Des poursuites sont-elles possibles ?

Dans les colloques ou Congrès organisés par les associations amies ou par la Fécris, nous avons beaucoup conversé avec Monsieur Daniel GRUNDWALD – Secrétaire Général du Conseil National de l’Ordre des Médecins. Nous lui avons parlé des dérives de certains médecins ou psychiatres pratiquant les thérapies basées sur la recherche des souvenirs de la petite enfance, générant au passage les Faux Souvenirs.

Monsieur GRUNDWALD connaissait les dérives de certains médecins et nous demandait de lui faire remonter les informations sur les médecins déviants.

Madame Irène KAHN-BENSAUDE – Présidente de la section Santé publique au Conseil National de l’Ordre des Médecins – lui a succédé et nous entretenons également avec elle des rapports de confiance.

A chacune de nos rencontres nous faisons remonter à Madame Khan-Bensaude , les dossiers que les familles nous communiquent sur les dérives des médecins, psychiatres, et homéopathes.

Malheureusement le Conseil national reconnaît uniquement les dérives des médecins, mais pas des autres charlatans, bien qu’ils dispensent eux-aussi des soins de santé mentale.

Pour aider les familles qui veulent se retourner contre le médecin qui les a fait accuser par leur enfant, Madame KAHN-BENSAUDE nous a remis un document rappelant le rôle de la juridiction ordinale du Conseil de l’Ordre des médecins.

La juridiction ordinale ne remplace pas la juridiction civile, elle n’octroie pas au plaignant de dommages et intérêts ni de remboursement d’honoraires, elle ne prononce que le non-respect du Code de Déontologie Médicale (Ordre de la Santé Publique).

La procédure

Qui peut poursuivre ?

- Le patient ou ses ayants droits après son décès ou son représentant légal en cas d’incapacité ou une association de patients
- Un médecin
- Le Préfet,
- la Dass
- Le Ministre de la Santé
- Le Cnom
- Le Procureur de la République
- Le DARH, la Drass, le Préfet de région.

N.B. Dans notre cas, les parents peuvent légitimement se retourner contre le médecin-charlatan. Cela est déjà arrivé.

Comment ?

Par lettre au Conseil départemental de l’Ordre

Il peut s’agir :

1) d’une doléance : toute doléance ou information est transmise au médecin concerné en l’invitant à y répondre et s’expliquer. Ses explications sont re-transmises à l’auteur de la doléance soit qui s’en contente, soit qui décide de porter plainte.

2) d’une plainte :

Depuis la loi du 4/03/2002, la conciliation est obligatoirement proposée dans le mois qui suit la réception de la plainte.

Conciliation : 2 possibilités
- La conciliation aboutit …. La plainte disparaît
- La conciliation ne peut avoir lieu ou n’aboutit pas, un constat de carence ou un procès verbal de non conciliation est établi.

Si la plainte prospère, elle fait l’objet d’un examen en séance plénière par le Conseil départemental qui dans tous les cas doit la transmettre à la Chambre disciplinaire de première instance et de plus peut décider en son nom propre d’être lui-même plaignant à l’encontre du médecin si il estime qu’une faute quant à la déontologie aurait été commise. Il devrait alors être représenté à l’audience de la Chambre disciplinaire de première instance.

3) La Chambre disciplinaire de première instance
- La chambre compétente est celle du Conseil Régional dans le ressort duquel

est inscrit le médecin concerné à la date de la plainte.
- Elle est composée d’assesseurs médecins élus et est présidée par un magistrat administratif.

- Sauf exception les audiences sont publiques. La délibération demeure secrète.

La décision est rendue publique par voie d’affichage et notifiée aux parties et

autorités énumérées.

La plainte peut :

être jugée irrecevable par ordonnance du président de la chambre (exemple : plainte par un patient contre un médecin chargé du service public)
être jugée par la chambre disciplinaire et aboutir soit à un rejet car infondée, soit à une sanction (avertissement, blâme, interdiction temporaire avec sursis total ou partiel ne pouvant excéder 3 ans, la radiation du tableau).

4) Appel : Chambre disciplinaire nationale

La décision peut faire l’objet d’un appel, dans un délai de 30 jours, du médecin condamné, du plaignant, du Conseil départemental, du Ministre de la Santé, du Darh, du Directeur départemental, du Préfet, du Procureur, du Cnom …

L’appel peut être interjeté si la sanction est considérée insuffisante (à minima) ou élevée (à maxima).

La juridiction d’appel est la Chambre disciplinaire nationale.

Elle est composée d’assesseurs médecins élus sous la présidence d’un conseiller d’Etat.

L’appel peut aboutir à une décision de confirmation, réformation ou annulation de la décision déférée.

5) Cassation : Conseil d’Etat

S’agissant d’une juridiction administrative est compétent le Conseil d’Etat sur des éléments de forme.

Les sources réglementaires et juridiques qui fixent les compétences de la juridiction ordinale et la procédure : principalement :

Code de santé publique :

Partie législative : art. L. 4113-10, L.4113-11, L. 4113-13, L. 4113-14, L. 4124-1 à L. 4124-8, L. 4132-7 à L. 4132-9, L. 4126-1 à L. 4126-6, L. 4124-9 … pour les chambres de première instance.

Art. L. 4122-3, L. 4126-4, L. 4132-5 pour la chambre disciplinaire nationale

Partie réglementaire : Art. R. 4123-18 à R.4123-21 pour la conciliation

Art. R. 4126-1 à R.4126-54 … pour la procédure

Art. R. 4127-1 à R. 4127-112 pour le Code de déontologie médicale.

LA JURISPRUDENCE

Les décisions de la chambre disciplinaire, celles du Conseil d’Etat intéressant les affaires ordinales font l’objet d’un traitement informatisé par le service de Jurisprudence du Cnom.

Elles sont accessibles sur le site de l’Ordre (conseil-national.médecin.fr)… »

N.B. Pour les parents odieusement accusés par leurs enfants majeurs, il est non seulement nécessaire de saisir l’Ordre des médecins comme indiqué ci-dessus, mais dans le même temps, nous vous recommandons de déposer plainte auprès du Procureur de la République de votre lieu de résidence, afin que celui-ci ouvre une instruction contre ledit médecin déviant. Ceci est très important pour la suite de votre plainte au Conseil de l’Ordre.

En cas de problèmes graves, vous adresser à l’Ordre départemental des médecins de votre lieu de résidence, ou au

Conseil National de l’Ordre des médecins

180 Bld Haussmann

75008 PARIS

Tél : 01 53 89 32 00

www.conseil-national.medecin.fr

Ci-dessous, courrier adressé à Madame Kahn-Bensaude pour notre premier entretien.

A F S I

Alerte Faux Souvenirs Induits

Maison des Associations du 13e

11 rue Caillaux 75013 PARIS

Métro : Maison Blanche

Tél. : 06 81 67 10 55

e-mail : afsi.fauxsouvenirs@wanadoo.fr

Paris, le 26 Février 2008

Conseil National

De l’Ordre des Médecins

180 Boulevard Haussmann

75008 PARIS

A l’attention de Madame Irène KAHN-BENSAUDE

Madame,

L’association que j’ai l’honneur de présider : A F S I : Alerte Faux Souvenirs Induits regroupe plus de deux cents familles dont les enfants majeurs accusent injustement leurs parents de maltraitance et d’abus sexuels survenus pendant leur petite enfance, abus dont ils n’avaient aucun souvenir auparavant et qu’ils « découvrent » vingt – trente – voire quarante ans plus tard, au cours ou à la suite de séances dites de « thérapies », basées sur la recherche de souvenirs de la petite enfance qui les ont amenés à ces dénonciations calomnieuses entraînant une rupture immédiate avec leur famille.

C’est ce que nous appelons « le syndrome des faux souvenirs induits ».

A la suite de ces accusations, certains parents (bien souvent de paisibles retraités) se sont suicidés, d’autres se sont retrouvés en garde à vue, mis en examen, jusqu’à ce que la Justice se rende compte que les jeunes femmes accusatrices avaient été manipulées par un ou plusieurs « psy » au cours de thérapies ou pseudo-thérapies, toujours mercantiles, souvent psychosectaires. Pour les parents accusés le mal était fait, la famille détruite.

Dans nos divers courriers auprès des différents Ministres de la Santé, auprès des Parlementaires et Professionnels de la Santé, nous avons demandé que la profession de psychothérapeute soit réglementée au plus vite afin de ne plus permettre à certains pervers et malfaisants de détruire la vie de nos enfants et petits-enfants sous le masque de la médecine et du mieux-être.

Après avoir entendu plus de deux cents familles réparties dans toute la France, nous rencontrons différents types de thérapeutes déviants :

Domiciliations Paris 43 %

Province 57 %

Professions

Thérapeutes divers 63 %

Kinésithérapeutes 16 %

Psychologues 10 %

Psychiatres 7 %

Médecins Homéopathes 2 %

Formation professionnell 2 %

NB. Mars 2010, cette analyse a bien changé depuis. Voir rubrique les thérapeutes

Témoignage :

Une de nos familles résidant en région Rhônes-Alpes est victime d’accusations de leur fille, âgée de près de 30 ans.

Celle-ci, pour des raisons d’anxiété, a consulté un médecin-homéopathe de la région, et dès le début de sa thérapie a commencé à s’éloigner de ses parents, de ses frères, avec qui elle était très liée. La famille s’est inquiétée, lui a demandé comment se passait la thérapie, leur fille répondait que ce médecin n’était pas comme les autres, qu’après chaque séance elle était « chamboulée » pendant trois jours, mais qu’elle était contente….

En fait, plusieurs mois après le début de la thérapie, la jeune fille accusait son père d’un viol survenu lorsqu’elle était toute petite.

La famille est effondrée, d’une famille heureuse il ne reste rien.

A la suite de ces accusations, leur fille a déposé plainte auprès du Procureur de la République. Toute la famille a été entendue par la Police.

La famille a porté plainte contre le médecin-homéopathe pour :

manipulation de leur fille
abus de faiblesse
destruction de leur famille

auprès du Procureur de la République de leur résidence et du Conseil départemental de l’Ordre des Médecins …

Vendredi 14 Février 2008 avait lieu la conciliation au Conseil départemental de l’Ordre des Médecins entre la famille et le médecin homéopathe.

Sur la convocation il était mentionné que la famille pouvait se faire assister par une personne de son choix.

Présidente de l’ A F S I et connaissant particulièrement le problème des faux souvenirs induits, j’ai voulu assister la famille pour cette conciliation.

Au moment d’entrer dans la salle, j’ai été exclue avec fermeté de la conciliation, par le Président du Conseil départemental de l’Ordre des Médecins, qui n’a même pas accepté ma carte de visite.

La famille était seule pour la confrontation avec le médecin homéopathe.

Je suis très étonnée de cette attitude, en effet, je n’étais venue qu’à la demande de la famille et dans le seul but de les assister et d’expliquer le problème des thérapies déviantes générant les faux souvenirs induits et aucunement pour prendre partie dans cette conciliation.

Lors de diverses conférences touchant à la santé, elle avait rencontré à plusieurs reprises Monsieur GRUNWALD, votre prédécesseur, qui connaissait le problème des thérapies déviantes et les faux souvenirs induits. Il m’avait conseillée de faire remonter auprès des Conseils Régionaux de l’Ordre des Médecins les dérapages des véritables professionnels de la santé. Il savait que des dérapages existaient, ils devaient être connus et sanctionnés.

Je lui avais également parlé des thérapeutes déviants, les autoproclamés, qui représentent la majorité des charlatans à vocation « psy ». Il m’avait répondu que ces gens n’étaient pas médecins et que cela ne concernait pas l’Ordre des Médecins.

Je pense le contraire. Tous ces gens, diplômés ou non, qui pratiquent des techniques diverses de recouvrance de la mémoire , dans le seul but de manipuler et d’exercer sur leur victime, souvent en fragilité psychologique, une certaine emprise, et ne l’oublions pas, en les ruinant au passage, font du tort à toute la profession médicale.

Lorsque les enfants sont en recherche d’un « thérapeute » pour diverses raisons, ils sont alors en demande de soins thérapeutiques – il s’agit bien d’un acte qui touche à la santé – nous considérons que cela regarde bien l’Ordre des Médecins.

Il ne faut pas se voiler la face, tant que les véritables professionnels de la santé, donc l’Ordre des Médecins, ne prendront pas la défense des milliers de victimes de ces charlatans de l’inconscient, et laisseront faire, les victimes seront de plus en plus nombreuses et nous verrons sur Internet et dans des annuaires dits de « thérapies » de plus en plus de thérapeutes « spécialistes » en thérapies les plus diverses.

Je souhaiterais vous rencontrer afin de vous présenter notre association et vous remettre un état des lieux des victimes, de leurs familles, des thérapeutes déviants.

Je vous remercie de votre attention.

Je vous prie de croire, Madame, à l’assurance de ma considération distinguée.

La Présidente

Claude Delpech

Aujourd’hui, Mars 2010, nous pouvons dire que la plainte de la jeune fille contre son père a été classée sans suite. Il en est de même des plaintes déposées par les parents auprès du Conseil de l’Ordre et du Procureur de la République.

Nous constatons le plus souvent que les plaintes lancées auprès du Conseil de l’Ordre aboutissent rarement.

Le Bulletin de l’Ordre des médecins – 4 avril 2008

Dérives thérapeutiques, du phénomène de mode aux sectes

Lorsqu’on aborde la question des « médecines non conventionnelles », il n’est pas toujours facile de savoir quelles pratiques, quels thérapeutes et quels risques sont en cause • Parle-t-on de dérives sectaires, de dérives thérapeutiques, de pratique illégale de la médecine ? Le débat est ouvert…

S’il n’y a, a priori, pas de dangers avérés à suivre les conseils d’un médecin qui prône, à titre préventif, un régime anticancer à base de légumes, de fruits et de produits riches en oméga 3, il y en a – et de sérieux ! – à suivre les conseils de gourous qui promettent à leurs adeptes de les guérir de leur leucémie par un travail psychologique, ou encore de ne jamais tomber malades s’ils se nourrissent uniquement d’air et de lumière !

Entre le fait de prescrire quelques granules homéopathiques à un patient pressé d’en finir avec sa rhinite et celui de proposer à des malades atteints d’une sclérose en plaques une « déprogrammation biologique » de leur mal par le truchement d’une simple consultation téléphonique, le champ des pratiques est sidéral !

S’y engouffrent toutes sortes de techniques, les unes séculaires ou exotiques, les autres aussi nouvelles que farfelues. Leur seul point commun : elles rejettent le principe de base de la médecine moderne, qui repose sur des données scientiquement éprouvées.

De la santé au bien-être

Pourtant, l’attrait pour ces pratiques médicales non éprouvées est un vrai phénomène de mode. À la Direction générale de la santé, on estime qu’entre 30 et 50 % de la population font régulièrement appel à ces méthodes. Pour le plus grand nombre, il est vrai, en complément, et non pas comme une alternative pure et dure à la médecine officielle.

Ancien conseiller national de l’Ordre des Médecins, en charge de ce dossier depuis 1995, le Dr Daniel Grunwald, en observateur aguerri, analyse les origines de ce phénomène de société : « La notion de santé a beaucoup évolué au cours de ces dernières années, explique-t-il.

En effet, selon la définition de l’OMS, la santé n’est plus seulement l’absence de maladie – nécessitant soins et prévention ; elle renvoie à “un état de total bien-être physique, social et mental de la personne”.

Or, tout ce qui ne relève pas de la simple absence de maladie ou d’infirmité échappe pour une très large part aux professionnels de santé et aux structures officielles. C’est dans cette zone-là que l’on trouve la plupart des activités « médicales » déviantes, pratiquées le plus souvent par des thérapeutes autoproclamés ou arguant de diplômes non validés, voire confidentiels. »

Tout naturellement, l’émergence de cette nouvelle demande a fait fleurir pléthore de « techniques » censées apporter santé et bien-être ! Au cours de ces vingt dernières années, leur nombre a explosé. Catherine Picard, présidente de l’Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes), en a répertorié deux cent quatre-vingt !

Toujours est-il que généralistes et spécialistes sont de plus en plus sollicités, à travers la presse médicale, par des publicités pour des stages et des formations prometteurs.

Ce que dit le Code de déontologie médicale

article 30 : « Est interdite toute facilité accordée à quiconque se livre à l’exercice illégal de la médecine. »

article 39 : « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite. »
article 21 : « Il est interdit aux médecins, sauf dérogations accordées dans les conditions prévues par la loi, de distribuer à des fins lucratives des remèdes, appareils ou produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé. Il leur est interdit de délivrer des médicaments non autorisés. »

article 32 : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science (…). »

Médecines marginales et pseudo-médecines

« Dans ce domaine, l’acceptable côtoie le pire », soupire le Dr Daniel Grunwald.

Comment s’y retrouver ? Jean Brissonnet, vice-président de l’Association française pour l’information scientifique (AFIS), virulent pourfendeur de tout ce qui ne relève pas de la médecine fondée sur des preuves1, a tenté de les différencier. Il classe d’un côté les médecines marginales qui, dit-il, peuvent être « d’ordre ethnique, historique, illusoire ou tout simplement charlatanesque. Elles vont de la gemmothérapie à la médecine ayurvédique, en passant par la biothérapie gazeuse, l’urinothérapie, la kinésiologie, la chromothérapie, la cristallothérapie et bien d’autres encore, passées, présentes ou futures, tant il est vrai que l’imagination des vendeurs d’illusions est toujours fertile 2. » De l’autre, il parle des pseudo-médecines. Elles ne sont pas plus enseignées dans le cursus normal des études médicales que les précédentes, mais sont pratiquées par des médecins. Jean Brissonnet range dans cette deuxième catégorie l’homéopathie, l’auriculothérapie, l’acupuncture, la réflexologie, l’ostéopathie, la naturopathie, l’iridologie, etc

Ces pseudo-médecines sont pratiquées « dans l’assentiment général » – certaines sont même remboursées par la Sécurité sociale -, et leur influence sur le corps médical ne cesse de croître.

Ainsi, « dans les Bouches-du-Rhône, près de 11 % des praticiens inscrits au Tableau de la médecine générale déclarent désormais pratiquer à temps partiel ou complet l’homéopathie, l’acupuncture ou l’ostéopathie », s’émeut le scientifique !

Cette position sans concession ne fait pas l’unanimité, y compris au sein des autorités de tutelle. La preuve en est qu’il existe actuellement un projet d’évaluation de ces pratiques au ministère de la Santé. Présenté comme l’une des priorités de Xavier Bertrand, à l’époque où il était ministre de la Santé, le projet est désormais entre les mains du directeur général de la Santé, Didier Houssin. La Direction générale de la santé (DGS) a en effet confié une évaluation collective des pratiques de santé non conventionnelles à l’Inserm.

L’objectif est de classifier les méthodes, déterminer celles qui sont acceptables et celles qui ne le sont pas, pour définir un cadre d’intervention concernant les premières et pour mieux informer le grand public et les professionnels de santé sur celles qui sont condamnables dans tous les cas.

« Il n’y a pas d’un côté, le licite, de l’autre, l’illicite »

Cette nécessaire clarification face à la prolifération de pratiques non éprouvées scientifiquement est aussi un souhait de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Mais le Dr Grunwald prévient : ce ne sera pas simple « car en médecine, deux et deux ne font jamais quatre ! » Déjà en 1996, dans « Pratiques médicales et sectes », le rapport qu’il avait rédigé pour le compte du Cnom, il soulignait les « nettes similitudes entre médecines parallèles et pratiques sectaires », ajoutant que « la frontière entre prescriptions tolérables et nocives, l’existence ou non de pratiques charlatanesques, sont souvent difficiles à cerner ».

Aujourd’hui représentant de l’Ordre des médecins au sein du conseil d’orientation de la Miviludes, Daniel Grunwald reconnaît la difficulté à faire passer un message clair sur ces questions. « Les médecines dites “douces” ne sont pas, en elles-mêmes, dangereuses, explique-t-il. Elles peuvent même être utiles dans certains cas… et dans d’autres, devenir franchement dangereuses. Il n’y a pas d’un côté, le licite, de l’autre, l’illicite. Tout dépend de l’utilisation qui en est faite. »

Ainsi, il conçoit que des praticiens puissent juger intéressant de recourir à de telles techniques pour faciliter le suivi de patients, mais dans un cadre bien défini. « Par exemple, pour des troubles fonctionnels isolés, ou bien à titre symptomatique, lors d’affections reconnues. Il faut, bien sûr, que les produits prescrits, s’ils ne sont pas scientifiquement éprouvés, soient garantis sans risque iatrogène, sans contraintes anormales, notamment financières, et que les patients soient dûment informés et consentants. Enfin et surtout, ces thérapeutiques ne doivent en aucune façon remplacer les conseils et prescriptions adaptés qui découlent des données actuelles de la science ! »

Combien de médecins « déviants » ?

Reste qu’un médecin qui utilise une technique ou un produit médicamenteux non éprouvé, même s’il se place dans le cadre ci-dessus énoncé, s’en porte en quelque sorte caution au regard des non-médecins. Or, dans neuf cas sur dix, les thérapeutiques déviantes à caractère sectaire sont pratiquées par des non-médecins.

En réalité, le nombre de médecins inscrits au Tableau de l’Ordre et concernés par les dérives thérapeutiques à caractère sectaire demeure sans doute très limité. En 1996, le rapport ordinal avait bien avancé le chiffre de trois mille pour le territoire national, mais aujourd’hui, ni les observateurs ordinaux ni ceux de la Miviludes ne le reprennent, considérant qu’il repose sur des données trop incertaines. Il faut savoir que, lorsqu’un médecin s’engage dans des pratiques vraiment marginales, il choisit en général de s’exclure de lui-même du Tableau de l’Ordre plutôt que de s’exposer à des procédures disciplinaires suivies d’une radiation. Il devient alors beaucoup plus difficile de cerner son activité.

L’Ordre ne peut en effet intervenir que dans le cas où les pratiques incriminées sont le fait de médecins inscrits à son Tableau. Dans tous les autres cas, le problème relève des autorités administratives ou judiciaires.

De toute façon, il faut bien faire la différence entre un médecin adepte d’une secte, mais poursuivant son activité médicale conformément aux règles, et celui qui applique les théories sectaires dans sa pratique médicale : « Chacun a le droit d’avoir ses croyances et même de défendre ses idées, insiste Daniel Grunwald. En revanche, s’il s’agit de prescrire une thérapeutique à autrui, cela ne peut pas reposer sur des croyances ! »

Incidences sur la pratique médicale

C’est bien pour cela que l’Ordre des Médecins n’a cessé, depuis plus de douze ans, de travailler en étroite collaboration avec la Miviludes (ex-Mils) pour étudier les rapports complexes qui lient les pratiques médicales et les dérives sectaires. En décembre 2007, lors d’une réunion au siège du Cnom avec des représentants de la Miviludes, de la DGS, de la Direction générale de l’action sociale (DGAS) et des deux principales associations de lutte contre les dérives sectaires (Unadfi et CCMM), les membres de la section Santé publique et Démographie médicale du Cnom, en charge de ce dossier, ont avancé plusieurs axes d’actions.

Il apparaît tout d’abord indispensable de mieux former et informer les médecins sur les pratiques déviantes. Ils doivent apprendre à repérer les caractéristiques sectaires de certaines pratiques non conventionnelles, être aptes à fournir des réponses objectives aux questionnements de leurs patients lorsqu’ils sont demandeurs de thérapeutiques particulières ou attirés par certains « traitements miracles ». Il s’agit de savoir prévenir les risques face aux patients vulnérables, fragilisés psychologiquement par une pathologie lourde et souvent cibles désignées des illusionnistes de la santé, assurer la difficile prise en charge des patients « sortis de sectes », ou encore décider quelles conduites tenir en cas de refus de soins – notamment refus de transfusion sanguine – pour raisons idéologiques…

Un « correspondant sectes » dans chaque département

Il faut également mieux organiser la vigilance. « En fait, ces questions étant particulièrement complexes, la meilleure solution est que chaque conseil départemental de l’Ordre des médecins nomme un “correspondant sectes” qui serait formé par la Miviludes », propose Jean-François Guyonnard, l’un des conseillers nationaux de l’Ordre en charge du dossier au sein de la section Santé publique. Cela aurait bien des avantages : ce correspondant pourrait ainsi être associé aux groupes de travail sur les dérives sectaires qui sont mis en place dans chaque département, sous l’autorité du préfet. Le conseil départemental de l’Ordre aurait ainsi une meilleure connaissance du terrain et pourrait agir plus souvent en amont, engager des actions préventives envers les médecins déviants sans attendre qu’il y ait des victimes.

Refus de transfusion sanguine : loi du 4 mars 2002… et jurisprudence

Les Témoins de Jéhovah, on le sait, refusent toute transfusion de produit sanguin. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades est en principe très claire sur de tels refus : elle stipule qu’ « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne »… même si elle précise, il est vrai, que « si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. »

Pourtant, dans des situations d’urgence vitale, il n’est pas rare que des médecins décident de passer outre, et la jurisprudence ne leur donne pas forcément tort. Face à une « situation extrême mettant en jeu un pronostic vital », le médecin a encore une marge de manœuvre : aucune violation du droit au refus de soins ne pourra lui être reprochée, même s’il a été clairement exprimé par le patient ou par sa famille, dans la mesure où le médecin a accompli un « acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ».

Précisons par ailleurs que, dans le cas des mineurs, le médecin doit prendre les décisions qu’il juge nécessaires à la santé de l’enfant, même contre l’avis des parents

Des actions disciplinaires souvent inabouties

Car, il faut bien l’admettre, agir contre eux n’est pas simple. Très peu de plaintes parviennent aux conseils départementaux, et lorsqu’il y a dépôt de plainte, c’est en général la famille qui en est à l’origine, pas le patient lui-même. D’où la difficulté de recueillir des preuves tangibles. « Les affirmations ne suffisent pas, explique le Dr Grunwald. Il faut des faits précis et étayés, et dans un secteur où l’on a le culte du secret, c’est presque impossible ! Il arrive même que l’opacité soit si bien organisée que la plainte se retourne contre les accusateurs… accusés de propos diffamatoires ! « Face à des faits affirmés sans preuves formelles, voire à des rumeurs sur les pratiques charlatanesques de tel ou tel médecin, le conseil départemental peut néanmoins agir en organisant des entretiens avec le médecin incriminé, pour cerner le problème avec lui, analyser ses motivations et ses prescriptions jugées anormales, lui rappeler ses devoirs et le mettre en garde contre les risques qu’il encourt s’il persiste…

Et, dans les cas les plus graves, outre la saisine de la juridiction ordinale, la nature des faits (mise en danger des patients) peut justifier un signalement au procureur de la République, ou via la Miviludes. Sans oublier que dans le cas d’un enfant en danger, le signalement, là, devient presque une évidence.

Dossier : Arlette Chabrol

1. Jean Brissonnet a écrit plusieurs ouvrages sur les dérives thérapeutiques, parmi lesquels Les Pseudo-Médecins : un serment d’hypocrites.
Le point de vue de l’Ordre

Dr Irène Kahn-Bensaude, présidente de la section Santé publique au Conseil national de l’Ordre des Médecins

« N’attendons pas qu’il y ait mort d’homme ! »

La lutte contre les dérives sectaires ne concerne pas directement le Conseil national de l’Ordre des médecins : c’est l’affaire de la Miviludes, et celle-ci s’acquitte fort bien de sa mission. Néanmoins, si notre institution s’est très tôt intéressée à ce sujet, c’est que la santé constitue depuis toujours un champ d’investigation privilégié pour les gourous en tout genre. Nous avons tous en mémoire des cas où une théorie totalement irrationnelle a abouti à un drame : la mort d’un enfant ou d’un jeune adulte qui, correctement nourri et soigné, aurait dû vivre…

Il arrive qu’un médecin dûment inscrit au Tableau de l’Ordre soit en cause. Ce n’est heureusement pas le cas le plus fréquent, car ceux qui dérivent vers les pratiques non conventionnelles les plus marginales se font en général rayer des listes pour éviter d’être inquiétés par nos instances disciplinaires.

Les « thérapeutes » autoproclamés sont en effet, de très loin, les plus nombreux dans la diffusion de ces théories fumeuses. Reste que l’engouement pour les pratiques médicales dites « alternatives », « orientales », « traditionnelles », « naturelles », etc., loin de diminuer, a tendance à s’infiltrer dans la pratique quotidienne de médecins séduits par des discours faussement rassurants. Avec le risque majeur qu’un jour ou l’autre, des patients atteints d’une affection grave subissent une vraie « perte de chance », parce qu’au lieu de leur faire suivre un traitement scientifiquement éprouvé, ces médecins leur auront prescrit de la poudre de perlimpinpin !

L’Ordre des médecins, la Miviludes, la Direction générale de la santé (DGS) et les assocations de défense contre les sectes ont décidé d’organiser ensemble la prévention contre ces dérives thérapeutiques dangereuses.

Les cellules départementales de lutte contre les sectes doivent être réactivées, et nous souhaitons que chaque conseil départemental de l’Ordre désigne un référent capable de traiter ces sujets complexes et délicats. N’attendons pas qu’il y ait mort d’homme pour nous mobiliser contre de tels agissements. Nous devons empêcher ces drames !

Point de vue extérieur

Françoise Chalmeau, membre de la Miviludes,

chargée du secteur Santé/Bien-Être

 » Les médecins sont des publics très courtisés »
Comment distinguer dérives thérapeutiques et dérives à caractère sectaire

La dérive thérapeutique implique le recours à des méthodes non éprouvées et non validées, donc comporte des risques de charlatanisme, de mise en danger du patient, d’atteinte à son intégrité physique ou psychique. Tout cela, on le retrouve dans les dérives sectaires avec, en plus, emprise mentale, mise en état de suggestion, rupture avec l’environnement familial, amical, professionnel, voire rupture avec le système de santé. Les dérives thérapeutiques à caractère sectaire sont marquées par le rejet inconditionnel et non négociable de la médecine scientifique.

Les médecins sont-ils des proies privilégiées ?

Les dérives sectaires sont le fait de réseaux constitués de microstructures ; les cabinets de thérapeutes en font partie. Ces réseaux véhiculent des outils à visée thérapeutique, outils de bien-être, de développement personnel : c’est un volet parmi d’autres, mais loin d’être négligeable. Pour les mouvances sectaires, les médecins sont intéressants car, une fois acquis à leurs théories, ils vont pouvoir gagner de nouveaux adeptes parmi les patients. Ce sont des publics très courtisés.

Certains se laissent convaincre

Cela peut s’expliquer. Les médecins sont parfois « usés » et, dans des situations où ils se sentent impuissants, peuvent être tentés par de nouvelles méthodes. Certaines propositions peuvent ainsi exciter leur curiosité. Ils peuvent aussi être sensibles aux critiques que l’on fait à la médecine scientifique : l’individu n’est plus assez reconnu en tant que personne ; la médecine est devenue trop technique ; elle s’en réfère plus aux plateaux techniques sophistiqués qu’à l’écoute et à la souffrance individuelle du patient… Ce n’est pas un hasard si c’est parmi les médecins en contact avec des pathologies graves que l’on observe le plus de déviances. Plusieurs cancérologues sont devenus leaders de méthodes déviantes.

Chez nos voisins européens, certaines méthodes rejetées en France sont pratiquées au grand jour ….

Certaines d’entre elles peuvent être acceptables dès lors qu’on ne les prend pas comme seuls recours dans un processus de guérison, qu’on les intègre dans des protocoles thérapeutiques éprouvés (des services hospitaliers en oncologie, pédiatrie, obstétrique, soins palliatifs, etc. recourent à l’hypnose, à la sophrologie, l’auriculothérapie, l’acupuncture, l’ostéopathie…).

Ne soyons donc pas trop psychorigides ! Le rejet systématique des méthodes non conventionnelles par les institutions publiques et professionnelles fait qu’on a mal apprécié leur évolution et leur importance, aujourd’hui considérable. Ceux qui les pratiquent se sentant incompris, victimes, fonctionnent dans la non-transparence. Là est le danger.

C’est la problématique du débat sur la réglementation du titre de psychothérapeute, face à la prolifération des méthodes psychothérapeutiques ! Si l’on veut mettre de l’ordre et banaliser ces méthodes alternatives à visées thérapeutiques, il faudra d’abord mieux les connaître pour exclure celles qui sont dangereuses par leur contenu (par exemple, les pratiques qui comportent des jeûnes ou des régimes alimentaires très déséquilibrés, etc.). Et, pour les autres, déterminer leurs limites et leurs plus-values dans un objectif d’association à des protocoles thérapeutiques éprouvés.

Quel rôle les médecins peuvent-ils jouer sur le terrain de la prévention ?

Ils sont parfois témoins, dans leur pratique médicale, de situations désespérées de patients gravement atteints, traités par des méthodes alternatives et pour lesquels une prise en charge conventionnelle est devenue inopérante.

En tout cas, il est important qu’ils sachent identifier les dérives thérapeutiques sectaires pour en informer en priorité les patients en danger, mais également les institutions professionnelles et publiques dans un objectif de prévention, voire de sanction de faits répréhensibles comme l’exercice illégal.