Extrait de leparisien.fr du 03.04.2008 : Gare aux thérapeutes malveillants
MADELEINE a reçu la lettre de sa fille aînée il y a trois ans, une semaine avant Noël. La missive est succincte et elliptique : elle ne viendra pas passer les fêtes en famille, « parce qu’elle ne veut pas faire subir à ses enfants ce qu’elle a subi quand elle était petite ». Sans autre explication. Deux mois passent. « Elle m’a rappelée à la fin des vacances de février, poursuit sa mère. Elle avait quelque chose à me dire. Ce fut le coup de massue : « Papa m’a violée quand j’étais enfant. » Je me suis fait insulter, disant que tout cela était de ma faute, que j’ai laissé faire, puis elle a raccroché. Depuis, elle a coupé les ponts avec toute la famille. »
Le dernier rapport de la Miviludes (mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) rendu public aujourd’hui raconte ces appels brutaux reçus un beau jour par des parents soudain désemparés. Après avoir commencé une thérapie, leur fille accuse son père ou son frère d’inceste. Puis disparaît. La Miviludes qui lutte contre les manipulations mentales consacre un chapitre entier à ces dérives thérapeutiques et ce cas particulier des « faux souvenirs induits ». Car dans certains cas dénoncés par la Miviludes, de viol, ou d’attouchement, il n’y a jamais eu.
« Loin de régresser, ce phénomène se développe »
Ces jeunes femmes, 30-40 ans en moyenne, mais parfois aussi des hommes, se sont fait manipuler par des thérapeutes. Philippe-Jean Parquet, docteur en psychiatrie, décrit le processus : « Le thérapeute recherche à exercer une emprise mentale sur son patient et à devenir le deus ex machina de sa vie. »
Pour régler les problèmes de vie conjugale, de vie sexuelle de sa patiente, le thérapeute l’invite à puiser dans le passé. Mais, l’air de rien, il oriente les recherches. « Ne pensez-vous pas que l’attitude de votre père en vacances sur la côte basque, plus qu’à de l’affection d’un père vers sa fille, ressemblait plutôt au comportement d’un vieux monsieur à l’égard d’une fille prépubère ? » Rien n’est dit, tout est suggéré, mais l’idée fait son chemin chez la patiente. La suggestion du thérapeute devient vérité
« Loin de régresser, ce phénomène se développe aujourd’hui de manière inquiétante, s’inquiète la Miviludes. Il est à l’origine d’une multiplication d’initiatives des associations de défense des victimes. » Dans la plupart des cas « le père est calomnieusement accusé du délit voire du crime d’abus sexuel ».
Une quarantaine d’actions en justice d’enfants contre leurs parents sont en cours.
L’association afsi (Alerte faux souvenirs induits) recense 220 familles victimes de plus de 200 thérapeutes. En aucun cas, la Miviludes ne veut jeter l’opprobre sur une profession. Mais elle suggère de donner les moyens aux patients de s’y retrouver. C’est tout l’enjeu du fameux décret Accoyer, toujours en cours de rédaction, qui labelliserait la profession de thérapeute.
Source : Le Parisien