Assemblée nationale XIVe législature. Session ordinaire de 2014-2015 Compte rendu intégral : Présidence de Mme Sandrine Mazetier 1. Délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles

Extrait de assemblee-nationale.fr du 27.11.2014 : Assemblée nationale

XIVe législature. Session ordinaire de 2014-2015. Compte rendu intégral : Présidence de Mme Sandrine Mazetier, 1. Délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles

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Mme Colette Capdevielle. Les infractions sexuelles sont destructrices car elles touchent au cœur de l’intimité des victimes, qui se sentent coupables, alors même que l’auteur a souvent tendance à se victimiser.

Les auteurs sont presque toujours des proches de leur proie ; ils n’ont aucun mal à instaurer un climat de confiance et les faits, qui s’inscrivent dans la durée – souvent plusieurs années –, sont rarement isolés.

Comment expliquer une amnésie post-traumatique subie par un enfant mineur, souvent dans sa plus tendre enfance ? L’enfant, du fait du lien très proche avec son agresseur, ne peut pas avoir conscience et connaissance au moment des faits de la nature de l’interdit, puisqu’il est un enfant et qu’il a confiance. L’enfant a peur et trouve trop dangereux de parler, la première de ses craintes étant de ne pas être cru. L’agression est refoulée, tant elle est inconcevable, inimaginable, impensable par un enfant qui, nécessairement, attend protection et affection de la part de l’adulte ayant la charge de lui, que ce dernier appartienne à sa famille ou à son entourage proche. Surtout, un mécanisme de déni, qui a été bien expliqué, se déclenche tout simplement pour que la victime ne sombre pas. Seul, finalement, le corps intérieur de la victime garde en mémoire les faits. La souffrance intérieure s’exprime et s’extériorise sous différentes formes : la dépression, des addictions, de l’anorexie, de la boulimie, des mutilations, des scarifications, des tentatives de suicide. Les médecins voient ces situations régulièrement dans leur cabinet.

Je tiens à indiquer que les petits garçons sont autant victimes que les petites filles mais la libération de leur parole leur est bien plus difficile, parce qu’ils souffrent encore plus que les petites filles d’un sentiment de honte, qui les accable. Nous commençons à peine à évoquer cette question, notamment dans le cadre sportif.

Posons-nous objectivement, et sans utiliser la situation des victimes, la question suivante : augmenter les délais de prescription, en les poussant toujours au-delà des limites, est-ce réellement – je dis bien : réellement – aider à accompagner les victimes et répondre à leurs attentes, qui consistent à être reconnues comme telles ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Elles le demandent !

Mme Colette Capdevielle. Il faut aussi oser l’affirmer : quelle est la vocation d’un procès pénal plus de quarante ans après les faits ? Va-t-on condamner à une peine privative de liberté, plus de quarante ans après les faits révélés, une personne souvent âgée et insérée alors que, de surcroît, on sait que l’on est confronté, malgré les progrès de la science, à un dépérissement des preuves, dans un domaine où, justement, la question de la preuve est la plus difficile à rapporter ? De ce fait, tout en ayant très bonne conscience, ne va-t-on pas faire vivre à la victime un véritable enfer procédural ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

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Mme Sonia Lagarde, rapporteure. Le 12 novembre dernier, la commission des lois a adopté la proposition de loi, les membres du groupe SRC s’abstenant sur le vote des articles et le vote final. Plusieurs membres de ce groupe ont fait valoir qu’une réforme globale du droit de la prescription leur paraissait nécessaire et le président de la commission a proposé de confier à nos collègues Alain Tourret et Georges Fenech une mission d’information sur cette question en vue de l’élaboration d’un texte global.

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