelles taxes. Ces dernières années, il y a eu un grand nombre de procès résultant d’une RMT, avec des enfants adultes attaquant un ou plusieurs membres de leur famille. Même dans les cas où leur cause est perdue, les plaignants restent persuadés que leurs souvenirs retrouvés sont vrais. En 1993, dans la cause de Steven J. Cook c/Joseph Cardinal Bernardin et autres, le plaignant avait annoncé publiquement à CNN qu’il avait été abusé sexuellement des années auparavant, alors qu’il était encore séminariste, par deux clercs, dont l’Archevêque de Cincinnati Joseph Bernardin. Cependant, quelques mois plus tard, Mr Cook abandonna sa plainte contre le cardinal, en disant qu’elle était basée sur des souvenirs retrouvés au cours d’une thérapie et qu’il avait appris que de tels souvenirs pouvaient n’être pas fiables.
Dans la cause récente de Ramona c/Ramona le directeur d’une entreprise vinicole de Californie gagna son procès contre le thérapeute de sa fille. Holly Ramona, alors étudiante à l’Université, se soumit à une thérapie sous amytal au cours d’une RMT. Elle fut convaincue à la suite de cela que son père avait abusé d’elle. Son Père, Gary Ramona, perdit à cause de cela son travail et sa femme. Il était passé en jugement par ce qu’un des thérapeutes l’avait vu au cours d’une séance de thérapie familiale. L’autre partie de la cause, l’action civile intenté par la fille contre son père, sera jugée plus tard cette année. Nous savons depuis que Gary Ramona a été innocenté et qu’il a perçu en dédommagement plusieurs millions de dollars. Il y a un nombre croissant de femmes qui reviennent sur leurs faux souvenirs et intentent des procès à leur thérapeute pour faute professionnelle. Un tel cas fut réglé en échange d’une somme considérable au Texas cette année.
Une assurance pour les risques professionnels des psychologues cliniques en Californie a récemment triplé ses primes sans explication, cela amène à penser qu’elle envisage une augmentation du nombre de procès accusant des psychologues d’avoir créé un FMS.
Et maintenant à propos du futur
Des femmes qui reviennent sur leurs plaintes pour abus sexuel peuvent le faire spontanément quand elles déménagent et perdent contact avec leur thérapeute et leur groupe de soutien. Sans le « soutien positif » des autres pour encourager le développement de faux souvenirs et leur entretien, certaines femmes se mettent à douter de la véracité de ce qu’elles avaient cru vrai. Tandis que quelques unes restent suspendues dans un crépuscule de doute, d’autres se sont rétractées complètement. Ces « rétracteurs » ont une influence profonde pour amener des femmes avec un FMS actif à réévaluer leur situation.
Alors que les patients FMS apprennent dans leur culture FMS à rejeter la critique comme venant des « perpétreurs » ou de ceux qui les défendent, la parole d’une femme qui dit qu’elle est en train de guérir de FMS est plus facilement entendue. Bien que particulièrement influente parmi les conseillers familiaux et les travailleurs sociaux, la RMT a affecté les pratiques de quelques psychologues diplômés et de quelques psychiatres. On utilise la RMT dans des « unités de maladies dissociatives » dans certains hôpitaux psychiatriques. Ces activités ont continué sans être réellement contestées jusqu’à tout récemment, et nombre de ces unités ont été les vaches à lait d’hôpitaux en difficulté financière par suite des restrictions de l’assistance publique.
Cependant, il y a une large sous culture FMS composée de femmes convaincues que leurs « souvenirs retrouvés » sont vrais, de thérapeutes qui continuent à pratiquer la RMT et d’auteurs sur le circuit de conférences sur la « guérison ». La contestation désavouant la RMT est contrée par une réplique émotionnelle : ces critiques sont l’avant-garde des « perpétreurs » et certains disent que « l’Holocauste n’a pas eu lieu ».
Cet article est une version corrigée d’un article publié en 2002 dans le SKEPTIC Magazine
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Faux Souvenirs et désordre de la personnalité multiple
Nicholas P. SPANOSEdition, De Boeck Université – Avril 1998 PhD,a été professeur de psychologie et directeur de Laboratoire d’hypnose expérimentale à l’Université Carleton de 1975 jusqu’à sa mort en 1994.
Tous les visiteurs de notre site n’auront peut-être pas eu l’occasion de lire ce livre. Voici quelques extraits qui nous ont semblé intéressants pour la compréhension des faux souvenirs :
« … Ces 20 dernières années ont été celles de la découverte en Amérique du Nord de l’abus sexuel de l’enfant à l’échelle d’un problème social. La notion selon laquelle il serait relativement fréquent et souvent perpétré à l’intérieur de la famille, a captivé l’imagination populaire …. Une conséquence de l’abus sexuel d’enfants a été le développement d’une spécialité psycho thérapeutique pour le traitement des adultes qui y ont « survécu ». Les thérapeutes de la « résolution de l’inceste » s’empressent souvent de décréter que beaucoup d’individus exprimant de l’amertume ou d’autres signes de détresse psychologique ont subi dans leur enfance des abus sexuels qu’ils ont refoulés. L’un des buts de leur thérapie consiste à « recouvrer ces souvenirs oubliés » (20 : Blume 1990).
En d’autres termes, la thérapie de la résolution de l’inceste, comme ses consœurs, achemine ses clients vers une compréhension de leurs problèmes selon l’éclairage qu’elle y apporte. Cela se fait en « induisant » le client à reconstruire sa biographie de manière à la faire correspondre à ce que le thérapeute croit avoir causé ses problèmes actuels.
Si des patients, en début de thérapie de résolution de l’inceste, n’ont aucun souvenir d’abus sexuels, la reconstruction de leurs biographies requiert que de tels souvenirs émergent au fur et à mesure que leur traitement progresse. En certains endroits de son livre, N.SP. dénoncera ces « souvenirs » recouvrés dans de pareilles circonstances comme parfois de pures inventions, des fabulations auxquelles des thérapeutes ont concédé la légitimité de la mémoire recouvrée. Il apportera quelques évidences de plusieurs sources à l’appui de la thèse selon laquelle la confusion entre le souvenirs et le fantasme se produit effectivement et détermine quelques uns des processus sociaux qui amènent les gens à vivre et décrire des expériences imaginées comme des souvenirs.
Résumé sur « la déformation de la mémoire », page 77
Un bon nombre d’évidences appuient maintenant la thèse selon laquelle la mémoire n’est pas simplement reproductive mais fait en réalité intervenir des éléments de reconstruction. Plutôt que de retrouver les images d’un passé, fidèlement imprimées sur une sorte de pellicule mnémonique, l’action de se remémorer implique la construction d’un passé basé sur les croyances, les attentes, l’humeur et les désirs actuels. Ce dont on se souvient contient fréquemment des erreurs, des déformations et de totales fabrications, et la confiance que placent les gens dans la fidélité de leurs souvenirs n’est pas un indicateur fiable de leur authenticité.
Les souvenirs peuvent facilement être considérablement déformés par des interrogations suggestives et des demandes répétées de remémoration ainsi que par des facteurs institutionnels comme le besoin de conserver une image compétente et cohérente de soi-même.
Les psychothérapies qui insistent sur la remémoration d’événements oubliés de l’enfance et qui pressent leurs patients à les retrouver, sont probablement celles qui maximalisent la probabilité d’obtenir des comptes-rendus de souvenirs déformés, inexacts et parfois complètement illusoires…
Résumé de « la théorie de la séduction » revue et corrigée, page 87
Comme beaucoup de psychothérapeutes contemporains, Freud pensait que les femmes malheureuses et insatisfaites de leur vie ou manifestant une large variété de symptômes avaient, enfants, été sexuellement abusées, mais en avaient oublié le souvenir. Une revue circonspecte des travaux de Freud suggère à la fois que ces souvenirs d’abus qu’il provoquait correspondaient aux attentes qu’il en avait et qu’il communiquait avec insistance à ses patientes, et qu’il croyait pouvoir déduire de façon valide l’occurrence d’abus en l’absence de toute confirmation directe de ces patientes et patients.
Les thérapeutes de la « résolution de l’inceste » actuels insistent aussi auprès de leurs patients pour qu’ils surmontent leur déni et retrouvent des souvenirs refoulés d’abus. Bien qu’ils usent d’une grande variété d’approches, ces derniers partagent l’hypothèse selon laquelle l’inceste oublié est un phénomène relativement courant se manifestant par un important éventail de symptômes psychologiques et physiques. Leur objectif thérapeutique consiste à retrouver ces souvenirs refoulés tout en s’attendant à ce que les patients manifestent initialement de la résistance et du déni qui seront surmontés grâce à un questionnement en profondeur et au « travail de la mémoire ».
La malléabilité résultant de ces comptes-rendus de souvenirs dus à ces techniques ne fut pas reconnue par Freud et n’est pas comprise par les thérapeutes de la « résolution de l’inceste ».
Les abus sexuels sur les enfants, page 91
Avant les années 1970, la question des abus sexuels d’enfants était rarement soulevée et il semble que l’appréciation générale de leur prédominance était faible. (1 – Weinberg, 1955). Depuis les années 1970, l’attention à la fois du public et de la recherche se porte sur ce problème et il existe maintenant un consensus général parmi les professionnels selon lequel sa prédominance est considérablement plus importante que ce qu’on croyait auparavant. Néanmoins, la mesure dans laquelle le phénomène est plus important demeure sujet à controverses…. Pour ce qui nous préoccupe la question de la définition est importante par ce que les thérapeutes de la « résolution de l’inceste » citent souvent des données selon lesquelles l’abus sexuel est relativement courant (la proportion d’un tiers des enfants, (citée dans Le courage de guérir – Bass et Davis – en est un exemple ) et vont encore plus loin en insinuant que l’inceste l’est relativement aussi. En fait, les recherches qui ont explicitement posé la question de l’inceste à leurs sujets indiquent qu’il est significativement moins fréquent que beaucoup d’autres formes d’abus sexuels. En résumé, quand l’abus sexuel bénéficie d’une définition large, les estimations de sa fréquence tendent à être élevées.
Cependant, le nombre d’incestes est toujours beaucoup moindre que celui des abus sexuels dans leur définition large. Bien que les thérapeutes de la « résolution de l’inceste » croient que nombreuses sont les femmes victimes d’incestes (16-Blume 1990), nous affirmons que ces chiffres sont discutables. Comme Lindsey et Read (17-Lindsey et Read – 1994) l’ont fait remarquer, l’occurrence relativement rare d’incestes sur base des données empiriques existantes a d’importantes implications quant à la probabilité de diagnostics erronés, en thérapie de « résolution de l’inceste ». Ces données suggèrent que la vaste majorité des femmes qui ne se souviennent pas, en début de thérapie, avoir subi l’inceste, n’en ont probablement jamais été victimes. En conséquence de quoi, si la thérapie conduit fréquemment à se rappeler l’inceste, beaucoup de ces « souvenirs » ont de fortes chances d’être fallacieux.
Refoulement
Freud développa vers la fin du siècle dernier le concept de refoulement pour expliquer le soi-disant oubli des événements traumatisants qu’il croyait sous-jacent aux symptômes hystériques. Initialement, Freud considérait le refoulement comme une tentative consciente d’éviter de penser à des événements effrayants ou déplaisants. Il en vint éventuellement à conceptualiser ce processus comme entièrement inconscient… Le concept du refoulement associé à la notion selon laquelle les problèmes des adultes ont leur source dans la prime enfance ne fut pas fondamental dans la seule pensée psychanalytique, mais devint également une part intégrante de la culture populaire américaine. (19-Torrey 1992). La notion même de refoulement implique que des événements douloureux ou effrayants ont tendance à être oubliés. En conséquence, quand quelqu’un manifeste des problèmes psychologiques qu’il ne peut rattacher à une cause, ses souvenirs d’enfance oubliés servent d’explication normale. Dans les années 1970, quand l’attention se portait sur les victimes d’abus sexuels, sur leurs symptômes et leur traitement, les thèmes du refoulement et de l’étiologie infantile étaient adaptés à l’explication de la façon dont les souvenirs refoulés d’abus pouvaient être tenus pour responsables de l’insatisfaction qu’éprouvaient certaines femmes. Étant donné la prépondérance du concept du refoulement et son admission incontestée dans de nombreux cercles cliniques, il est intéressant de noter que plus de 70 ans de recherche empirique n’ont pas encore abouti à la découverte d’évidences univoques à l’appui du type de processus mnémoniques postulés par cette notion ( 20- Holmes – 1974 – 1990). Nous devrions donc être plus circonspects avant d’affirmer que les événements traumatiques ont tendance à être oubliés ou, quand de tels événements le sont, avant de prétendre que le refoulement est la meilleure explication de l’oubli. Amnésie infantile Freud avait noté que les gens éprouvaient des difficultés à se remémorer les souvenirs de leur jeunesse. La recherche sur la mémoire a confirmé que les souvenirs préalables à l’âge de trois ans sont rares et qu’il est quasiment impossible d’en avoir d’événements qui se sont produits à l’âge d’un ou deux ans (21- Pillemer et White – 1989). Freud en 1905 suggérait que l’incapacité à se souvenir d’événements précoces résultait du refoulement. Certains thérapeutes de la « résolution de l’inceste » se font écho de cette analyse en suggérant que ces trous de mémoire relatifs à l’enfance sont la preuve d’abus sexuels (22- Frederikson – 1992).
En réalité, les données indiquent que l’incapacité à se rappeler des événements précoces n’a rien à voir avec le refoulement ou toute autre forme d’oubli motivé. L’oubli des faits qui se sont produits avant l’âge de 3 ou 4 ans semble universel. Il porte le nom d’amnésie infantile et est associé à des processus de maturations neurales qui se poursuivent après la naissance, et donc à des changements de développement des fonctions cognitives et linguistiques qui influent sur la façon dont les enfants élaborent, retrouvent et partagent l’information (23- Howe et Courage – 1993)… Dans le cadre de notre traitement des souvenirs retrouvés, le phénomène de l’amnésie infantile nous intéresse à deux égards. Premièrement, il explique pourquoi les enfants qui ont été réellement abusés si précocement (avant l’âge de 3 ou 4 ans) sont incapables de s’en souvenir ( Terr – 1988). Deuxièmement, il suggère que les souvenirs retrouvés en thérapies, d’abus qui se seraient produits avant l’âge approximatif de 3 ans sont très probablement des affabulations. Symptômes d’abus sexuels, page 102 – Les thérapeutes de la « résolution de l’inceste » (44- Bass et Davis – 1988 et Blume en 1990) assurent fréquemment que l’inceste et d’autres formes d’abus sexuels sur les enfants produisent une série de symptômes psychologiques dont la présence peut être utilisée pour correctement en déduire l’abus, y compris quand les patients le nient explicitement. Il faut bien comprendre que ces chercheurs ne font pas que simplement poser un postulat selon lequel les abus sexuels produisent des symptômes psychologiques – positon partagée par la plupart des chercheurs – mais vont plus loin en insinuant que des symptômes particuliers ou constellations de symptômes, présents à l’âge adulte, sont des indicateurs solides d’abus sexuels dans l’enfance. C’est la raison pour laquelle les livres qui traitent de « souvenirs refoulés » et proposent l’autodiagnostic et l’autothérapie, contiennent souvent de longues listes de symptômes que leurs auteurs désignent comme moyens d’inférer une histoire d’abus.
Ces listes sont parfois extensives et incluent un large éventail de comportements. Les symptômes les plus souvent repris sont : – une mauvaise estime de soi, – des difficultés relationnelles, – des problèmes sexuels, – la dépression, – l’anxiété, – des phobies, – des symptômes somatiques, – des cauchemars, et des attaques de panique (45- Blume – 1990). Par exemple, un groupe appelé Les rescapés de l’inceste Anonymes propose un questionnaire en 20 questions. Il y est indiqué : Si vous répondez oui à trois de ces questions ou plus, Les Rescapés de l’Inceste Anonymes peuvent vous aider. (46-Gavignan –1992). Les items de ce questionnaire touchent des domaines de préoccupation aussi banals que les suivants : – Avez-vous des problèmes de manque de confiance en vous ou d’estime de vous-même ? – Vous trouvez-vous passif ou agressif ? Avez-vous des difficultés à vous affirmer ? – Avez-vous l’impression de devoir contrôler vos émotions ? – Êtes-vous facilement intimidé par des figures d’autorité ? – Avez-vous jamais été dans la promiscuité ? Quand vous avez des relations sexuelles recherchez-vous l’amour, l’affection et l’acceptation ? – Avez-vous des problèmes de drogue, de nourriture, de migraines, de douleurs lombaires ? Même avec ce petit échantillon de questions, il est vraisemblablement difficile de ne pas trouver quelqu’un qui ne répondrait pas oui à trois de celles-ci. En bref, les listes de symptômes utilisées par les thérapeutes de la résolution de l’inceste ratissent très large et créent l’impression que presque toute indication de détresse ou de difficulté psychologique est symptomatique d’un abus sexuel refoulé. Frederikson (1992) a même été jusqu’à suggérer que la peur du dentiste indiquerait l’existence de souvenirs refoulés d’abus sexuels. La différence entre postuler que des abus peuvent causer des symptômes et qu’une série de symptômes constitue un critère diagnostique d’abus est importante….
Il est important de savoir que des ensembles de symptômes ne doivent pas non plus nécessairement conduire au diagnostic d’un unique désordre particulier. De nombreuses études (48- Pour une revue voir Beitchman, Zucker, Hood, DaCosta et Ackman – 1991) ont indiqué que les personnes qui avaient été sexuellement abusées dans l’enfance, manifestent souvent des degrés plus élevés de détresse psychologique et de psychopathologie que ceux qui ne l’ont pas été. De plus, les personnes qui ont enduré des formes plus sévères d’agression durant leur enfance, tendent à avoir des niveaux de psychopathologie plus élevés que ceux dont les abus étaient de caractère moins sévère – (Elliot et Briere –1992). L’interprétation des ces résultats est cependant compliquée par un certain nombre de facteurs. En dépit des différences de moyennes en psychopathologie entre personnes ayant été abusées pendant l’enfance et celles qui ne l’ont pas été, les premières manifestent en termes de mesure et de types, une grande variété de difficultés psychologiques apparentes plus tard. En fait, Kendall-Tacket et al. (1993) rapportent qu’approximativement un tiers des adultes ayant subi des abus durant leur enfance ne présentaient pas de symptômes de désordres psychologiques. Même quand l’abus était sévère, certaines semblaient avoir peu de difficultés psychologiques. Par exemple Lukianowski (1972) rapporta que 23 % des femmes victimes de l’inceste paternel ne souffraient pas des effets pernicieux de ce qu’elles avaient enduré. En outre, les évidences échouent à fonder l’hypothèse selon laquelle l’abus est associé à une constellation unique de symptômes. Par exemple, bien que beaucoup de personnes ayant été abusées fassent état d’une mauvaise estime d’elles-mêmes et de dépression, beaucoup d’autres ayant eu une enfance comparable ne rapportent pas ces difficultés. De plus, nombreuses sont les personnes, qui n’ont pas été abusées, qui font également état d’une mauvaise estime d’elles-mêmes et de dépression. En fait, la vaste majorité des gens confrontés à ces difficultés psychologiques ne rapportent pas une histoire d’abus sexuels sévère durant l’enfance. Résumé : Prévalence de l’abus sexuels sur les enfants, page 106 – Bien que l’inceste et d’autres formes d’agressions sexuelles sévères contre des enfants soient plus fréquents que ce que l’on avait pu croire, il me semble qu’ils ne le sont pas autant que ce que les thérapeutes de la « résolution de l’inceste » le prétendent. En outre, les meilleurs données existantes indiquent que les personnes qui avaient été abusées après l’âge de 3 ou 4 ans s’en souviennent presque toujours. Si l’abus s’étendait sur une longue période et était répétitif, les souvenirs de ces occurrences ponctuelles ou spécifiques tendent à être oubliés, à se confondre dans la mémoire et à déformer de diverses façons la réalité vécue. Néanmoins, contrairement à ce que prétendent les thérapeutes de la « résolution de l’inceste », les personnes qui ont été abusées après l’âge de 3 ou 4 ans n’ont du moins pas tendance à oublier le fait qu’elles ont été abusées. Les données existantes indiquent qu’il n’existent pas de symptômes ou d’ensemble de symptômes psychologiques spécifiques pouvant être validement utilisés pour inférer une histoire précoce d’abus. Des symptômes tels que la dépression et la mauvaise estime de soi ne sont pas manifestés par toutes les personnes ayant été sexuellement abusées dans l’enfance et la majorité de ceux et celles qui font état de ces symptômes, n’ont pas subi ce genre d’agression pendant leur enfance.
Bref, il n’y a pas plus d’évidence à l’appui de la version moderne de la « théorie de la séduction », basée sur la notion de refoulement qu’il n’y en eut à l’appui de sa version originale, vite abandonnée par Freud. Tout ceci a d’importantes implications pour les femmes déprimées et insatisfaites d’elles-mêmes, mais sans souvenirs d’enfance sexuellement abusée, qui pénètrent dans un cabinet de consultation psycho thérapeutique. Cette présente analyse suggère que, dans leur vaste majorité, quand elles disent ne pas avoir été abusées, elles sont probablement dans le vrai. L’indignation qu’elles expriment quand de telles suggestions sont faites par leur thérapeute, ne traduit apparemment pas de résistance ou de refoulement massif, mais, plus que probablement le fait que la suggestion du thérapeute n’a aucun fondement dans la réalité. Il n’empêche que, comme c’était le cas pour les patientes de Freud, actuellement en dépit de leur déni initial, beaucoup de patientes traitées par des thérapeutes de la « résolution de l’inceste » , sont amenées à croire qu’enfants, elles ont été abusées. Pour ces patientes des procédés hypnotiques de recouvrement de la mémoire servent fréquemment de moyen pour retrouver des souvenirs d’abus. Hypnose, régression en âge et mémoire, page 107 – Les procédés hypnotiques sous leurs formes variées ont été utilisées pendant de nombreuses années pour faciliter la remémoration. La régression hypnotique en âge fut pratiquée par les psychothérapeutes pour faire retrouver par leurs patients, des souvenirs cachés bien avant la vague d’intérêt suscitée par les abus sexuels d’enfants (1 – Ellenberger – 1970), et de nombreux commissariats à travers l’Amérique du Nord continuent de faire usage de l’hypnose pour « rafraîchir » la mémoire de témoins de crimes (2- Orne –1979b – Wagstaff – 1989). La régression en âge induite par l’hypnose Les instructions hypnotiques de régression en âge, informent les sujets qu’ils reculent dans le temps, généralement à un âge spécifique suggéré par l’hypnotiseur. Selon la mythologie associée à l’hypnose, ces sujets développent réellement l’organisation psychologique infantile appropriée et « revivent » avec précision des expériences précoces exactement comme elels avaient originalement été vécues à l’époque ciblée. Ces notions sont fausses. Il est désormais clairement établi que les sujets en régression d’âge ne présentent pas les caractéristiques cognitives ou émotionnelles d’enfants d’aucune façon. Au lieu de cela, ils jouent à être des enfants. Facteurs influençant les descriptions de « souvenirs » comme étant réels (page 115 et suivantes) Dans les situations judiciaires ou cliniques réelles, les gens sont fréquemment exposés à de très fermes demandes de comptes-rendus correspondant aux a priori de figures d’autorité (ex. la police durant l’interrogatoire de témoin ou suspect, ou par un thérapeute pendant une procédure de régression en âge visant à découvrir un trauma précoce).
Il est souvent impossible de déterminer la mesure dans laquelle les sujets dans de telles situations croient ce qu’ils rapportent…. Ordinairement, l’expérimentation sur la mémoire de sujets hypnotiques ou de témoins oculaires se fait au cours de la même session expérimentale ou s’étend sur un petit nombre de sessions. Mais la remémoration de souvenirs d’abus se produit au bout de périodes prolongées. Les patients en cours de thérapie de « résolution de l »inceste » sont souvent des personnes en détresse et angoissées devenant dépendantes pour le maintien de leur estime d’elles-mêmes, du support social et affectif prodigué par leur thérapeute et les autres membres des réseaux de « rescapés d’abus » (38 – Golstein et Farmer – 1993).
Ces patients s’accordent à dire ce que leurs thérapeutes veulent entendre et peuvent être fortement motivés à générer ces types de souvenirs qui les feront bénéficier de l’approbation sociale. Au cours de ces thérapies interviennent un certain nombre de facteurs induisant les patients à définir leurs « souvenirs » d’abus comme réels. L’un d’eux consiste probablement en encouragements à poser des actes qui élèveront l’implication des patients dans la croyance en la réalité de leurs « souvenirs ».
Un moyen simple et relativement subtil d’arriver à cette fin consiste à encourager les patients à mettre par « écrits leurs « souvenirs ». De nombreuses études en psychologie sociale expérimentale ont indiqué que les gens s’impliquent plus dans une croyance et sont beaucoup moins enclins à la changer quand ils posent simplement l’acte de les écrire (40 – Pour une revue – voir Cialdini – 1984) . Rédiger la croyance et la soumettre à la lecture d’autres (par exemple le thérapeute), la rend publique. Une fois un document permanent et public réalisé, les gens se sentent sous la pression constante à se comporter (et à penser) en conformité avec la matérialisation de leur construction mentale. Une technique apparentée visant à augmenter l’implication des patients dans la croyance en la réalité de leurs « souvenirs » d’abus consiste à les encourager à en faire les aveux ou les descriptions publiques. Verbaliser une croyance dans un forum public, comme de la rédiger, crée une pression constante augmentant l’engagement dans la croyance. Bien entendu, en plus de cette pression incessante, les groupes qui prodiguent leur support social et affectif stimulent également l’implication de leurs membres dans le dogme partagé (ex. « chacun de nous a été abusé ») en renforçant directement l’évocation des croyances qui lui correspondent et en décourageant celles qui le contredisent. Une pratique particulièrement efficace pour augmenter l’implication de patients dans la croyance en la réalité de leurs « souvenirs » d’abus consiste à les encourager à une confrontation avec leur abuseur. Même si la personne accusée nie l’abus, cet acte public produit des conséquences qui contraignent le patient à un cours d’actions basées sur la prémisse de la véracité de ses souvenirs. Plus lourdes sont les conséquences d’un tel cours d’actions (couper les liens avec les parents, semer la zizanie entre les proches qui y croient et ceux qui n’y croient pas) plus difficile devient la remise en cause de la véracité du souvenir.
Les patients ayant recouvré des « souvenirs » et accusant publiquement leur abuseur (généralement leur père) rencontrent souvent le déni et l’indignation. Quand ces accusations répétées ne produisent pas une confession de la part de la personne accusée, ces patients coupent ou réduisent considérablement leurs liens avec la famille (43 – Goldstein – 1992). Une conséquence de cette réduction de contacts avec la famille est qu’ils se coupent également de toute information ou argument pouvant infirmer la croyance selon laquelle elles ou ils ont été abusés. Donc les seules voix qu’ils ont le plus de chance d’entendre sont celles qui renforceront leur conviction en la véracité du souvenir d’abus. La thérapie de la « résolution de l’inceste », avec ou sans hypnose ou techniques de régression en âge, implique le renforcement de la fabrication par les patients de « souvenirs » recouvrés comme authentiques plutôt que comme imaginaires. Ces « souvenirs » ne sont pas seulement répétitivement légitimés et renforcés en premier par leurs thérapeutes, mais également par toute une littérature comme le Courage de Guérir qu’ils sont encouragés à lire (50 – Tarvis – 1993) ainsi que par d’autres patients et professionnels avec lesquels ils interagissent et à travers les nombreux contacts informels qu’ils établissent quand ils deviennent membres d’un réseau de « rescapés d’inceste »….
Les patients participant à des sessions thérapeutiques de « résolution de l’inceste » sont fréquemment la cible du message selon lequel ils ont probablement été victimes d’abus sexuels. Cependant, c’est à eux que revient la tâche d’en découvrir la nature. Pour ceux qui n’ont en réalité pas été abusés, les « souvenirs » qu’ils retrouvent sont des improvisations. Avec l’aide de leurs thérapeutes ces « souvenirs » sont construits et façonnés par les patients jusqu’à ce qu’ils présentent une image du passé paraissant pouvoir adéquatement expliquer leur détresse et leurs problèmes existentiels actuels. L’élaboration improvisée d’une image intuitivement sensée en termes des motivations personnelles, des expériences et des circonstances uniques au patient, augmente probablement la facilité avec laquelle l’image résultante est définie comme un souvenir authentique. Résumé : Hypnose, régression en âge et mémoire – page 121 –
Les procédés hypnotiques ne semblent pas augmenter de façon valide le recouvrement correct des souvenirs. Les sujets hypnotiques sont au moins aussi enclins que les sujets non hypnotiques à faire des erreurs de remémoration, à être induits en erreur par des questions tendancieuses, à confondre le produit de leur imagination avec de réels souvenirs et à afficher un excès de confiance en leur remémoration. De plus, les procédés de régression en âge, couplés ou non à l’hypnose, n’induisent aucune forme de « restitution vécue » d’expériences passées. Les personnes qui régressent vers l’enfance ne développent dans aucun sens véritable l’organisation psychologique d’enfants réels. Au lieu de cela, ils se comportent en termes de connaissances implicites et explicites qu’ils ont des enfants. Dans la mesure où elles-ci sont inexactes, leur régression en âge l’est également. Bien que les « souvenirs » retrouvés durant une régression en âge puissent parfois être vécus d’une façon palpable et crus comme réels, ils ne sont en aucun cas nécessairement exacts. Les questions tendancieuses et les suggestions administrées lors de régressions en âge peuvent conduire tant de sujets hypnotiques que non hypnotiques à rendre compte de souvenirs illusoires, décrits comme authentiques. En contextes expérimentaux, les sujets qui les génèrent perdent souvent confiance dans leur réalité aussitôt que l’expérimentation a pris fin ou quand ils sont exposés à une demande les amenant à prendre une position critique vis-à-vis d’eux. De façon analogue, les suspects qui sont amenés par un interrogatoire de police à se souvenir erronément d’avoir commis un crime, se rétractent d’habitude une fois l’interrogatoire terminé et quand ils ont la possibilité de réévaluer l’authenticité de leurs « souvenirs » en utilisant d’autres critères que ceux suggérés par les policiers. Beaucoup de patients qui participent à une thérapie de « résolution de l’inceste » semblent également incertains de l’authenticité de leurs souvenirs d’abus. Ces patients sont néanmoins couramment exposés pendant une longue période de temps à des procédés de persuasion visant à augmenter leur implication dans leur croyance en la véracité de ces « souvenirs ».
[1] John HOCHMAN est psychiatre à ENCINO (Californie) et fait partie du Comité Scientifique Consultatif de la FMS Foundation à Philadelphie,USA