Manipulation mentale induite par la psychothérapie

Manipulation mentale induite par la psychothérapie

C’est probablement l’un de « côtés obscurs » de la psychothérapie, illustrée par des exemples tels que celui de Nadean Cool, aide soignante chez qui son psychiatre avait implanté de faux souvenirs d’abus sexuel et de violences infantiles des plus folles. La psychothérapie mal instrumentalisée, a le fâcheux pouvoir d’implanter de faux souvenirs chez les patients, en particulier lorsque ceux-ci sont sujets à la suggestion, et que le thérapeute est convaincu que des abus (sexuels, la plupart du temps) dans l’enfance expliquent le moindre trouble psychologique à l’âge adulte.

De par sa nature, la psychothérapie est une arme dangereuse si elle n’est ni contrôlée, ni pratiquée à bonne escient. On ne s’improvise pas thérapeute de l’esprit, à moins d’aimer jouer les apprentis-sorciers. Même les thérapeutes d’expérience doivent être confrontés à une constante remise en question de leurs activités, s’ils souhaitent continuer à pratiquer en respectant patients et déontologie.

Certains de ces thérapeutes, par leur conviction personnelle, leur enrôlement dans des approches thérapeutiques à la limite de la croyance sectaire, ou par simple éducation en l’absence de critique et d’auto-critique, se tournent vers des modèles thérapeutiques évoqués sous le nom de thérapie de régression (ou de mémoire refoulée, de souvenirs réfoulés, etc…). Ces approches incluent la conviction quasi-dogmatique, d’aspect freudien, selon laquelle la majorité des troubles psychologiques (précisément, d’origine psychogène) trouvent leur explication dans l’existence de souvenirs inconscients d’abus sexuels refoulés.

Rappelons d’une part que Freud, très tôt dans ses travaux et ses études sur l’esprit humain, a constaté qu’en cure psychanalytique, un nombre ahurissant de patientes évoquait des abus sexuels pendant leur enfance, au cours de la psychanalyse. Souvent décrié et notamment pour la raison selon laquelle Freud, parait-il, voyait du sexe et des abus sexuels partout, cet auteur s’est pourtant demandé bien vite si ces épisodes mnésiques d’abus sexuels étaient réels. En fait, le nombre incroyable de cas rapportés lui avait mis la puce à l’oreille : il était tout simplement impossible qu’il y’ait autant d’abus dans l’enfance, à moins peut être que la moitié au moins de la population ne soit pédophile…

Pourtant, l’idée selon laquelle les abus sexuels infantiles expliqueraient de nombreuses psychosomatisations à l’âge adulte s’est répandue, certains psychiatres et psychanalystes allant jusqu’à faire du retour à la conscience de ces souvenirs refoulés, l’ambition principale de leur thérapie. Selon cette conception, se souvenir de l’abus sexuel, qui ayant été refoulé, provoque aujourd’hui le trouble mental, permettrait de s’en guérir, selon le sacro-saint principe de catharsis.

Or, il apparait qu’en la matière, cette conception néglige un point important mis en évidence dans les années 1970 (bien que partiellement connu et étudié depuis les années 1930), le syndrome de faux souvenir. Plusieurs cas, tel que ceux décrivant l’implantation de faux souvenirs chez des patientes en psychothérapie, montrent combien il est aisé pour un psychothérapeute d’induire de faux épisodes mnésiques chez ses patients, faux épisodes en tout point terrifiants.

Lorsque nous évoquions plus haut le terme de secte, c’est en tout état de cause : ce type de thérapie provoque volontiers une rupture des liens familiaux et amicaux, l’isolation sociale, entraîne la personne qui la subit dans une aggravation de son état mental (à une enfance heureuse, normale ou « normalement triste », se rajoutent les souvenirs – parfois faux – d’abus sexuels pendant l’enfance – ce qui ne peut certainement pas arranger la santé mentale du patient).

La pratique est également volontiers une escroquerie financière, puisqu’elle coûte, et n’apporte aucun bien au patient. En plus de cela, celui-ci assiste à un puissant embrigadement de la part du psychothérapeute –quoique bon nombre de vrais spécialistes lui refuserait ce titre ! – dans un ensemble théorique qui n’a jamais réussi à donner de preuves sérieuses de sa pertinence.

 Sous couvert de psychothérapie, ceux-qui auraient pu devenir d’excellents psychiatres ou psychothérapeutes se retrouvent (et le plus tragique, c’est que cela arrive parfois malgré leur bonne foi), dans la position d’un gourou de secte étendant son emprise sur de pauvres patients influençables (il est démontré que les personnes les plus sujettes à la suggestion sont également les plus sujettes à développer de faux souvenirs). Au rang des responsables, l’éternel goût de certains hommes pour le paranormal et les thérapies dont on sait qu’elles n’ont jamais fourni de preuves d’efficacité, mais pour lesquelles, Dieu sait pourquoi, We want to believe. Hypnose (ericksonienne, régressive…), thérapie par suggestion, folâtreries sur le tout-abus-sexuel-pendant l’enfance, dans un contexte thérapeutique qui relève davantage des croyances mystiques que des constats expérimentaux.

Les faux souvenirs sont particulièrement faciles à implanter, les vrais souvenirs sont tout aussi aisés à être modifiés. Et ils sont tenaces… James Ost (2002), chercheur du département de psychologie de Portsmouth, montraient ainsi qu’en 8,6 semaines en moyenne, des souvenirs d’abus sexuels pendant l’enfance pouvaient être implantés chez des patients n’ayant jamais subi le moindre abus. Pire : après cette période et la soi-disant « découverte » des épisodes infantiles d’abus, le patient y croyait tout autant que ne le croyait son psy : tous deux en étaient convaincus – quoique le psy, lui, en était convaincu, dans une large proportion des cas, dès le début, par conviction, dirons-nous « globale« . Plus de 50% des psys se disent capables au premier entretien clinique, de découvrir si un problème psychologique vient probablement d’un souvenir refoulé. Il fallait par contre en moyenne 4,5 années pour que le faux souvenir soit considéré par le patient comme ce qu’il était : un épisode mnésique implanté qui ne décrivait en rien la réalité. L’analogie avec les sectes peut là encore, sembler de bon aloi : facile d’y entrer, mais pour s’en sortir… c’est une autre paire de manche.

On pourrait exprimer des doutes face à ces constats, se dire que ce ne sont que des cas atypiques, que la majorité des psys sont d’efficaces et de sérieux thérapeutes, à l’abri des biais de toutes sortes et des convictions qui relèvent davantage d’esprit sectaire que d’une approche scientifique. Il n’en est rien. Si sur ce site, nous défendons habituellement les approches thérapeutiques et leur diversité, force est de constater qu’il y’a parfois des limites à la tolérance, et qu’il faut s’élever contre des approches scandaleuses, tant en matière de thérapie (pratique) qu’en matière de conviction (théories sous-jacentes).

Pour vous aider à prendre conscience du fossé, chez les thérapeutes, entre la psychologie scientifique représentée en masse dans le domaine de la recherche, et la pratique clinique, beaucoup plus libre car beaucoup moins soumise à l’approbation des pairs, l’article suivant vous présentera quelques expérimentations et enquêtes intéressantes et proprement révélatrices d’un schisme profond entre les approches visant la connaissance de l’esprit et celles qui visent (plus ou moins) le soin au patient.

Cet article fait partie du dossier Manipuler la mémoire 

Introduction : la malléabilité de la mémoire et des souvenirs

  1. Le cerveau et la mémoire, des systèmes cognitifs imparfaits
  2. Suggestion verbale et manipulation de la mémoire
  3. Modifier les souvenirs par la formulation des questions (Loftus et Palmer, 1974)
  4. Implanter de faux souvenirs par la suggestion verbale (Loftus et Palmer, 1974)
  5. Manipulation mentale induite par la psychothérapie
  6. Le côté obscur et dangereux des psychothérapies

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