Le délit de manipulation mentale, une loi nécessaire (Jacques Trouslard)

Jacques TROUSLARD [1] a écrit, en septembre 2000

Les adeptes de sectes sont souvent des « coupables » « non responsables ». Faute de reconnaître la manipulation mentale, la Justice n’en vient-elle pas parfois à déclarer « coupables » des personnes « non responsables ».

En effet, le propre de la manipulation mentale pratiquée par les sectes (ou les thérapeutes déviants) est d’utiliser une triple technique cognitive, comportementale et affective à des fins perverses de conditionnement, d’emprise, de contrainte morale, d’embrigadement. Ce mécanisme qui se développe en trois temps : séduction – destruction – induction et qui fonctionne en s’articulant sur trois pivots : un gourou – un message – un groupe, parvient à priver l’adepte de son esprit critique et de son libre arbitre, de manière partielle, sectorielle. C’est-à-dire que l’adepte est privé de ses facultés de discernement et de libre décision uniquement en ce qui concerne les théories et les pratiques de sa secte. Mais pour le reste de sa vie, l’adepte peut rester entièrement libre et jouir et faire preuve de toutes ses facultés.
C’est ainsi que l’adepte pourra tromper les juges et même les psychiatres, qui ne découvriront en lui aucun symptôme délirant, et leur apparaîtra comme une personne douée d’une remarquable intelligence, occupant des postes importants dans les divers domaines de la vie professionnelle, culturelle, sociale, politique, religieuse, et ne laissant apparaître aucun caractère de vulnérabilité ou de faiblesse.
Or, ces mêmes personnes peuvent très bien s’être rendues coupables d’infractions plus ou moins graves, commises dans un état d’emprise ou de contrainte morale induit par la secte, victimes d’une manipulation mentale. En soi, les actes délictueux sont répréhensibles et leurs auteurs seront déclarés coupables. Mais en fait, privés de leur libre arbitre, souvent ils ne seront pas responsables :

Coupables mais pas responsables
Ici s’impose l’étude sérieuse du processus de la manipulation mentale spécifique pratiquée par les sectes. Il est en effet mal aisé de reconnaître que des adeptes de sectes, des personnes normalement constituées, puissent ainsi perdre leur liberté. En ce cas, il serait faux de parler de « soumission librement consentie ». Aussi difficile que ce soit à admettre, ces personnes devraient être considérées parfois, non pas comme des « victimes consentantes » mais comme des « victimes innocentes ».
Le Tribunal et la Cour d’Appel de Lyon ont ouvert une brèche dans cette voie en relaxant plusieurs prévenus, adeptes de la scientologie, au motif qu’ils avaient été victimes [2] :

« de manipulation dans un but d’aliénation du sujet …, de procédés frauduleux, de manœuvres frauduleuses, d’une manipulation mentale, de pressions … entrant dans le champ de la contrainte morale … « (p.25)

« Plusieurs d’entre eux ont fait soutenir qu’imprégnés d’une sincère et profonde croyance scientologique, ils n’avaient pu agir de mauvaise foi et qu’en conséquence : L’ÉLÉMENT MORAL DE L’INFRACTION N‘ÉTAIT PAS CARACTÉRISÉ « .(p.25)
« Un certain nombre d’autres prévenus sollicitent leur relaxe en contestant l’existence , en ce qui les concerne, de l’élément moral de l’infraction ». (p.28).

La spécificité de la manipulation mentale pratiquée par les sectes consiste essentiellement en ce qu’elle est une manipulation initiale, c’est-à-dire que l’adepte, avant d’entrer dans une secte, n’est pas forcément dans un état de faiblesse ou de vulnérabilité. Il poursuit une recherche respectable (humanitaire, sociale, spirituelle, médicale, psychologique, etc…) et va être littéralement trompé sur la vraie nature de l’association dans laquelle il entre et dont il va devenir, à son insu et progressivement, un membre fidèle, voire un inconditionnel, un fanatique.

Nous pourrions également ajouter victimes de sectes ou de thérapeutes déviants


[1] Jacques TROUSLARD était prêtre à Soissons, il nous a quittés le 15 Février 2011. Il a été spécialiste des sectes en France pendant près de trente ans

[2] (Cour d’Appel de Lyon – 28 Juillet 1997).