De l’emprise à la manipulation mentale
Par Marianne ENAULT
leJDD.fr – http://www.lejdd.fr – 19 mai 2009
[Texte intégral]
Comme chaque année depuis sa création, en 2002, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a publié son rapport annuel. A l’occasion d’une conférence de presse mardi, son président, Georges Fenech, a dénoncé le « dévoiement des pratiques psychothérapeutiques à des fins sectaires ». Les médecines dites alternatives sont notamment visées.
Le président de la Miviludes, Georges Fenech, a présenté mardi le détail du rapport 2008. (Maxppp)
« Une explosion de la bulle psy accompagnée de nombreuses déviances. » Voici le nouveau chantier de la Miviludes, auquel le rapport 2008 consacre une large part. Georges Fenech, le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, en a détaillé les grandes lignes mardi matin lors d’une conférence de presse. Le magistrat a mis l’accent sur le danger inhérent au manque de réglementation de la profession de psychothérapeute. Si selon lui, la plupart des professionnels « exerce leur discipline en conscience », les « infiltrations de groupements à caractère sectaire » sont monnaie courante.
Kinésiologie*, reiki**, médecine germanique du Docteur Hamer***… la liste est longue. Ce que la Miviludes dénonce, ce n’est pas tant l’efficacité de ces méthodes, mais leurs conséquences, à savoir, dans bien des cas, la marginalisation sociale, professionnelle et familiale de ces « patients ». « On leur recommande d’abandonner la médecine traditionnelle. Par manque d’informations, ils tombent dans le piège. On leur dit par exemple que le cancer n’est pas d’origine biologique mais psychologique ; qu’il faut ‘déprogrammer’ la maladie de leurs cerveaux », dénonce ainsi Georges Fenech.
*Au moyen d’un test musculaire, la kinésiologie décèle les douleurs psychologiques
**Médecine non conventionnelle d’origine japonaise basée sur des soins énergétique par imposition des mains
***Emprisonné à deux reprises, en Allemagne, puis en France, le Docteur Hamer fait du cancer la conséquence d’un choc psychologique
Recenser les techniques psychothérapeutiques
Face à l’augmentation de ces pratiques – et à la multiplication des procès – les pouvoirs publics ont fini par s’emparer du problème. En la matière, la Miviludes travaille main dans la main avec le ministère de la Santé. Au début de l’année, la Direction générale de la santé a d’ailleurs mis sur pied un groupe d’appui technique, destiné à « recenser ces techniques psychothérapeutiques ». Selon Georges Fenech, il s’agit de « faire le tri entre les bonnes et les mauvaises pratiques ».
Les élus se penchent aussi sur la question. Philippe Vuilque, député socialiste des Ardennes et président du groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée nationale, était d’ailleurs présent mardi à la conférence de presse. Pour lui, il s’agit de mieux réglementer la profession afin d’éviter les dérives de caractère sectaire. Déjà en 2004, l’amendement Accoyer, du nom de l’actuel président de l’Assemblée nationale, visait à encadrer la profession. Mais le texte, en raison de sa difficulté d’application, n’a jamais été suivi de décret.
Aujourd’hui, l’amendement est repris – et amélioré en vue d’une application effective – dans le cadre de la loi Hôpital, votée par les députés le 5 mars dernier et en cours d’examen au Sénat. Selon Georges Fenech, il fixe « les conditions d’attribution du diplôme de psychothérapeute », terme qui recouvre à la fois la psychiatrie, la psycho- logie, la psychanalyse et la psychothérapie. « Une très bonne nouvelle », selon le président de la Miviludes.