Les rapports

Rapport 2010

Extrait
Le point de vue d’un psychiatre

Extrait de la page 136 [1]

Il est communément admis que les personnes placées sous emprise mentale induite par des processus a caractère sectaire, adhérant a des idées, des croyances et des théories auxquelles elles n’auraient pas fait crédit et adhéré antérieurement, les conduisant a des comportements et a des choix de vie dommageables pour elles et pour autrui, présenteraient toutes des vulnérabilités qui les rendraient sensibles aux propositions qui leur sont faites.

Cela n’est pas totalement vrai : un grand nombre de personnes victimes des processus a caractère sectaire ne présentent pas de facteurs de vulnérabilité et, cependant, elles succombent a ces processus. Par contre, beaucoup ne répondent pas aux sollicitations qui leur sont faites. Cela veut dire qu’elles possèdent des facteurs de protection.

Cette constatation permet de proposer comme base d’une politique de prévention l’activation des facteurs de protection comme un accompagnement d’une politique plus classique fondée sur la réduction des facteurs de vulnérabilité aux processus a caractère sectaire et la réduction de l’offre dans ce domaine.

Il est d’autant plus nécessaire de développer ces facteurs de protection qu’existent par ailleurs aussi des facteurs de vulnérabilité.

Il est incontestable que ceux-ci sont des déterminants favorisant l’adhésion aux propositions les plus diverses et notamment a celles qui peuvent conduire a des comportements dommageables. Ces facteurs de vulnérabilité sont très divers, conjoncturels, un deuil par exemple, ou structurels : une pathologie de la personnalité ou un désordre mental.

La maladie cancéreuse représente un facteur de vulnérabilité considérable, car elle porte en elle la souffrance, la perte de ce qui fait l’attachement que nous portons a notre vie et a nos affections, la peur des thérapeutiques, l’inquiétude sur les conditions de la vie avec la pathologie, l’éventualité de la mort.

Par ailleurs, la maladie cancéreuse est la plus emblématique des maladies, même si beaucoup d’autres pathologies ont le même pronostic grave et les mêmes contraintes thérapeutiques. Enfin, cette maladie n’est pas seulement la maladie d’une personne, mais aussi une maladie partagée par la famille, les proches et toute la société. Les réactions de tous vont se combiner, y compris celles des soignants souvent perçues comme ambigües par les patients et leur entourage.

Face à la maladie cancéreuse, la personne réagit en fonction des ressources qu’elle a développées antérieurement tout au cours de sa vie. Nous sommes donc très inégalement armes pour faire face a cette épreuve. Mais nous sommes tous en difficulté en cas d’atteinte par le cancer. Nous avons alors besoin d’une aide spécifique autant que de l’aide matérielle qui nous est nécessaire dans notre vie quotidienne.

Les réactions de la personne a sa maladie sont variables dans le temps et en fonction de l’évolution de celle-ci, de l’efficacité des thérapeutiques validées scientifiquement et, le cas échéant, de l’offre de thérapeutiques non conventionnelles parfois criminelles.

Les offres de thérapeutiques non conventionnelles sont variées et exploitent des thématiques différentes. Lors de l’annonce de la maladie seront privilégiées les propositions de soutien global et les théories explicatives. La pénibilité des soins et leur relatif manque d’efficacité feront plutôt l’objet de propositions d’alternatives thérapeutiques non validées.

Cette diversité des approches non validées rappelle cependant a la médecine conventionnelle que le soutien, l’aide et la vigilance doivent être différents au cours de l’évolution de la maladie.

Elle rappelle aussi que l’aide, le soutien et les soins doivent prendre en compte en une seule démarche les dimensions somatiques, psychologiques et sociales de ces pathologies.

Enfin, il convient de ne pas oublier que la maladie cancéreuse présente de multiples visages qui n’ont pas tous le même impact psychologique et social, ni le même pronostic, ni la même pénibilité des soins.

Ces quelques remarques doivent servir de bases a une politique de prévention de nature a rendre les personnes souffrant de pathologies cancéreuses capables de résister a des propositions qui pourraient leur apporter plus de dommages que de bénéfices.

Affirmons fortement que, dans nombre de cas, les protocoles thérapeutiques sont capables d’éradiquer certaines pathologies cancéreuses, d’en retarder l’évolution.

Rompre un projet thérapeutique efficace et lui substituer une thérapeutique non validée ou dangereuse représente une perte de chance que nous ne saurions individuellement ou collectivement accepter.

Extrait des pages 157 et suivantes : Formations et enseignements dans le domaine des médecines non conventionnelles : un marché florissant au risque de dérives sectaires

Des milliers de formations non reconnues et vendues sans prérequis ou avec des prérequis ne pouvant être obtenus qu’auprès de leurs promoteurs

* Des diplômes « maison » prétendument « qualifiants »

* Les formations à la biologie totale des êtres vivants

* La formation dans les facultés libres d’étiopathie

* La formation à l’« ethnomédecine » à la faculté libre de médecine naturelle

* La formation à la « synthèse pour une relation d’aide » au Collège universitaire privé des sciences humaines

* La formation au biomagnétisme humain à l’Institut de formation en applications corporelles énergétiques

* Les formations à la kinésiologie

L’apprentissage de dérives thérapeutiques dangereuses pour la santé publique et pour la santé des individus

Des allégations thérapeutiques non validées par la science et souvent extravagantes

Les allégations de l’ethnomédecine : les huiles essentielles miraculeuses,

Les allégations de la biologie totale : la guérison des maladies, y compris les plus graves, par une psychothérapie relative à un ou à plusieurs conflits psychiques non résolus.

Les allégations de l’étiopathie : des maladies aussi bien bénignes que graves guéries en quelques séances par l’application de techniques manuelles dites « chirurgie non instrumentale »

Les allégations de la médecine naturelle du Collège universitaire privé des sciences humaines : contre les mystifications des spécialistes, le recours aux potentiels d’autoguérison de l’être humain.

Les allégations thérapeutiques du biomagnétisme humain et de la chirurgie immatérielle : extraire sans aucune manipulation les énergies usées qui sont la cause des maladies.

Les allégations thérapeutiques de la kinésiologie.

La diffusion de faux espoirs par la supposée puissance des forces d’autoguérison

Des tentatives de justification au regard du système de santé Officiel

Des formations, des pratiques et des comportements aux allures fréquentes de dérives sectaires

Contre le « scientisme » de la médecine conventionnelle : la notion d’approche globale ou « holistique »

Questions de vie et de mort

Des formes de dérives sectaires propres aux PNCAVT

Une forte emprise sur les usagers

Des gratifications contestables

Le développement « en réseau » des mouvements à caractère sectaire et la constitution de « réseaux intermouvements » : l’avenir du phénomène sectaire


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Rapport 2010

Rapport 2009

L’A F S I remercie la Miviludes et ses rédacteurs, sans oublier Guy Rouquet, Président de Psychothérapie Vigilance, pour cet excellent article sur le chamanisme et ses dérives et espère qu’il sera lu par de nombreux jeunes en recherche de vérité sur eux-mêmes.

Certains parents de notre association, dont les enfants se sont tournés vers le chamanisme, vont mieux comprendre ce que recherchent leurs enfants en effectuant des voyages vers l’Amérique du Sud. Soyez vigilants.

Pour un complément d’informations sur le chamanisme et ses dérives, on peut contacter l’association Psychothérapie Vigilance son Président Guy Rouquet est le spécialiste en France du chamanisme et des drogues.

Extraits, pages 63 et suivantes

Récemment, à Takiwasi, une femme en proie aux violents maux de ventre déclenchés par la décoction, s’est entendue dire que ses douleurs provenaient en fait des abus sexuels commis par son père alors qu’elle était toute enfant… ; le fait que la « patiente » incrédule n’en ait gardé aucun souvenir a été interprété par les « maîtres chamans » comme un refoulement ; cette réaction était le « signe » même de la véracité d’un vécu dont elle n’avait nullement conscience mais dont son corps se souvenait…

On est ici très proches des nouvelles thérapies déviantes induisant des« faux souvenirs » déjà dénoncés en France depuis quelques années par des psychologues spécialisés, les associations de défense des individus et de la famille (ADFI), le centre contre les manipulations mentales (CCMM) et la Miviludes dans son rapport de 2007 (voir également l’A.F.S.I. créée en 2005 -afsi.fauxsouvenirs@wanadoo.fr ).

De pareilles « révélations » sont ravageuses pour l’individu comme pour sa famille. L’instillation d’un doute de cette nature dans l’esprit de la personne en demande d’aide psychologique, ou venue dans un « centre de soins » pour développer son harmonie globale ou se soigner d’une toxicomanie, ne peut qu’être éminemment traumatisant. Isolée dans un milieu radicalement« étrange », elle ne peut alors, pour surmonter cette « découverte » et « survivre » à cet évènement que se retourner vers les seules personnes présentes sur place et qu’elle croit compétentes, à savoir le maître chaman et ses assistants.

Ainsi le neo chamanisme ne se bornerait pas à modifier les états de conscience par des drogues et des psychotechniques ; il manipulerait la conscience de l’individu en recherche.



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Rapport 2009
Le rapport 2009

Rapport 2008

Extraits (p.107 et suiv.)

Le dévoiement des pratiques psychothérapeutiques à des fins sectaires

Une augmentation de l’offre et de la demande de soins, une augmentation des risques

Les constats :

Une hausse rapide du besoin d’accompagnement « psy ».

Une augmentation et une diversification de l’offre psychothérapeutique.

Un manque d’encadrement du titre de psychothérapeute.

L’absence d’évaluation des méthodes et pratiques

Un nombre d’usagers en hausse

Une multiplication des indications

Diversité et prolifération des approches

Des psychothérapeutes aux parcours divers

L’encadrement du titre de psychothérapeute : Un dispositif inachevé

L’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a été introduit par amendement du député Bernard Accoyer, afin de protéger les victimes des graves insuffisances professionnelles de certains praticiens ou du détournement des pratiques à des fins manipulatoires. Cette protection s’appuie sur l’obligation de figurer sur un registre de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, sous réserve de satisfaire aux conditions du titre de psychothérapeute.

Le texte précise : « L’usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes. L’inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l’État dans le département de leur résidence professionnelle. Elle est tenue à jour, mise à la disposition du public et publiée régulièrement. Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel. En cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département, une nouvelle inscription est obligatoire. La même obligation s’impose aux personnes qui, après deux ans d’interruption, veulent à nouveau faire usage du titre de psychothérapeute. L’inscription sur la liste visée à l’alinéa précédent est de droit pour les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l’article 44 de la loi n o 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.

Un décret en conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et les conditions de formation théoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes visées aux deuxième et troisième alinéas. » Ce texte constitue un immense espoir pour les victimes, les familles, les associations de défense et les professionnels qui constatent les dégâts de groupes ou d’individus de la mouvance sectaire. Malheureusement, en l’absence de texte d’application, ce dispositif reste à ce jour lettre morte

- Rareté des évaluations indépendantes

Des évaluations autoproclamées et dithyrambiques fleurissent et tiennent le rôle de messages publicitaires convaincants. Ainsi les sites de la nouvelle médecine germanique multiplient-ils les récits de guérison de cancers ou autres graves maladies. Ces récits sous forme de témoignages justifient la puissance de la « théorie ». Ils lui confèrent des possibilités magiques. L’échec, dans ces conditions, est attribué à la défiance du malade qui n’a pas accordé toute son adhésion au processus d’autoguérison. Le seul exemple d’évaluation méthodique et rigoureuse est celui de l’étude de l’INSERM réalisée en 2004 sur trois approches psychothérapeutiques. Les conclusions ont à cette époque nourri des polémiques violentes. Dans un tel contexte, la protection de l’usager, l’identification de thérapeutes fiables et la prévention du risque de manipulation à l’origine de préjudices majeurs directs et indirects semblent aléatoires même si la majorité des psychothérapeutes exercent leur art de manière satisfaisante.

La dérive psychothérapeutique et l’emprise sectaire

Pour Delphine Guérard, psychologue clinicienne, plusieurs éléments permettent de repérer des pratiques psychothérapeutiques sectaires.

Selon ses propres termes tirés de l’article paru dans Le Journal des psychologues des mois de décembre 2008 et janvier 2009 :
- Cinq caractéristiques sont identifiables :

« – Position de toute puissance et de tout pouvoir du thérapeute : dans une démarche inquisitrice grâce à la suggestion et à sa force de persuasion, le thérapeute recherche la vérité pour guérir. Il adopte une position interventionniste de justicier et propose des solutions.
- Injonction de rupture avec la famille comme dévoiement de la notion d’autonomie.

– Embrigadement théorique : « la théorie » n’est pas à considérer comme un ensemble d’hypothèses à interroger, mais sacralisée, elle explique tout et marche à tous les coups.

– Atteinte à l’intégrité psychique des patients : dans l’urgence, avec insistance, sans précaution ni délicatesse, les interventions font intrusion dans la psyché.

– Instauration d’une relation d’emprise : dans une sorte de fusion, sans dégagement possible, le thérapeute entraîne l’autre dans un processus destructeur de singularité. Le patient est transformé en objet se retrouve dans une dépendance aliénante. »

Cette analyse lève toute ambiguïté sur le caractère sectaire d’un grand nombre de dérives psychothérapeutiques en tant que telles ou associées à d’autres « théories ».

La Mission constate par ailleurs la constitution de fronts unitaires rassemblant des leaders de pratiques sous-tendues par des « postulats à risque » et des organisations du paysage sectaire en tant que telles ou par leurs organismes affiliés, sur des thèmes sensibles comme la psychiatrie, la toxicomanie, les psychotropes, et une critique systématique de la médecine conventionnelle qui s’apparente en réalité à son rejet.

La falsification de la mémoire retrouvée

Sur la base de nombreux témoignages, se caractérise, en première analyse, par un détournement des méthodes et pratiques psychothérapeutiques. Elle s’apparente souvent en deuxième analyse à diverses mouvances dont celles du New Age .

Il s’agit notamment de jeunes publics dont les difficultés ou leurs différences conduisent leurs parents à adhérer à des solutions marginales impliquant un ou plusieurs outils psychothérapeutiques mais de manière orientée pour atteindre les objectifs du groupe.

Mais elle concerne plus généralement tous les âges de la vie. Le rapport public de la Mission pour l’année 2007 abordait la dérive thérapeutique et sectaire à travers la falsification de la mémoire enfouie appelée également « syndrome des faux souvenirs induits ».

Les mois suivant cette publication ont été marqués par une avalanche de témoignages et de demandes d’aide adressés aux associations de défense des victimes et à la Mission, dénonçant notamment des techniques de « psychothérapie » intrusives dont le diagnostic pré-établi portait systématiquement sur des maltraitances ou agressions sexuelles commises sur le client au cours de son enfance, dans un cadre intrafamilial. La gravité de telles « révélations » entraîne immanquablement une déstabilisation du ou de la cliente et des ruptures avec son environnement, d’autant que le praticien dans sa pseudo-relation d’aide suggérera d’en tirer toutes les conséquences.

Le développement rapide des psychothérapies au cours des dernières décennies n’a pas permis un encadrement suffisant de ces activités. La situation actuelle se caractérise par de nombreux facteurs de risque, à commencer par une réelle impossibilité de l’usager à effectuer un choix éclairé quant au professionnel pressenti. Cette situation alarmante implique l’enrichissement et l’intensification des politiques publiques dans la vigilance, la prévention et la lutte contre les dérives sectaires induites par le dévoiement des pratiques psychothérapeutiques.

Cette mission de service public qu’est la protection de l’individu, et le rétablissement de la confiance dans des professions dont l’utilité est incontestable et qui auront à répondre de besoins grandissants dans un avenir proche, suggèrent plusieurs recommandations :

Sur les méthodes et pratiques : dresser un inventaire précis et régulièrement actualisé de l’offre à risque, évaluer les contenus limites et la dangerosité des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique dont les psychothérapies et informer régulièrement le grand public .

Sur le volet formation : inventorier la diversité de l’offre, informer les publics dont les professionnels sur les risques de certains cursus, et intensifier les contrôles prévus par la réglementation en vigueur.

Intensifier et développer les actions de sensibilisation des agents publics pour une meilleure détection des situations dangereuses et un déclenchement des actions administratives ou judiciaires appropriées.

Protéger le titre de psychothérapeute par la publication rapide des dispositions d’application de l’article 52 de la loi du 9 août 2004.

Renforcer les sanctions à l’encontre des thérapeutes recourant à des méthodes non conventionnelles à visée thérapeutique, facteur de mise en danger de leurs clients.

Augmenter le nombre d’experts auprès des instances judiciaires.
Intensifier la coordination et la coopération des services de l’État dans l’identification des conduites à risque, notamment dans les domaines de la sécurité intérieure en raison de risques de troubles à l’ordre public (salons, colloques et conférences dans des lieux publics ou prestigieux). Ces actions devront également concerner les flux financiers à cause de la facilité offerte à ces praticiens pour dissimuler leurs ressources.

Améliorer la défense des victimes et la réinsertion des anciens adeptes par le renforcement des moyens notamment en direction des associations. Ces orientations devraient faire l’objet de programmes pluriannuels avec un phasage précis de leur mise en œuvre. En tout état de cause, le renforcement des actions publiques dans ce domaine revêt un caractère d’urgence.

Objectifs de la Direction générale de la santé pour 2009

Mise en place du groupe d’appui technique (GAT)

Après la création du groupe d’appui technique par arrêté du Directeur général de la santé, la première réunion de ce groupe devrait intervenir dans le courant du premier semestre 2009. Les institutions sollicitées pour être membres du GAT seront les suivantes : Miviludes, INPES, HAS, AFSSAPS, DHOS, DSS, DGS (PP1 et MC4), Académie nationale de médecine, INSERM, Ordre des médecins, Ministère de la Justice, Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Le GAT comptera aussi parmi ses membres trois praticiens experts : un cancérologue, un rhumatologue, un psychiatre. Ces spécialités correspondent en effet aux champs le plus souvent investis par les PNCAVT. En outre, selon les circonstances et les besoins, le GAT pourra solliciter la contribution ponctuelle d’autres institutions et celle d’associations concernées par les PNCAVT, parmi lesquelles : l’IGAS, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Éducation nationale, les ordres des professions de santé autres que médecins, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), l’Union nationale de défense des familles et de l’individu (UNADFI), le Centre contre les manipulations mentales – Centre Roger-Ikor (CCMM)… La mission prioritaire de ce groupe sera de contribuer à l’élaboration d’une information objective à l’attention du grand public sur les pratiques non conventionnelles, en s’intéressant dans un premier temps aux pratiques les plus courantes (mésothérapie, acupuncture, homéopathie, ostéopathie …).

Organisation d’un encadrement juridique

L’état actuel du droit ne permet pas de mettre en cause des pratiques, mais seulement les individus qui les conçoivent et les utilisent, sur la base de la mise en danger d’autrui, de l’exercice illégal de la médecine, de la publicité mensongère, etc. L’expérience montre que les plaintes à l’encontre de ces individus aboutissent rarement. Aussi, à l’instar des mesures d’encadrement qui ont été introduites pour les actes à visée esthétique (projet de loi portant sur la réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, n o 1210 rectifié, déposé le 22 octobre 2008), il est envisagé, avec l’aide du groupe d’appui technique, d’encadrer les pratiques « prometteuses » et de procéder à l’interdiction des pratiques jugées dangereuses.

Le rapport complet

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Rapport 2008
Rapport 2008

Extrait de presse

Rapport 2007

MIVILUDES

Rapport 2007

L’A F S I remercie la Miviludes et ses rédacteurs pour ce très bon Rapport sur les dérives de la santé et les Faux Souvenirs Induits, auquel elle a collaboré activement.

C’est la première fois qu’un rapport officiel traitait de ce sujet.

A la suite de la diffusion du rapport plus d’une centaine de familles se sont reconnues et ont rejoint l’ A F S I.

Ci-dessous, quelques extraits du dossier :

Prévention et Evaluation du risque

Les dérives psychothérapeutiques :

le cas des faux souvenirs induits

Le philosophe Paul Ricoeur déclarait à propos de ses travaux sur une juste représentation du passé, objet d’un ouvrage : « La mémoire, l’histoire, l’oubli », publié aux éditions du Seuil en septembre 2000 :

« Je reste troublé par l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoires- et d’oubli. L’idée d’une politique de la juste mémoire est à cet égard un de mes thèmes civiques avoués. »

Cette préoccupation révèle l’importance des acquis du passé et la volonté des contemporains à décrypter le sens de nos souvenirs à un niveau collectif comme individuel. S’agissant de la personne, ce recours banalisé « aux souvenirs » n’est pas sans risque de dévoiement et de manipulation de nos mémoires, notamment dans les démarches de développement personnel, professionnel ou à l’occasion de prises en charge thérapeutiques. Un certain nombre de méthodes psychothérapeutiques, en intégrant le vécu des individus et celui de leur famille, sollicite la réminiscence des souvenirs. Un exemple dramatique de falsification et de détournement de la mémoire réelle ou imaginée par des praticiens incompétents ou poursuivant des objectifs d’asservissement des personnes leur accordant leur confiance est le phénomène appelé « syndrome des faux souvenirs ».

1. Naissance d’un phénomène dangereux

Définition des faux souvenirs induits

Plusieurs définitions au demeurant concordantes en sont données. Pour l’association nord-américaine luttant contre les méfaits de ce syndrome

http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/falsememory.html,

« le faux souvenir est une expérience déformée par la mémoire du sujet qui l’a vécu ou encore un souvenir imaginaire résultant d’un fantasme qui a remplacé inconsciemment un fait dans la mémoire. »

« Le faux souvenir induit résulte de techniques d’auto-suggestion ou d’une influence indue qu’exercent certains thérapeutes. »

Il existe plusieurs sortes de faux souvenirs :

Des faux souvenirs de maltraitance,
Des faux souvenirs de viols, d’incestes (la personne accusée étant souvent le père parfois le frère) ou d’abus sexuels par une autre personne faisant figure d’autorité (enseignant, prêtre, nourrice, ami de la famille…)

Ou encore des faux souvenirs de vies antérieures ou d’enlèvements par des
extra-terrestres.

Enfin pour l’association française A F S I : « Alerte Faux Souvenirs Induits

« le syndrome de la fausse mémoire peut être identifié lorsqu’il n’est précédé paraucun souvenir de même nature pendant les 20-30 années antérieures et qu’il apparaît brusquement au cours ou à la suite d’une thérapie basée sur la recherche des souvenirs d’enfance et commence à altérer le jugement et la personnalité des jeunes patients adultes. »

L’apparition du phénomène

Né dans la seconde moitié du vingtième siècle sur le continent nord américain et particulièrement aux États-Unis, ce phénomène dangereux émerge dans un contexte d’évolution des mentalités notamment autour des tabous sexuels et de croissance d’un marché de l’offre psychothérapeutique utilisée aussi bien dans des situations thérapeutiques, que dans les stratégies professionnelles ou d’accompagnement d’un mieux-être.

Le syndrome du faux souvenir est le fait de praticiens ramenant systématiquement toutes les difficultés de la personne à des souvenirs occultés souvent depuis la prime enfance, de maltraitances tels l’abus sexuel (viol, inceste) dans l’entourage familial, au cours de rites sataniques ou encore d’expériences d’enlèvements par des extra-terrestres.

En outre, le fait que ces maltraitances touchent des mineurs au moment des faits réels ou supposés, a mobilisé l’opinion publique et a légitimé un traitement prioritaire de ces cas par les services sociaux, policiers et judiciaires dans la prise en charge des victimes et la poursuite des agresseurs désignés. L’épidémie de dénonciations, dont un grand nombre diffamatoire, plongeant les familles dans des drames douloureux, aurait, selon la False Memory Syndrome Foundation, créée en 1992 à l’initiative des familles victimes avec le soutien de juristes et de scientifiques, entraîné l’ouverture de 1 800 enquêtes et le déroulement de 736 procès.

Le psychologue américain Robert A. Baker dans son ouvrage « HiddenMemories » (Mémoires cachées) révélait l’explosion du phénomène qui, de sources statistiques officielles, concernait 160 000 cas d’abus sexuels infantiles en 1967 et 1 700 000 en 1985 dont 65 % sans fondement selon ces mêmes sources.

La multiplication des situations dramatiques et l’absence démontrée de fondements scientifiques dans le parti pris que tout dysfonctionnement de la personnalité a une cause unique, « l’abus sexuel », ont entraîné une riposte des victimes par la création d’organisations comme la False Memory Syndrome Foundation, et au travers de publications scientifiques établissant le caractère erroné et dangereux d’une approche aussi dogmatique. Deux ouvrages illustrent plus particulièrement outre-atlantique cette riposte du parti des victimes et du mouvement des sceptiques :

– syndrome des faux souvenirs d’Elisabeth Loftus et Katherine Ketcham paru en 1997 ;- faux souvenirs et désordre de la personnalité multiple, une perspective sociocognitive, de Nicholas P. Spanos en 1998.

Ce phénomène, bien que fortement dénoncé, s’est largement répandusur le continent nord-américain, au Japon, en Australie et bien évidemment en Europe. En France, une dérive sectaire fortement empreinte du syndrome des faux souvenirs induits comme outil de manipulation des adeptes et de rupture avec leur famille est celle du groupe Saint-Erme à la fin des années 1970 et au début de la décennie 1980.

* Voir la rubrique : les dérives sectaires – Jacques Trouslard

Une conséquence de la mise en oeuvre de cette théorie psychothérapeutique, destructrice de la personne et de la famille, fut au sein de ce groupe l’explosion du phénomène des faux souvenirs induits. Les adeptes adressaient à leurs parents des courriers injurieux et calomnieux dénonçant des relations incestueuses dans leur petite enfance. Ces démarches conformes aux écrits du fondateur ont illustré les mécanismes de manipulation des adeptes et de caractérisation d’une dérive sectaire suivant trois phases : la séduction, la déstabilisation principalement par l’induction de faux souvenirs entraînant des ruptures familiales particulièrement douloureuses, et la mise en état de sujétion de l’adepte.

Entré dans un délire particulièrement agressif, le groupe rejettera violemment toutes critiques ou dénonciations émanant soit d’anciens adeptes et leurs familles au sein de l’association pour la promotion et la défense de l’individu et de la famille (APEIF), soit de campagnes de presse ou de l’ouvrage publié aux éditions du Cerf sous le titre « Radiographie d’une secte au-dessus de tout soupçon » par Olivier Braconnier. Portant plainte pour diffamation contre l’association, les journalistes et l’éditeur, Le Haut de Saint-Erme perdra finalement son procès et se disloquera. Cette affaire impliquant plus de deux cents familles accusées de relations incestueuses sans preuve établie, illustre une dérive sectaire d’une ampleur certaine dans laquelle le phénomène des faux souvenirs induits est constaté.

Par son ampleur et sa gravité, le syndrome des faux souvenirs induits a rapidement mobilisé les victimes et suscité des études et des publications de la communauté scientifique, en particulier sur les mécanismes de la mémoire.

2. Un phénomène en progression

Pour autant, loin de régresser, il se développe aujourd’hui de manière inquiétante. Il est à l’origine d’une multiplication d’initiatives associatives de défense des victimes et au premier plan, des familles déchirées au sein desquelles un de leurs membres, le plus souvent le père, est calomnieusement accusé du délit voire du crime d’abus sexuel (inceste, viol…).

Un dispositif associatif spécifique

Dans le sillage d’associations généralistes de prévention et de défense des victimes de dérives sectaires comme l’Union nationale de défense des individus et de leur famille (UNADFI), le centre de documentation, d’éducation et d’action contre les manipulations mentales – centre Roger Ikor (CCMM), ou encore le groupement d’étude des mouvements de pensée en vue de la prévention de l’individu (GEMPPI), plusieurs sites d’information et de lutte sur internet pointent, à titre principal ou dans des proportions croissantes au cours des dernières années, les pratiques psychothérapeutiques déviantes comme outil d’emprise mentale par l’induction de faux souvenirs chez les patients/clients.

Sans prétendre à l’exhaustivité, sont plus particulièrement concernés :

le centre d’information et de prévention sur les psychothérapies abusives et déviantes (CIPPAD)

Prévensectes – Psychothérapie Vigilance

– Deux associations, à titre principal sinon exclusif,
agissent pour aider les victimes du fléau des
faux souvenirs induits :

– AFSI (Alerte Faux Souvenirs Induits) créée en juillet 2005

pour venir en aide aux familles et aux patients abusés.

Cette multiplication d’initiatives associatives est la réponse à la montée d’un phénomène à l’origine de drames comme les divisions et ruptures familiales, l’apparition de maladies et en particulier de dépressions nerveuses, les suicides, et d’ouverture de procédures policières et judiciaires avec le risque de condamnation d’innocents.

Plusieurs constats expliquent la montée de ce risque et la multiplication des signalements et des affaires de faux souvenirs induits.

* Un besoin d’accompagnement psychologique, une demande en hausse

Le culte de la performance dans la sphère privée de l’individu, dans ses activités professionnelles, son droit au bien-être, la conviction répandue que le mal-être naît souvent dans l’histoire familiale et l’effacement des repères et des institutions religieux et moraux ont, au cours des dernières décennies, promu le recours aux accompagnements psychothérapeutiques.

La demande a considérablement augmenté et ces accompagnements sont requis dans la résolution des difficultés de santé, de scolarité, de travail, à la suite de catastrophes dans l’aide aux victimes et bien évidemment dans les démarches de développement personnel.

La croissance des effectifs de praticiens, une offre en hausse

Face à cette demande croissante, l’offre, toutes natures de prestations confondues, a conjointement progressé à travers trois catégories.

1 – Les médecins psychiatres.

Dans l’étude coordonnée par Magali Coldefy, intitulée « La prise en charge de la santé mentale », recueil d’études statistiques publié en 2007 par la Documentation française, le nombre de psychiatres recensés au 1 er janvier 2005 ressort à 13 600 professionnels, en augmentation de 18 % par rapport à 1990. Après un rythme de croissance soutenu de 5 % par an entre 1985 et 1990, le taux varie de 2 à 3 % de 1990 à 1995 pour atteindre ensuite et jusqu’à présent une progression annuelle de 1 %.

2 – Les psychologues.

Titulaires de diplômes universitaires, ces professionnels seraient environ 35 000, principalement répartis entre la sphère éducative comme psychologues scolaires – conseillers d’orientation, et les établissements de santé.

3 – Les psychothérapeutes.

Il s’agit des praticiens rémunérés pour leurs psychothérapies quelle(s) que soi(en)t leur(s) méthode(s), leur profession ou leur formation d’origine. (…)

Ce panorama des métiers de l’accompagnement psychologique, outre la perméabilité des trois catégories, met en évidence une insuffisance voire une absence de formation initiale dans les disciplines concernées, pour plus de la moitié des psychothérapeutes recensés par une fédération professionnelle, soit un ensemble de 5 000 à 7 000 praticiens.

Ce constat, s’il ne doit pas aboutir à la conclusion hâtive que la moitié au moins des psychothérapeutes aurait des pratiques charlatanesques et dangereuses, est néanmoins un facteur de risque aggravé dans ce secteur de prestations où l’appellation « psychothérapeute » n’est pas encore encadrée dans l’attente du dispositif réglementaire prévu à l’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Par ailleurs si les organisations professionnelles des psychothérapeutes, notamment autour de méthodes, établissent dans un certain nombre d’entre elles, des chartes de bonnes pratiques, celles-ci correspondent le plus souvent à des recommandations internes sans évaluation ni certification indépendante et autorisée. Dans ces conditions, le choix éclairé d’une psychothérapie n’est pas sans risque dont celui de l’emprise mentale dans le cadre d’une dérive sectaire.

Des méthodes vulnérables aux mauvaises pratiques

Delphine Guérard, psychologue clinicienne auprès de l’association « Alerte Faux Souvenirs Induits » distingue dans une approche analytique, trois catégories de méthodes plus particulièrement vulnérables aux mauvaises pratiques :

« Des méthodes manuelles de traitements énergétiques associés à des massages comme la Reprogrammation énergétique,

des méthodes psychothérapeutiques intensives et systématiques qui solutionnent en profondeur les problèmes psychologiques telles que la Catharsis Glaudienne,

des méthodes relatives aux thérapies de l’approche transgénérationnelle. » Les postulats et principes fondateurs et communs à ces méthodes peuvent expliquer leur vulnérabilité.

1 – Les postulats.

« L’individu est considéré dans une vision globale physique, émotionnelle, vibratoire et mentale conforme à l’unité de la personne, les maladies physiques ou mentales naissent de chocs émotifs violents vécus dans l’enfance. La pathologie est essentiellement le résultat d’un dysfonctionnement émotionnel. La guérison est subordonnée à la récupération vécue de la mémoire occultée. »

2 – Les principes.

La vérité du subconscient . Tout est enfoui et inscrit dans le subconscient : les réponses aux questions sur soi et la clé des vérités fondamentales de la personne (informations, expériences passées, dissimulées, oubliées, occultées qui ont une influence déterminante auxquelles le conscient n’a pas accès). Il apporte la vérité qui libère. Il est un révélateur et donc un guérisseur. Grâce à un état de relaxation, le subconscient livre l’information en permettant de revivre intensément les scènes du passé complètement ou partiellement occultées.

Le mécanisme de l’occultation. L’individu dispose d’un mécanisme de défense particulier, l’occultation, pour protéger son équilibre physique et psychique. Chaque fois que la tension émotive est trop forte, il peut totalement rayer de sa mémoire un événement physique et moral traumatisant s’il est incapable de l’accepter ou de le comprendre. Depuis le subconscient, les chocs émotifs occultés opèrent à notre insu une sorte de pollution génératrice de désordres physiques ou mentaux. Il faut les tirer de l’oubli et les ramener à la conscience afin qu’ils perdent leur pouvoir perturbateur. L’objectif est de rétablir un lien entre le subconscient et la conscience, car c’est en revivant les évènements occultés, en les ramenant au niveau du conscient, que les symptômes disparaissent et que la guérison intervient.

Le corps mémoire. Le corps est porteur et témoin des mémoires individuelles, familiales et collectives. Il est le support de nos sensations et de nos expériences. Il nous résume. Le corps est considéré comme réceptacle de toutes les expériences de vie inconscientes et conscientes. Le corps garde en mémoire tout ce qui s’est réellement passé et reflète notre histoire. Il ne ment pas. On peut y déceler nos défaillances en l’interrogeant par des pressions révélant les points de blocage, les excès ou les baisses d’énergie. Tout est inscrit dans le corps. Lorsqu’un individu vit un événement, le corps réagit à l’insu de la conscience en laissant des empreintes. Avec le temps, ces empreintes perturbent l’équilibre général de l’organisme. Les tissus commencent à se rétracter. Des tensions, un mal-être ou des troubles fonctionnels apparaissent. Un traumatisme affectif, émotionnel ou physique s’inscrit dans la musculature représentant une mémoire traumatique, une sorte de signal d’alarme, d’appel à l’aide. Ainsi, le corps donne des informations. Il est langage qu’il faut savoir décoder, décrypter et interpréter.

Le recours aux chakras (centres énergétiques). Au nombre de sept, ils canalisent une énergie spécifique et influent directement sur notre vie physique et psychique. Chacun correspond à un type particulier d’émotions et d’instincts à gérer. En interrogeant le patient en état modifié de conscience, le thérapeute décrypte le niveau de préoccupation du subconscient. Un travail énergétique sur le corps permet de détendre localement tensions et blocages énergétiques.

La purification émotionnelle Il faut libérer les blocages émotionnels pour guérir les blessures de l’enfance et pour supprimer les malaises qui en découlent. L’importance est donnée à l’évacuation des émotions négatives, conscientes et inconscientes, car elles s’accumulent dans le corps, entraînant des blocages autant physiques que psychiques. Il faut détecter les blocages pour s’en libérer. Ce processus s’accompagne d’une prise de conscience.

La libération des mémoires internes, familiales, héréditaires et des mémoires collectives. Il s’agit de déceler les vécus négatifs inscrits dans les mémoires d’un individu, de les libérer et de les remplacer ou de les intégrer. Des recherches généalogiques permettent de découvrir les répétitions et les transmissions des problèmes entre les générations sur un modèle héréditaire. Leur découverte entraîne une prise de conscience permettant de rompre le processus de répétition.

L’auto-guérison. Ces méthodes prétendent aider l’individu à renouer avec des souvenirs ou des sensations qui sont totalement oubliés mais source de son malaise présent. En fait, c’est le patient qui se guérit lui-même en prenant conscience et en intégrant son propre vécu. » Ces fondements maximalisent la probabilité d’obtenir des souvenirs déformés, inexacts et parfois complètement illusoires.

Pour Delphine Guérard, « l’usage que l’on fait d’une méthode est déterminant de sa nuisance. »

Anne Ancelin Schutzenberger , thérapeute et fondatrice de la psychogénéalogie, outil de décryptage des liens familiaux, de leur transmission et de la chaîne transgénérationnelle, met en garde les lecteurs de Psychologies Magazine paru en décembre 2007, contre le mauvais usage de sa méthode « Aujourd’hui, n’importe qui peut se prévaloir d’utiliser la psycho-généalogie sans avoir suivi une formation sérieuse, à la fois universitaire et clinique. Certains ont une telle ignorance du sujet qu’ils font des erreurs grossières d’analyse et d’interprétation et mettent leurs clients sur de fausses voies. »

3. Physionomie de récents cas de faux souvenirs induits

L’AFSI (Alerte Faux Souvenirs Induits), depuis sa récente création en juillet 2005, a été sollicitée sur plusieurs centaines de drames familiaux. Tous les signalements ne concernaient pas des situations familiales dans la tourmente du syndrome des faux souvenirs induits. En outre, l’association n’a pas écarté le risque d’être abusée par de faux témoignages dont ceux d’authentiques auteurs d’abus sexuels.

Des deux cents situations consolidées, l’AFSI dégage les constats suivants :

Le profil des victimes accusatrices

Pour 80 %, ce sont des femmes jeunes dont l’âge moyen ressort à 33 ans avec un écart de 19 à 52 ans. Les faits prétendument dénoncés remontent soit à la période avant quatre ans, soit jusqu’à dix, onze ans ou plus vaguement « quand j’étais petite ».

Les accusations sont principalement intervenues au début des années 2000

et l’AFSI s’interroge sur une éventuelle contagion avec le procès belge du pédophile Marc Dutroux et l’affaire judiciaire d’Outreau.

Les faits accusateurs restitués dans la mémoire occultée,

remontent au moins à vingt voire quarante ans. Ainsi les « accusatrices » seraient plus sensibles à l’induction par un thérapeute de faits d’abus sexuels Leur description concerne plutôt des images que des sensations.

Les personnes accusatrices ont suivi, dans la grande majorité, des études supérieures et occupent des fonctions de cadre.

Les psychothérapeutes

Dix pour cent sont médecins (psychiatres et homéopathes), dix pour cent psychologues, seize pour cent kinésithérapeutes et soixante-quatre pour cent d’origines diverses. Les relations nouées avec leurs clients dépassent la sphère professionnelle et sont qualifiées d’amicales.

Par ailleurs l’AFSI constate une similitude entre le comportement de ces thérapeutes déviants et le fonctionnement de groupes à caractère sectaire :

Cloisonnement du groupe

Imposition de l’omerta à l’extérieur du groupe

Cherté des séances de thérapies

Punitions financières du membre dissident

Pression et menace sur le dissident envisageant le départ du groupe »

Les psychothérapies

Elles sont l’objet de nombreux stages et séminaires répartis sur l’année en plusieurs week-ends ou semaines. Elles peuvent se dérouler sur plusieurs années.

Les méthodes

Toutes ne sont pas connues précisément. Néanmoins dans un certain nombre de cas, ont été cités :

L’hypnose
La sophrologie
La psychogénéalogie
Le décodage biologique des êtres vivants
Les massages énergétiques
La communication facilitée
La gestalthérapie
Le yoga méditation
Le psycho-théâtre
La musicothérapie
La consommation d’iboga

Le profil des victimes accusées

Les victimes accusées appartiennent au cercle familial restreint et sont de sexe masculin dans quatre-vingt seize pour cent des deux cents cas traités par l’AFSI, soit principalement les pères (80 %) puis les grands-pères (10 %) et enfin les frères, oncles et autres proches (6 %). Les mères pour la gent féminine ne sont accusées que dans 4 % des situations.

Les conséquences

1 – La santé des victimes.

Elles se manifestent sur la santé des victimes, celle des accusées comme celle des accusatrices. Deux parents, après leur mise en cause dans des accusations d’abus sexuels, se suicident. Des parents et grands-parents après les accusations ont développé des pathologies graves : maladies cardiaques, cancers, dépressions nerveuses.

Chez les accusateurs, l’AFSI signale des tentatives de suicide et des hospitalisations d’urgence en établissement psychiatrique.

2 – Les procédures judiciaires.

Elles se traduisent par des plaintes devant la justice. Certains parents ont été entendus comme témoins. D’autres ont quitté leur domicile les poignets menottés, ont fait l’objet de mises en garde à vue et de fouille de leur domicile, de mises en examen pendant de longs mois jusqu’au déroulement du procès.

Toutes ces affaires ont été déclarées sans suite par la justice.

3 – Les séismes familiaux.

Elles se traduisent également par la mise en cause calomnieuse des grands-parents sur la personne de leurs petits-enfants, les privant dans certains cas définitivement de leur présence. En l’absence de saisine de la justice, les accusés se qualifient « de présumés coupables à vie ». De plus, l’accusation fausse d’un parent pour des faits aussi graves, cause des fractures familiales et des destructions psychiques hors du commun.

Conclusion

Le syndrome du faux souvenir induit, dès lors qu’il concerne des abus sexuels, est une arme particulièrement efficace de déstabilisation et de mise en sujétion de l’individu. Il atteint dangereusement l’auteur présumé d’abus sur mineurs en l’exposant à de lourdes sanctions pour fait criminel.

La multiplication des témoignages et des situations douloureuses est très probablement et pour partie, la conséquence d’une multiplication et d’une diffusion rapide de méthodes psychothérapeutiques à travers des pratiques dévoyées. Si le bien-fondé de leur mise en oeuvre pour une majorité d’entre elles n’est pas à mettre en doute dans de nombreuses circonstances de la vie d’un individu, les défaillances voire l’inexistence d’un encadrement des formations et des pratiques sont un encouragement pour les charlatans ou les gourous développant des entreprises sectaires.

Face à cette situation, des mesures sont à mettre en oeuvre rapidement pour éclairer et protéger l’individu dans l’accès aux soins ou aux prestations à visée psychothérapeutique et pour garantir ses droits au sein de la famille et face à la justice.

Des évaluations indépendantes agréées par l’autorité publique, une large information sur les indications et les limites des méthodes sont nécessaires pour contenir et éradiquer un phénomène dangereux. L’acquisition minimale de connaissances et d’apprentissages, conjointement arrêtée par l’autorité publique et les organisations professionnelles, doit garantir la qualité et la sécurité dans les métiers de l’accompagnement psychologique dont celui de psychothérapeute quel que soit le domaine d’exercice.

Les agents publics des services administratifs, de police et de l’ordre judiciaire doivent bénéficier d’actions de sensibilisation aux risques induits par des pratiques déviantes et manipulatrices, pour garantir une juste application du droit et un accompagnement des victimes dans l’exercice de leurs missions. Cette nécessité de connaissance du phénomène est d’autant plus indispensable, que la preuve de son existence est difficile à apporter.

Mission Interministérielle

de Vigilance

et de lutte

contre les dérives Sectaires

MIVILUDES

RAPPORT AU PREMIER MINISTRE

2006

LA MIVILUDES

Note de l’ A F S I : Déjà, dans son rapport 2005, la Miviludes avait bien ciblé les dommages subis par les victimes et leur famille, de dérives sectaires.

Aujourd’hui, ces dommages sont les mêmes pour les victimes de thérapeutes déviants.

Ci-dessous, quelques extraits de ce rapport.

PROTECTION DES VICTIMES : Evaluation des risques et des dérives

L’emprise ou la « mise en état de sujétion »
Les victimes collatérales des dérives sectaires : la famille et les proches
La formation professionnelle et le risque sectaire

I – L’EMPRISE OU LA « MISE EN ÉTAT DE SUJETION »
La « mise en état de sujétion » définie par la loi About-Picard du 12 juin 2001, et qui permet l’application de l’article du code pénal sur l’abus de faiblesse pour les victimes de menées sectaires, semble parfois, pour les praticiens du droit, difficile à appréhender. C’est cette interrogation à propos des difficultés d’utilisation du dispositif de la loi, qui a amené la MIVILUDES à réfléchir à nouveau sur la notion d’emprise, terme utilisé plus facilement par les experts auprès des tribunaux, les psychiatres et psychologues, et les spécialistes de la question sectaire.

La MIVILUDES a donc réuni des groupes de travail :magistrats ayant eu à connaître d’affaires sectaires (avant et après la loi About-Picard), experts psychiatres et psychologues ayant eu à rendre des avis dans le cadre des mêmes affaires, et avocats. Ce travail, ébauché cette année, devra s’enrichir pour aboutir, dans le courant de l’année 2007 à un colloque à destination des magistrats et des experts.

Au préalable, il a paru important de faire le point sur la notion d’emprise.

MECANISMES DE L’ EMPRISE

« L’emprise sectaire », « la mise en état de sujétion » ont progressivement remplacé dans le vocabulaire des associations de victimes et dans le vocabulaire juridique ou administratif la « manipulation mentale ». L’expression s’est généralisée parce que les psychologues ont beaucoup avancé sur la notion d’emprise perverse ou de harcèlement moral

Il existe des degrés dans ce que l’on peut souhaiter obtenir de quelqu’un : un comportement ponctuel, le partage d’une opinion, son adhésion, son désir, l’acceptation de s’engager, une soumission volontaire à des règles, une confiance, une passivité jugée utile. Pour obtenir ces résultats, commerciaux, éducateurs, politiques, amoureux et croyants s’emploient avec plus ou moins de réussite. Le problème se complique si l’on veut obtenir, hors contraintes visibles, une participation active, des prestations coûteuses et durables, l’entrée dans un processus de transformation, une disponibilité totale, une soumission sans réserve. Il faut alors obtenir impérativement non seulement un acquiescement initial qui engagera peu, mais plus encore un enchaînement d’acquiescements successifs, qui apparaîtront au sujet comme des choix déterminés et conscients

En fait, le sujet donne son accord à une procédure, mais il a une méconnaissance de la nature du processus de transformation qu’il va connaître, du résultat final de cette transformation et aussi des finalités des maîtres du jeu.

Le travail sur les choix

Tous les choix importants de l’être humain et une grande partie de ses choix quotidiens relèvent du raisonnement, du pragmatisme et de l’affectivité. Mais ils s’inscrivent aussi dans tout un jeu de conditions historiques, contextuelles, contractuelles et éthiques. (…)(…) A cela, s’ajoute un contexte affectif et émotionnel facilitateur, entretenu par la dynamique de groupe.

Le psychosociologue Éric Dépret* l’exprime bien : « Les recherches montrent, en effet, que plus les rituels sont coûteux et les initiatives sévères, plus l’attrait pour le groupe devient fort. Toujours ce principe de l’engagement que Machiavel avait déjà compris quand il écrivait au Prince : ‘Les gens vous aimeront plus pour ce qu’ils ont fait pour vous que pour ce que vous avez fait pour eux’ .L’engagement comportemental progressif est ainsi une arme d’influence redoutablement efficace : comment ne pas se persuader du bien-fondé de ce pourquoi on a tant donné, et comment remettre en question ce qui nous a déjà tant coûté ? Il semble souvent plus aisé d’ajuster ses croyances que de remettre en question ses comportements ;surtout quand les sacrifices demandés nous ont déjà fait franchirt ant d’étapes vers l’objectif visé (pouvoir, sagesse, salut, santé ou nirvana) qui, pour ne pas être encore en vue, ne peut plus être très éloigné … »

La séduction

Mais tout cela n’explique pas comment une personne, par ailleurs adaptée et lucide, peut se prêter à cet entraînement. L’image de « La Secte » reprise par les médias après les drames de Waco, du Vercors et autres, est si dévalorisée dans l’opinion publique que très peu de gens accepteraient actuellement d’entrer dans un groupe qui revendiquerait cette appellation. Aussi le discours d’appel est-il plutôt du style :« Nous ne sommes pas ce qu’on dit de nous, venez voir et faites-vous une opinion personnelle ». (…)

La transformation de la personnalité

Ce qui est proposé se présente sous la forme d’acquisitions (de performances, de pouvoirs, d’équilibre, de progrès spirituel), de progression et de promotion, ce qui est fortement attrayant et peut paraître sans danger. L’acceptation est facilitée par le fait de renvoyer le postulant à ses propres motivations :« Si tu veux être des nôtres, tu dois accepter de participer ou d’apprendre » ou encore :« C’est à vous de savoir si vous voulez progresser ».(…)

A propos du néo langage, Éric Dépret* écrit : « De par le rapport étroit entre langage et pensée, redéfinir le vocabulaire (et associer le bien, le vrai, le positif, le « nous »aux projets du maître, le mal, le faux, le négatif, le « eux », à tout ce qui les contrecarre) participe certainement au contrôle de la pensée, au même titre que le contrôle de l’information et de la parole, comme l’a fort bien illustré Georges Orwell dans1984 ».(…) « Le leader utilise des techniques propres au pervers narcissique. Il fait entendre à l’adepte qu’il est indispensable pour parvenir à la réalisation du projet. La réussite de ce projet ne dépend d’ailleurs que de l’adepte, puisqu’il est un être à part, un être unique, appartenant à une élite (puisqu’il est désormais membre de la secte). L’adepte, à tel point narcissisé et responsabilisé, en oublie sa demande première qui peut lui paraître alors bien modeste ou trop égocentrique, et, se sentant hyper investi, se croit effectivement capable de réaliser l’impossible. (…) La déstabilisation psychologique a donc pour principale conséquence une régression infantilisante, dans tous les sens du terme. Cela peut se manifester par des épisodes régressifs aigus ; Sophie Beal* en donne l’illustration clinique dans sa thèse : « [L’adepte] semettait sur sa femme, en sanglotant : ‘Tu es ma maman, je suis ton petit, j’ai envie de re-devenir un petit »

La reconstruction

Mais il serait insuffisant de créer des conditions de déstabilisation, de désarroi et de vulnérabilité si n’étaient pas proposés parallèlement de nouveaux repères, des acquisitions, un projet différent, en bref une restructuration de la personnalité selon un modèle défini. Chacun des éléments de la remise en question doit trouver son corollaire restructurant. La satisfaction de l’expérience menée à bien, la détente, la relaxation en milieu rassurant remplacent le sentiment de malaise et d ‘étrangeté provoqué par certains exercices, attitudes et états physiques.

La présence bienveillante du conducteur de l’expérience répond à la perplexité et au désarroi. Les certitudes inébranlables du chef remplacent le doute et les interrogations. Le réconfort d’être accepté, de partager un projet commun se substitue à un passé disqualifié, à la culpabilité. La chaleur fusionnelle du groupe remplace les liens antérieurs. Et enfin« Ceci est vrai, puisquevous l’avez personnellement éprouvé, ressenti profondément ». Cette « vérité » a toujours quelque chose d’incommunicable : n’étant pas vérifiable par les voies vulgaires du raisonnement, elle n’est pas réfutable.(…) (…) « Le groupe sectaire, écrit Emmanuel Diet, ne se contente pas de diaboliser sauvagement la présence et l’éventuelle dysfonctionnalité des pactes présents dans le groupe d’appartenance primaire [la famille] ; il se constitue lui-même, structurellement et fonctionnellement, sur des pactes de déni qui relient et identifient les adeptes entre eux, sur le mode de la ligature .

C’est dans ce déni originaire que se fondent la soumission au chef, l’investissement de la doctrine, la dépendance mutuelle de tous et de chacun à l’égard de la figure composite archaïque du gourou. Ce qui fait le lien paradoxal entre les adeptes, c’est le déni partagé de la violence, de la folie, de la perversité et de la faiblesse du maître. Cela les contraint, dans le cadre de la régression instituée, à se soumettre et à s’interdire de penser pour maintenir, à toute force, l’idéalisation de la figure du chef. Ayant ainsi projeté sur et dans le gourou toutes les perfectionset toutes les bontés qu’ils possédaient en eux, aussi bien réellement que dans l’imaginaire, les adeptes se trouvent entièrement démunis face à la disqualification, puisqu’ils sont eux-mêmes démunis de toutes leurs qualités ».

Les techniques de renforcement

L’emprise ne serait pas durable si elle n’incluait pas des parades au doute et au découragement qui peuvent saisir n’importe quel « bénéficiaire » lorsque la fascination faiblit. Interviennent alors ce que les comportementalistes appellent des « renforcements » qui vont relancer la dynamique d’appartenance et d’emprise. (…)(…)

Éric Dépret* souligne : « Si (…) la rupture des liens sociaux antérieurs constitue l’élément essentiel de l’emprise sectaire, il faut remarquer qu’elle est souvent justifiée par la diabolisation du monde extérieur. (…) Menacé par les ennemis extérieurs, engagé dans une guerre sainte, une lutte mortelle entre le bien et le mal, le discours sectaire devient paranoïaque. Comme l’a remarqué Deconchy* ,les systèmes sociaux orthodoxes, caractérisés par la vigueur du système de régulation interne (ou appareil de pouvoir), régulation qui est non seulement acceptée, mais attendue (dont le bien-fondé fait partie de la doctrine), sont également caractérisés par la nécessité de l’ennemi, de la menace extérieure. Comme si le fonctionnement orthodoxe, la minutie du contrôle interne, du repérage des traîtres, et du rejet des hérétiques, étaient légitimés par l’existence d’une menace réelle ou imaginaire.(…) La vigueur du système de contrôle interne est probablement rendue nécessaire par la fragilité rationnelle des croyances (puisqu’il s’agit de croire ou de ne pas croire, d’être ami ou ennemi, le compromis et le doute sont impossibles). (…) [Ces groupes] sont caractérisés par un puissant système de contrôle interne (de la pureté des croyances, de la moralité des conduites), utilisant les principes d’auto-accusation et de confession, de délation et de menace, qui contribuent, bien entendu, à l’obéissance et au conformisme. (…) Le maître cumule alors toutes les bases du pouvoir, tant les bases non coercitives (expertise, légitimité, référence, information) que les bases coercitives (récompense et punition) ».

Quoiqu’il fasse, en effet, l’adepte est toujours en deçà de l’idéal, jamais atteint, et l’horizon du souhaitable recule sans cesse ; il est toujours à la merci d’une régression, d’une rétrogradation qu’il devra compenser par de nouveaux efforts sous l’oeil critique des dirigeants et du groupe. Chaque groupe a son vocabulaire pour désigner ce « déviationnisme » qui menace la cohésion nécessaire. (…)

2 – LES VICTIMES COLLATÉRALES DES DÉRIVES SECTAIRES :

LA FAMILLE ET LES PROCHES

Une jeune femme saisit la MIVILUDES par courriel pour signaler la situation d’une de ses amies qui, dans une volonté de changer une vie peu satisfaisante, a trouvé sur internet et par un prosélytisme au sein de son milieu professionnel l’opportunité d’accomplir un stage néochamanique avec utilisation d’iboga, en Normandie. Avant le stage, ses deux meilleures amies tentent, sans succès, de l’en empêcher puis constatent qu’après le stage, la personnalité de leur amie est modifiée et qu’elle leur impose une rupture au nom de sa liberté de choix de vie.

Une grand-mère voit une vie tranquille et remplie d’affection basculer, lorsque l’une de ses deux filles, mariée, mère de quatre enfants, entreprend un accompagnement psycho-spirituel auprès d’un médecin d’une communauté pseudo-religieuse et décide de couper les liens avec sa famille par ces mots« Maman, il y a un non-dit puissant entre nous, si je te le disais, tu t’écroulerais ou tu le refuserais. À toi de te remettre en question et de le découvrir ». Depuis, les contacts avec ses petits enfants sont pratiquement nuls et la coupure avec sa fille est totale. (…)(…)

Les familles sont disloquées, parfois l’un des conjoints attente à ses jours tant la modification de comportement de l’autre sous emprise est brutale et sans appel. Les expressions : « Je me suis soudain trouvé face à un mur » ou « Je me suis alors senti éliminé de la famille » reviennent très souvent, et à chaque fois, les mots sont le reflet d’une immense souffrance. Le groupe à dérive sectaire fait de l’adepte une victime active et de l’entourage des victimes indirectes. Mais les effets ne sont pas seulement d’ordre moral et affectif, et les répercussions matérielles ou financières doivent également être prises en compte.

I – LES CONSÉQUENCES SUR LES PERSONNES DE L’APPARTENANCE

D’UN PROCHE À UN GROUPE SECTAIRE

Les motivations pour entrer dans un groupe sont souvent une réaction à des aspirations non satisfaites. Le chemin est initiatique : l’itinéraire est balisé d’étapes précises et de degrés que l’adepte devra franchir s’il en est jugé capable :

infantilisation,
renoncement aux valeurs antérieures,
croyance inconditionnelle comme gage de loyauté,
certitude d’être une partie d’un ensemble indissociable,
croyance en l’unité et en la pérennité du groupe,
sacrifices importants et acceptation de l’autorité du maître,
suprématie élitiste,

Cette emprise entraîne un éloignement des autres membres de la famille potentiellement plus critiques à l’égard du gourou ou à l’égard de sa doctrine.

L’isolement de l’adepte est pratiquement systématique lors de l’entrée dans un mouvement sectaire, car il permet une mainmise plus aisée sur le psychisme de l’adepte. Les conséquences sur la famille sont donc inévitables. (…)

3 – LA FORMATION PROFESSIONNELLEET LE RISQUE SECTAIRE

Les rapides évolutions des sociétés occidentales au cours des dernières décennies, marquées notamment par la montée du chômage, le recul des activités traditionnelles et l’émergence de secteurs de production et de services innovants, ont placé la formation professionnelle au coeur des solutions susceptibles de résoudre les problèmes d’adéquation entre une main d’oeuvre ne disposant pas toujours des compétences recherchées et les exigences des entreprises.

Le droit à la formation érigé en obligation légale dans la loi du 16 juillet 1971, est réaffirmé par la loi du 4 mai 2004 :« La formation tout au long de la vie constitue une obligation nationale ». Elle a tout particulièrement pour objet de « favoriser l’insertion et la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l’emploi, [en lien avec son évolution] de favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale ».

Le Conseil européen des chefs de gouvernement, réuni en mars 2000 à Lisbonne, insistait« sur le principe d’éducation et de formation tout au long de la vie comme clé d’un objectif stratégique de cohésion sociale, de citoyenneté active, d’épanouissement personnel et professionnel, d’adaptabilité et d’employabilité » au sein de l’espace communautaire.

Ces politiques nationales et communautaires sont accompagnées de la mobilisation de fonds importants (Fonds structurels européens, dont le Fonds social européen).

Dès 1999, la Commission d’enquête parlementaire sur « les Sectes et l’argent » , conduite par M. Jacques Guyard et M. Jean-Pierre Brard, constatait l’intérêt porté au dispositif de la formation professionnelle par des groupes susceptibles de dérives sectaires ou sanctionnés notamment à ce titre, pour des faits avérés. Elle pointait notamment l’existence de ces risques et les détournements des finalités, règles et aides du dispositif de développement de la formation et de l’emploi. La Commission alertait ainsi sur « …l’influence que certaines sectes ont acquises dans des réseaux de formation et les perturbations qu’elles ont apportées dans le fonctionnement de plusieurs entreprises… » et elle préconisait une réaction déterminée de l’ensemble des acteurs concernés.

Ainsi, dès l’année 2000, le ministère de l’Emploi aressait à ses services déconcentrés (directions régionales et départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle) des instructions sur la nécessité d’une plus grande vigilance sur des pratiques induisant des risques ou des dérives de caractère sectaire.

L’accent était mis notamment sur les risques pouvant découler de l’ambiguïté de la notion de développement personnel au regard de la formation professionnelle.

Cette vigilance accrue, notamment des services de contrôle de la formation, conduit aujourd’hui à sensibiliser les entreprises et les salariés face au développement d’organisations ou de réseaux qui, sous couvert de vente de prestations de formation, source importante de revenus, leur permet de diffuser des dogmes et méthodes, de recruter de nouveaux adeptes qui, à leur tour, peuvent infiltrer le monde de l’entreprise et/ou devenir acteurs de ces réseaux de vente qui comportent de plus en plus la commercialisation de produits annexes (tests, ouvrages, voyages, matériel d’accompagnement, aide à l’installation…).

La quête de la performance, du bien-être, le déni de la maladie et l’angoisse que font naître ces défis pour l’individu, créent, en effet, sur le marché de la formation, une offre croissante et diversifiée de divers concepts et méthodes empruntant aux domaines de la santé et de la psychologie ainsi qu’à celui des sciences de l’éducation et de la communication. Dans un certain nombre de cas, leur application dévoyée et exclusive au sein de l’entreprise mais aussi de plus en plus fréquemment dans un cadre individuel, s’éloigne des finalités assignées à la formation continue pour aboutir à des pratiques générant des dérives sectaires.

1 – Un contexte favorable : la personne, objet de toutes les attentions

On constate, depuis plusieurs années, l’augmentation croissante de prestations visant au développement de la personne, de ses capacités comportementales, relationnelles, de son bien-être, de son épanouissement et même deson intelligence émotionnelle, dans une quête de sens à la vie et d’adaptation à une société en mutation. Ces prestations investissent de plus en plus l’intimité des personnes (détermination de profils, caractérisation de potentiels) en vue d’une amélioration des performances individuelles et collectives. Ces prestations dépassent ainsi les offres de formation liées aux seules compétences professionnelles (savoir, savoir-faire et savoir-être). Le développement de nouvelles thérapies, l’engouement pour les thérapies alternatives ou encore l’attrait pour le « coaching »ou« team-building » symbolisent cette tendance souvent exclusive et excluante des pratiques plus traditionnelles. La vitalité de ce marché est illustrée par l’émergence de nouvelles appellations, de nouveaux labels, de nouveaux « métiers » et par la publicité concernant l’attractivité de ces nouvelles possibilités professionnelles. Au titre de la vigilance à l’égard des offres de formation à risque de dérive, les pouvoirs publics concernés (État, collectivités locales) mais aussi l’ensemble des institutionnels (partenaires sociaux, prescripteurs, financeurs acheteurs de formation) doivent accorder une attention particulière à un ensemble de critères de dangerosité.

2 – Dévoiement des repères traditionnels dans une formation à visée thérapeutique

Le détournement des objectifs de la formation professionnelle (insertion et réinsertion professionnelle, maintien dans l’emploi en lien avec son activité, développement des compétences et accès aux différents niveaux de la formation professionnelle) peut conduire, notamment par des procédés de séduction (publicité mensongère ou trompeuse au sens des codes du travail et de la consommation), à des actes ou des pratiques illicites au regard du code de la santé en particulier et à des sanctions pénales d’autant que le risque de porter atteinte à l’intégrité physique et psychique de la personne est réel.

Devenir guérisseur à mains nues

Cette offre se rattache « au biomagnétisme humain – présenté comme le « prodigieux système vital qui anime l’homme, lequel peut l’utiliser, en thérapeute au profit de la santé d’autrui » ou encore comme« une science énergétique biologique ». Cette profession revendique l’existence d’un ordre professionnel, celui des biomagnétiseurs à l’instar des ordres professionnels réglementés tels ceux des médecins, des notaires, des sages-femmes, des architectes… Ainsi est-il proposé à tout public, sans pré-requis obligatoire, de devenir « Guérisseur à mains nues » et de bénéficier d’une formation qualifiée de « renommée internationale », permettant de créer des « cabinets spécialisés », garantissant« une situation d’avenir lucrative pour :-Les jeunes rêvant d’une belle carrière libérale. Ceux qui veulent rebondir dans un métier indépendant,-Les praticiens médicaux, paramédicaux, infirmiers, ostéopathes, kinésithérapeutes, esthéticiennes, etc. voulant se doter de moyens performants,- Les retraités cherchant à occuper leur temps utilement- Tous ceux qui désirent apprendre, sans en faire un métier, pour soigner leur entourage ».

Ce type d’offre d’aide à la guérison se développe aux confins, voire en confusion avec les prestations des professions réglementées (médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes….). Il expose les acteurs à des poursuites pour exercice illégal de la médecine et pratiques charlatanesques pouvant influer de manière préjudiciable sur les personnes.

3 – La surabondance des exigences financières

Ce critère est d’autant plus important que l’offre de formation va s’accompagner d’une incitation forte, voire d’une quasi contrainte, à enchaîner les stages pour accéder aux grades plus élevés ou pour être initiés à des concepts ou à des méthodes connexes. Il peut s’agir également de recourir à d’autres produits tels que l’acquisition d’outils pédagogiques (ouvrages, CD-ROMS, cours à télécharger, voyages, tests), l’achat de matériels (exemple :les filtres archétypaux) et l’acquittement de cotisations, de franchises ou d’abonnements.

Effectuer une reconversion professionnelle

Un médecin, conseiller d’un recteur, signale le cas d’un enseignant en difficulté avec ses élèves et qui souscrit un contrat individuel de formation professionnelle dans le but de faire une reconversion professionnelle de psychothérapeute. Plus précisément, le contrat est conclu avec une personne se présentant comme thérapeute et formateur. L’analyse du contrat montre que l’action proposée à cet enseignant vise une « formation à la guérison du passé » en vue de devenir lui-même « praticien en guérison du passé ». L’action proposée comprend une année de cours par correspondance, suivie de stages pratiques et d’une supervision obligatoire portant sur 200 séances d’accompagnement thérapeutique, soit 400 heures au minimum. Il est également conseillé de faire précéder cette formation de séances de guérison du passé avec des praticiens ayant terminé leur formation. Enfin le stagiaire est tenu de se soumettre à la supervision et à la participation aux rencontres de formation continue obligatoires. À défaut, il pourrait être à tout moment radié de la liste des praticiens en guérison.

Outre le coût principal de l’action proposée, s’ajoutent pendant la durée de la formation des frais relatifs à l’acquisition de supports (livres, cours, enregistrements…). Certaines acquisitions sont rendues obligatoires (…) (…) Le programme joint à l’appui du contrat présente la guérison du passé comme « une synthèse de méthodes puissantes et novatrices conduisant à la réharmonisation des quatre plans physique, émotionnel, mental, spirituel », suivant deux étapes :

- un travail dans le passé à travers une puissante démarche de régression (retour dans ses mémoires émotionnelles, depuis l’instant de la conception jusqu’à l’âge adulte et, éventuellement, dans les vies antérieures si le patient y est ouvert, permettant de guérir les traumatismes passés, conscients ou occultés, responsables de troubles physiques ou psychologiques,

- un travail dans le présent permettant à la personne, libérée de ses handicaps psychologiques, de faire enfin de sa vie ce qu’elle souhaite au lieu de rejouer indéfiniment des scénarios périmés.

« La coupe vidée de ses poisons grâce au travail dans le passé permet le travail dans le présent, c’est à dire de pouvoir remplir la coupe d’eau pure, de libérer la personne de ses croyances erronées et de restructurer son présent : quitter ou trouver un emploi, mettre fin à une relation inharmonieuse, adopter un nouveau mode d’alimentation. L’objectif est de donner un grand coup de balai à la vie afin que celle-ci soit prête à recevoir l’être neuf que la personne est en train de devenir ».

Différents exemples viennent à l’appui des contentieux émotionnels accumulés par la personne, voire par ses ascendants : – Je suis bègue pour ne pas trahir le secret familial, – J’exprime par l’asthme la souffrance de mes aïeuls gazés par les nazis, – J’exprime par des douleurs au cou le fait que mes aïeules ont eu la tête tranchée par les Turcs.

Ce projet de reconversion professionnelle dans une activité de psychothérapeute induit de toute évidence un sérieux risque de manipulation du stagiaire et de dérive à caractère sectaire au regard de plusieurs critères de dangerosité (rupture avec l’environnement d’origine, déstabilisation, voire emprise mentale, captation de ressources…).

La formation longue a pour objectif une « reprogrammation » de l’être conditionnée par un rejet en bloc de son passé et de son présent, de ses ancêtres et de son entourage, responsables de son mal être. Les fondements méthodologiques empruntent à plusieurs sources toutes aussi inquiétantes en raison de leur implication dans des affaires sanctionnées par la justice : méthode Hamer, faux souvenirs, « rebirth », décodage biologique …

4 – Les professionnels de santé : cible privilégiée

Praticien en Analyse et Réinformation cellulaire

Il s’agit d’une formation d’un minimum de deux ans en Analyse et Réinformation Cellulaire, dont le promoteur est un docteur en médecine formé à diverses méthodologies énergétiques. La formation proposée est organisée en trois niveaux appelés « degrés ». Chaque degré est constitué de plusieurs modules. À titre d’exemple, le premier degré est constitué de six modules de base (staturologie énergétique, foyers, zones réflexes, chakras, méridiens, substances), un module « Symbolisme de l’Être Humain », deux super modules relatifs d’une part à la théorie et à la pratique d’Analyse et de Réinformation Cellulaire et d’autre part à l’usage des filtres archétypaux. À la fin de chaque degré, un examen conditionne l’obtention d’un certificat indispensable pour le passage au degré suivant qui a cependant toujours pour objet la théorie et lapratique d’Analyse et de Réinformation cellulaire et ce jusqu’au passage de l’examen final sanctionné par un diplôme « maison ».

Conformément aux indications mêmes de son promoteur, cette formation a pour objectifs :

une modélisation intégrant et harmonisant toutes les approches de l’Être Humain, – une investigation complète, capable de déterminer l’origine profonde, première, qui, au départ, a déséquilibré ou fragilisé le terrain, induisant les faiblesses qui ont permis aux maladies d’apparaître et de s’installer,

– une description précise de la cause et des incidents déstabilisants,

une correction rapide des blocages énergétiques témoins de cette cause et de ces incidents,

une indication de la thérapeutique la mieux adaptée au cas examiné,

– une indication de la conduite à tenir pour le balayage définitif de ces blocages,

– une prise en charge totale du patient par lui-même dans une collaboration étroite avec le praticien,

l’outil majeur au service de ce que vous savez déjà faire et désirez approfondir.

Cette méthode est définie par son fondateur comme « une technique transdisciplinaire développée, destinée à toutes les professions de santé, orientation médecine, psychothérapie, naturopathie ou médecines complémentaires. Elle évolue progressivement grâce à des contacts multiples : physiciens, biophysiciens, biologistes sont de la partie, et la qualité globale en bénéficie.

Plus de deux cents praticiens de toutes orientations sont déjà qualifiés en Analyse et Réinformation Cellulaire principalement en France… Elle est un fantastique outil, dans le cadre du développement personnel, basé sur la lecture de la mémoire cellulaire personnelle et sur le principe de la résonance vibratoire. Elle permet de rétablir l’équilibre, de trouver sa vraie place, ainsique l’harmonie entre le corps, l’esprit et son environnement ».

Cette offre s’adresse indifféremment à des thérapeutes, par exemple les naturopathes, et aux professions réglementées de type infirmier. Par décision du préfet de la région Aquitaine, la SARL, support de cette école, s’est vue refuser l’enregistrement de sa déclaration en qualité d’organisme de formation, en application du livre IX du Code du travail. Le ministre en charge de la formation professionnelle a confirmé cette décision à la suite d’un recours hiérarchique des intéressés.

7 – Identifier les risques dans l’offre de formation

Les stages présentés, s’ils ne donnent pas une vision exhaustive de la diversité des offres douteuses du marché de la formation, répondent à l’un, voire à plusieurs des critères d’identification du risque ou de la dérive sectaire, à savoir :

la déstabilisation mentale,
le caractère exorbitant des exigences financières,
la rupture avec l’environnement d’origine,

l’existence d’atteintes à l’intégrité physique,
l’embrigadement des enfants,

le discours anti-social,

les troubles à l’ordre public,
l’importance des démêlés judiciaires,
les tentatives d’infiltration des organisations.

Exceptionnellement, la période de formation correspond à une situation d’emprise avérée. Elle peut engendrer une déstabilisation du stagiaire et entraîner rapidement pour celui-ci un profond mal-être. Elle se situe plutôt dans la phase de séduction du processus d’emprise de nature sectaire. Elle est le temps d’acquisition d’autres valeurs, d’autres règles de vie, d’autres orientations, notamment professionnelles, d’autres convictions et peut, dès ce stade, inquiéter son entourage, voire le couper de son environnement initial.

Les témoignages et les interrogations des familles au sujet de leur proche, adressés aux services publics ou aux associations de défense des individus, attestent d’inquiétudes sur des méthodes et des pratiques, de forts doutes sur des organismes de formation. Ils font parfois déjà le constat de changements inquiétants du comportement pendant ou à la suite de formations. La large diffusion des techniques à caractère psychologique, notamment dans les champs sanitaire, social et éducatif, banalise leur utilisation dans les actions de formation professionnelle. Si elles émanent d’organismes non répertoriés à ce titre par les services de l’État, elles peuvent se manifester dans d’autres secteurs. La banalisation du recours à des techniques et à des méthodes de cette nature peut entraîner, en raison d’une accoutumance, une moindre vigilance à l’occasion d’une démarche de formation ou d’aide à la relation individuelle. En tout état de cause, leur mise en application favorise la prise d’ascendant du formateur sur le stagiaire, d’autant que ce dernier, en quête d’aide ou de solution, est, de ce fait, déjà fragilisé.

La prévention de l’escroquerie, du risque charlatanesque, voire sectaire, passe obligatoirement, qu’il s’agisse d’organisations professionnelles ou de particuliers, par une évaluation rigoureuse des contenus de formation, avant de les acheter. Dans une entité professionnelle publique ou privée, l’établissement d’un cahier des charges définira les critères du choix de la formation : la compréhension de la demande, la cohérence des principes d’action avec ceux de l’entreprise, la précision, l’adéquation et le réalisme des objectifs de formation, la cohérence de la démarche pédagogique, l’existence et la précision des modalités d’évaluation, la précision des propositions financières (coût de l’ingénierie, de l’animation, coût horaire…), l’adéquation des moyens humains, matériels et pédagogiques, le respect de l’exercice légal dans le cas de professions réglementées, la durée du stage … (…)

8 – Les sanctions administratives et judiciaires

Outre les décisions préfectorales de refus ou d’annulation d’enregistrement des déclarations présentées par de prétendus organismes de formation fondées sur un motif de non-conformité aux dispositions légales régissant la formation continue, le plus souvent confirmées par la jurisprudence administrative, des sanctions judiciaires ont été également prononcées. Celles-ci avaient notamment trait à des infractions pour non respect des règles de publicité, d’obligations comptables, de non remise de documents légaux aux bénéficiaires, d’exigences financières méconnaissant les règles de contractualisation des actions de formation professionnelle. D’autres jugements ont, dans le cadre d’affaires de licenciements sans cause réelle et sérieuse, établi le droit des salariés à bénéficier d’une information précise sur les objectifs de formation issus du plan de formation proposé à l’initiative de l’employeur et légitimé le refus de participation, en l’absence de réponse appropriée, alors même qu’un risque dentifié de dérive sectaire était constaté. (…)

Les conclusion sont sous la rubrique – La formation professionnelle

Bibliographie :

Anne Fournier et Michel Monroy – La dérive sectaire – – PUF 1999
R. Boudon – Effets pervers et ordre social – PUF – Quadrige 1993
J.L. Beauvois – R.V. Joule – Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens –PUG 1987
E. Dépret – Sectes et influences psychosociales – in Connexion les sectes : emprise et manipulation – n° 73 – 2000 –
J.M. Abgrall – La Mécanique des sectes – Paris – Payot 1996
C. Allanic – L’emprise sectaire ou le syndrome d’Ulysse – In Journal des psychologues – n° 206 – Avril 2003
S. Beal – Clinique et psychopathologie – CES de psychiatrie – Paris VI – 1985 – 1986 – p. 107
E. Diet – La destructivité sectaire – in Raison Présente – n° – 2 e trimestre 2002 – page 119 et 120
J.P. Deconchy – Orthodoxie religieuse et sciences humaines – Mouton 1980 –
E. Diet – Introduction à la psychanalyse des sectes in Connexions Les sectes emprise et manipulation – n° 73 – janvier 2000 – p. 125-126 et 128 –


Mission

Interministérielle

de vigilance

et de lutte

contre les dérives

sectaires

MIVILUDES

Rapport au Premier Ministre

2005

Source Magazine Sciences Humaines

Laurent Testot

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a choisi, à l’occasion de la publication de son Rapport 2005, d’analyser les stratégies de recrutement déployées par les sectes. Celles-ci démarchent généralement quatre types de cibles.

Les enfants : qu’ils soient déscolarisés lorsque leurs parents appartiennent à une secte, ou démarchés par le biais d’associations de cours par correspondance ou à domicile.
Les consommateurs de médecines alternatives : régulièrement proposées par des praticiens autoproclamés, mal contrôlées faute d’instances régulant leur application, certaines de ces paramédecines débouchent, dans des cas extrêmes, sur le refus des soins médicaux classiques.
Les clients de la formation professionnelle : les entreprises sont de plus en plus sollicitées par des prestataires parareligieux, attirés par un marché qui représente plus de 22 milliards d’euros.
L’aide humanitaire : tsunami, sida…, on donne facilement pour la bonne cause, et discerner les associations caritatives sérieuses peut se révéler difficile.

De nombreux exemples sont cités dans ce rapport : ainsi apprend-on que la Scientologie a profité des émeutes dans les quartiers sensibles pour y prendre pied, allant jusqu’à attribuer à son prosélytisme pacifique le mérite du retour au calme à Aulnay-sous-Bois après deux semaines de présence…

Au-delà de la dénonciation de multiples abus, parfois pénalement sanctionnés, et d’une revue générale des actions des différents services de l’Etat, le ton global de cette étude évoque les rapports de la défunte Mission interministérielle de lutte contre les sectes (Mils, remplacée en 2002 par la Miviludes). S’y retrouve un discours qui dénonce pêle-mêle des pratiques fort différentes, au motif plus ou moins explicite que l’on ne saurait imposer une hiérarchie de gravité lorsqu’on dénonce les atteintes aux libertés des individus. (…)

La MIVILUDES

Ci-dessous quelques Extraits du rapport 2005

Présenté en Février 2006

Note de l’ A F S I : Dans ce rapport, pour la première fois, l’Association AFSI est nommée pour le problème des faux souvenirs.

C – Peu de plaintes déposées mais de nouvelles coordinations de Victimes

Dans ce contexte, au cours de ces dernières années, est intervenue la création de sites web indépendants (http://preventsectes.com, http://psyvig.com ou encore http://membres.lycos.fr/ertonetecs ) entretenant des liens réguliers avec les grandes associations.

La constitution de nouvelles associations ou de coordinations de victimes souvent ciblées sur une méthode comme la kinésiologie ou encore la psychogénéalogie, démontre la nécessité de lieux d’écoute et d’aide face à des situations difficiles allant jusqu’à la rupture. Il ressort des enseignements tirés des témoignages que le sort des enfants dans les couples séparés, et au sein desquels l’un des parents adhère à un groupe ou à une pratique dans la sphère du bien-être et de la santé, est particulièrement préoccupant : climat de tensions extrêmes, fortes entraves voire refus de l’exercice du droit de visite auparent n’assumant pas la « garde » du mineur, déplacement géographique du jeune à des centaines de kilomètres, parfois dans un pays étranger, adoption de règles de vie compromettantes pour son développement sur le plan moral ou physique et pour son insertion dans la société, éventuellement dans certains cas extrêmes, risques vitaux.

De nouvelles associations sont apparues dans le paysage de la défense des victimes, notamment :

* la Coordination nationale de défense des victimes

de la kinésiologie ,

* l’Association des victimes des thérapies alternatives

et de la psychogénéalogie,

* le Centre d’information et de prévention sur les

psychothérapies abusives et déviantes ( CIPPAD ) créé

en 2002 et consacré à la prévention des dérives psychosectaires,

* l’association Alerte aux faux souvenirs induits (AFSI) qui lutte prioritairement contre les abus liés aux thérapies du faux souvenir.

Le peu de plaintes déposées rend difficile l’appréciation de l’étendue des dangers de ces pratiques sur un plan criminel. A la frontière de l’escroquerie et du charlatanisme, il n’est pas toujours facile de leur trouver une traduction juridique et l’autorité judiciaire se trouve désarmée. Pourtant le charlatanisme, en ce qu’il correspond à des pratiques et des médications invérifiables ou au recours à des procédés illusoires, progresse en raison des offres d’un nombre croissant de ces thérapeutes et psychothérapeutes en médecine« nouvelle ».

II – Physionomie des dérives observées

Au-delà des récentes dérives qui ont marqué le secteur de la santé, trois constantes marquent ce marché en plein essor.

A – L’approche « psy »

Au sein d’une offre pléthorique où le renouvellement des labels est constant, le créneau « psychologique » se taille la part la plus importante, qu’il s’agisse de thérapeutes individuels auto-proclamés, ou d’organisations puissantes et structurées.

Les thèses développées s’appuient sur trois postulats :

* la culpabilité du patient dans le développement de sa pathologie,

l’angoisse de la maladie,

la revendication d’un « mieux être » dans une société d’individualisme qui produit du désarroi et où le confort matériel ne garantit plus le bonheur face au culte croissant de la réalisation personnelle.

3 – De la mémoire du corps à la mémoire trans-générationnelle

L’idée qu’il faut parfois remonter à l’histoire de ses parents pour libérer l’origine de certains conflits ou mal être ne fait plus véritablement débat. Nous sommes le produit des générations qui nous précèdent et la transmission inconsciente de certains non-dits ou secrets de famille peut effectivement peser sur l’état psychologique et les choix de vie d’un individu. Mais il y a dérive dès lors que ce présupposé devient systématique pour certains tenants de la biopsychogénéalogie.

Dans la lignée des préceptes haméristes, ils prétendent que ces conflits non résolus naissent des « programmes de survie biologiques » enclenchés par le cerveau, agissant directement sur l’état de nos cellules et provoquant des maladies. Adoptée comme une règle implicite et infaillible, cette théorie remet au goût du jour une forme de déterminisme qui inspire là encore la plus grande réserve.

Dans le même esprit, sous la proposition « comment guérir de cette famille qui vit en vous » , certains groupes dits de « constellations familiales » entendent apporter une solution définitive à des problèmes de tous ordres, physiques ou psychologiques. Ces groupes posent problème dès lors qu’ils se présentent comme « des outils de guérison d’une maladie héritée des ancêtres, transcription biologiqued’un conflit psychologique non résolu par les générationsprécédentes ».

B – Une approche déclinable suivant les publics visés

L’approche psychologisante se développe au coeur des prestations de santé. Le principe selon lequel, le sujet atteint d’une pathologie où ses ascendants directs seraient responsables de la maladie développée, indépendamment des facteurs génétiques ou environnementaux, se décline désormais en autant de solutions thérapeutiques que de publics à toucher et donc de marchés potentiels à conquérir.

Nombre de ces thérapies ne visent pas la mise sous sujétion« d’adeptes » privés de leur discernement. Mais l’intrusion du « tout psychologisant » dans le champ des thérapies alternatives, en prétendant donner une cause autre qu’organique à d’éventuelles pathologies, peut favoriser les dérives individuelles et faciliter des situations d’emprise dommageables du thérapeute sur son patient. A la question, « Pourquoi moi et pas un autre ? » , il apporte une réponse d’apporter des solutions clefs en main qui peuvent aller de la prescription médicamenteuse à la condamnation de la médecine classique. Du traitement des maladies incurables, à la prise en charge des personnes handicapées, puis du soulagement des souffrances physiques à celui des souffrances psychiques, des doctrines et des méthodes pédagogiques ont été déclinées à la carte en fonction de la spécialité d’origine de l’initiateur et de son public cible.

Devant la profusion des offres thérapeutiques psychologisantes, à la validité non éprouvée mais souvent à forte rentabilité, la vigilance reste plus que jamais de mise comme l’atteste l’exemple de la communication facilitée sur laquelle l’Ordre national des médecins a, dans le courant de l’année 2004, émis les plus grandes réserves.

(…)2 – Le syndrome du faux souvenir, une forme de psychanalyse déviante

L’adoption de la législation sur les psychothérapies va permettre de mieux contrôler le secteur des psychothérapies dès l’adoption de ses décrets d’application. Cela pourrait, cependant, n’être pas totalement efficace pour juguler les dérives individuelles dans un secteur pléthorique et difficile à contrôler en raison de son caractère atomisé et du secret de la relation qui se joue dans l’intimité des cabinets de consultation. Ici, le dérapage éventuel se manifeste d’abord dans une relation liant une seule personne – le thérapeute incriminé – à l’un de ses patients. « La théorie des faux souvenirs induits » particulièrement en vogue outre-atlantique et en Angleterre aurait d’ores et déjà touché huit cents victimes dans ces pays. Des thérapeutes sont ainsi accusés d’user de leur pouvoir de suggestion pour induire, via plusieurs techniques de manipulation tels le rebirth ou les thérapies du rêve éveillé, de faux souvenirs d’inceste chez leurs patients, entraînant des ruptures avec le milieu familial.

En France, on recense suffisamment de cas de dérives avérées pour que plusieurs associations aient vu le jour, par exemple :

l’ A F S I , Alerte Faux souvenies Induits et l’association de vigilance contre les faux souvenirs AVFS, et, plus récemment, une Coordination des victimes de la théorie des faux souvenirs, fondée sous l’égide du GEMPPI.

D – Vers le « mieux être »

La mode du développement personnel, de l’introspection, d’un certain retour à la spiritualité se conjugue actuellement avec une exigence forte de retour à ses racines, de vie saine en communion avec la nature, et de respect des traditions. Cette tendance portée par la mouvance new age favorise le néo-chamanisme occidental, mouvance au sein de laquelle les pratiques de soins et les rituels de guérison se vivent comme une véritable quête initiatique et où l’usage de substances hallucinogènes, souvent officiellement classées dans notre pays comme produits stupéfiants entraînent des états modifiés de conscience associés à des risques vitaux et à d’éventuelles modifications de la personnalité.

Là encore, d’éventuelles dérives à caractère sectaire peuvent survenir au sein des micro-groupes adoptant ces pratiques et qui tendent aujourd’hui à se multiplier en empruntant quelquefois des visages inattendus opérant une sorte de syncrétisme entre les pratiques chamaniques et les traditions locales héritées par exemple du druidisme celtique.

1 – Le regain du chamanisme

Dans un article de référence consacré au néochamanisme , la sociologue québécoise Catherine Laflamme rappelle que selon la définition proposée par Pierre Couliano et Mircea Eliade : « lechamanisme est un ensemble de méthodes extatiques et thérapeutiques dont le but est d’obtenir le contact avec l’univers parallèle mais invisible des esprits et l’appui de ces derniers dans la gestion des affaires humaines ».

Pour communiquer avec les esprits, le chaman passe par des états modifiés de conscience (transes) auxquels il accède grâce au recours à des substances hallucinogènes et à divers moyens annexes (mortification du corps, jeûne, sons du tambour, etc…). Le néochamanisme, lui, est un mouvement de réappropriation par les occidentaux des traditions chamaniques dans lequel, le rôle du chaman est réduit à la fonction de guérisseur. Dans le néochamanisme, les rituels de guérison, conformément à l’adage holistique selon lequel la guérison physique passe d’abord par la guérison de l’esprit, peuvent désormais s’enseigner, se transmettre, voire faire l’objet d’un commerce lucratif (stages et sessions de développement personnel)comme c’est déjà le cas en Amérique du Nord.

2 – Les médecines énergétiques

Sur le grand marché des thérapies alternatives, où l’on voit que la dimension psy permet à un certain nombre de gourous en puissance d’asseoir leur emprise sur une clientèle fragilisée, les médecines dites « énergétiques » et leur processus de formation accélérée (cursus d’initiation vécus sous forme de week-end ou de stages d’intégration au déroulement plus ou moins secret), paraissent également aujourd’hui particulièrement perméables à des formes de dérives individuelles : parce qu’elles visent à rétablir l’harmonie de la personne dans sa globalité (harmonie du corps et de l’esprit) en lien direct avec l’environnement qui l’influence et selon elles, conditionne la bonne gestion de son capital santé, elles peuvent ainsi être prétextes à l’édiction de préceptes de vie très contraignants dans leur application touchant les moindres aspects du quotidien (alimentation, règles d’hygiène et/ou d’éducation, sexualité, etc …).

Lorsqu’elles versent dans l’irrationnel, elles peuvent aussi se traduire par des actes thérapeutiques aberrants comme l’actualité l’a démontré récemment avec la condamnation en mars 2005 d’un dentiste cannois adepte de la dentisterie énergétique à dix-huit mois de prison avec sursis et à une interdiction d’exercer pour s’être livré à « l’arrachage barbare » de dents dévitalisées. Ces dérives observées, si elles restent pour l’heure marginales au sein d’une mouvance portée par la mode du bien-être et du développement personnel, méritent incontestablement le qualificatif de « sectaires » dès lors qu’elles aboutissent à des situations de rupture familiales ou professionnelles, plus graves encore à des délits majeurs, passibles du pénal et qu’elles s’inscrivent dans une filiation reconnue à un corpus doctrinal à la dangerosité avérée. C’est le cas, par exemple du mouvement SHY qui compterait près de 3000 adeptes dans une vingtaine de départements réunis dans des associations aux noms divers. Ces dernières développeraient stages d’initiation vantant les pouvoirs de l’autoguérison et de la guérison sur autrui. Le mouvement a vu l’un de ses adeptes sanctionnés en 1999 pour exercice illégal de la médecine suite à un décès survenu en 1996 et développait ces dernières années un fort prosélytisme auprès de malades du sida.

En novembre 2002, suite à une plainte déposée par une famille montpelliéraine dont l’un des membres avait stoppé le traitement médical, le gourou du mouvement alors encore baptisé HUE (Energie universelle et humaine ) était condamné par le Tribunal correctionnel de Montpellier à trois mois de prison ferme pour exercice illégal de la médecine. (…)

III – Le « marketing » des groupes de médecine alternative

Pour élargir leur audience, adeptes de la « médecine nouvelle », praticiens en méthodes alternatives et groupes développant des offres thérapeutiques parallèles, s’appuient sur deux cibles complémentaires : d’une part le grand public, premier consommateur de l’offre de soin, d’autre part le milieu médical et paramédical, adeptes prescripteurs auxquels le prestige de la charge confère une aura particulière auprès d’éventuels patients. Quelques médecins, dentistes et pharmaciens constituent à ce titre un relais privilégié pour des promoteurs de thérapies non validées, qui contournent l’absence de reconnaissance scientifique, inconvénient majeur en terme de crédibilité, en s’abritant derrière le statut rassurant « du » ou « des » quelques professionnels acquis à leur cause.

A – Physionomie d’un marché en développement

1 – La communication grand public

Nombre de thérapeutes praticiens en médecine holistique, techniques énergétiques, adeptes de la mouvance Hamer s’affichent avec force propositions de formations via les petites annonces, les encarts publicitaires et les articles publi-rédactionnels dans de nombreuses revues de médecines douces, dont certaines sont éditées en Belgique et disponibles sur abonnement.

On peut y lire des annonces qui entachent la crédibilité de certaines méthodes thérapeutiques dites douces, au marketing des plus agressifs : « le reiki : méthode fabuleuse et simple qui consiste à canaliser l’énergie vitale pour accroître les capacités d’autoguérison physique et psychoaffectives. Blocages, dépression, anxiété, échec. Enfants, adultes, Psychothérapeute s’appuyant d’une étude astrologique » .

L’engouement actuel pour le paranormal et les sciences occultes fait aussi le bonheur de la presse spécialisée dans le créneau des guérisseurs et médiums telles « La revue de l’au-delà » ou encore « Guérisseurs aujourd’hui » dont les pages sont aussi largement ouvertes aux promoteurs des médecines non conventionnelles. Mais ces derniers sont également présents dans une moindre mesure dans les titres plus généralistes de la presse magazine et féminine via notamment la rubrique du courrier des lecteurs. Sur Internet, on trouve les « vitrines commerciales » des thérapies non conventionnelles, certaines d’entre elles proposant même des modes de communication interactifs tels que des émissions de radio ou des vidéo promotionnelles à télécharger sur Internet.

La vente d’ouvrages et de cassettes grand public est enfin l’un des moyens de promotion favoris de ces groupes qui créent très souvent leur propre maison d’édition pour s’assurer de substantiels revenus, le marché s’avérant très lucratif.

2 – Les médecines alternatives, un produit de luxe

Les médecines alternatives s’adressent en priorité aux catégories socio-professionnelles les plus élevées. Les femmes sont souvent les premières clientes des médecines énergétiques et thérapeutes en techniques psychocorporelles qui fleurissent sur le marché de la santé. Hommes ou femmes, les clients sont le plus souvent abordés dans les salons grands publics. La clientèle n’étant cependant pas extensible à l’infini, l’un des phénomènes les plus récents observés par les acteurs de la prévention du risque sectaire se traduit sur le marché de la santé par la constitution de réseaux de thérapeutes « amis », lesquels, une fois leur patient formé à leur propre technique, envoient leur clients prolonger leur cursus chez un collègue praticien d’une autre méthode. On voit ainsi des patients multiplier les stages de formation à des coûts exorbitants pour se reconvertir au gré d’une réorientation professionnelle parfois étonnante en praticiens pluridisciplinaires devenant à leur tour prescripteurs auprès de nouveaux clients. Lorsque cette « reconversion » professionnelle s’accompagne d’un changement radical de vie et d’une rupture avec l’environnement familial, il est sans doute légitime de se poser au moins la question d’une éventuelle dérive à caractère sectaire de la technique à laquelle il s’est formé.

3 – Le commerce de médicaments vendus sans autorisation de mise sur le marché

Qui dit « médecine alternative », dit aussi « commerce de médicaments à la validité thérapeutique non éprouvée », qui pour certains peuvent même présenter des dangers pour la santé. La vente directe sur Internet semble se développer via les sites relais des tenants de la médecine énergétique, hygiéniste, des thérapeutes affiliés à la mouvance Hamer et des charlatans de la médecine miracle qui proposent leurs élixirs et leurs antidotes au grand public. L’affaire Beljanski reste à cet égard l’un des cas les plus tristement célèbres de dérive observée en ce domaine. Dans le procès de ce chercheur biologiste décédé en 1994 mais dont les produits continuent à être fabriqués et distribués par des structures qui en vantent les effets immunitaires contre les maladies les plus graves (cancers, sida), la ligue nationale de lutte contre le cancer s’était portée partie civile. La tendance écologique qui favorise la profusion sur le marché des « huiles essentielles » et autres onguents dits naturels dont certains groupes se font une spécialité n’est pas non plus sans risque pour la santé.

B – L’infiltration des professions médicales et paramédicales

Il apparaît, dans le domaine de la santé encore plus qu’ailleurs, une vraie difficulté à évaluer dans les différents types de dérives recensées, où s’arrêtent les cas de pur charlatanisme relevant de la simple escroquerie individuelle et où commencent ceux illustrant une stratégie délibérée d’emprise sectaire. À cet égard, la constitution d’un maillage de thérapeutes relais et/ou de médecins prescripteurs visant à étendre l’influence doctrinale d’un mouvement contesté, véritable réseau de « franchisés » formés à des techniques inédites de soins et se déployant sur un territoire de plus en plus large semble bien être l’une des caractéristiques essentielles qui puisse en témoigner dès lors que cette politique commerciale agressive s’ajoute aux critères de dangerosité couramment admis (notamment la rupture avec l’environnement familial, l’altération de la personnalité du sujet, l’embrigadement des enfants, l’infiltration des pouvoirs publics). Brochures publicitaires, entretiens personnalisés, démarchage de groupes réputés sectaires auprès des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens dentistes pour proposer formations et collectes constituent autant de techniques régulièrement dénoncées par les instances ordinales de ces professions.

2 – Praticien plutôt que médecin pour contourner la loi

Certains médecins reconvertis dans une thérapeutique non conventionnelle n’hésitent pas, pour échapper aux sanctions éventuelles des instances ordinales, à décrocher leur plaque professionnelle ou à demander d’eux-mêmes leur radiation de l’ordre, préférant se positionner face à leur clientèle comme praticien, voire guérisseur.

Mais qu’ils soient anciens médecins ou non, la qualité de« praticien » que certains gourous des médecines alternatives revendiquent n’empêche pas les moins scrupuleux d’entre eux d’agir en toute illégalité, en établissant des diagnostics voire en dressant depseudos ordonnances. La plupart du temps cependant, les promoteurs de techniques thérapeutiques non validées se protègent des foudres dela loi en affichant leurs bonnes intentions sur les premières pages de leur site : « notre technicité ne remplace pas le diagnostic médical fait par un docteur en médecine, les traitements proposés chez nous viennent en complément de la médecine », des propos rassurants que viennent généralement infirmer quelques pages plus loin des offres de soins aux prétentions curatives, toujours assorties de précautionsd’usage.

C – Le « lobbying » opposé à la médecine conventionnelle

Si la mouvance anti-vaccination, incarnée notamment par le Syndicat Hippocrate et étroitement liée pour certains de ses acteurs au réseau hamériste de la médecine nouvelle, reste l’un des principaux hérauts de la mobilisation contre la médecine conventionnelle, le refus de soin devient aujourd’hui un nouveau support de promotion pour des groupes soucieux d’étendre encore leur audience auprès du grand public comme des professions médicales, sur la base d’un lobbying censé convaincre l’opinion publique des vertus de méthodes thérapeutiques non violentes ou respectueuses de leurs convictions religieuses strictes.

L’ Eglise de Scientologie promeut l’usage de la niacine (l’un des composés de la vitamine B) déclarée vitamine intelligente dans ses programmes de « purification » à visées thérapeutiques accompagnés de séances intensives de sauna. Après l’assistance aux toxicomanes, elle développe désormais des procédures d’urgence à appliquer aux grands traumatisés ou comateux sur des lieux de catastrophes et est ainsi devenue le fer de lance des abus présumés de la psychiatrie viason « collectif des médecins et citoyens contre les traitements dégradants de la psychiatrie ».

Les Témoins de Jéhovah , quant à eux, poursuivent assidûment leur action au sein même du milieu médical via leurs comités de liaison hospitaliers pour y faire valoir leur refus des transfusions sanguines y compris en cas d’urgence vitale ; une position contestée par les pouvoirs publics mais que pourrait conforter la dernière recommandation du comité consultatif national d’éthique

Ce dernier stipule en effet : « le refus de traitement clairement exprimé par une personne ayant encore le gouvernement d’elle-même ne peut-être que respectée, même s’il doit aboutir à la mort ».

Au lobbying d’opposition s’ajoute aujourd’hui un mouvement de sensibilisation de l’opinion engagé à travers la création de groupes de réflexion et « d’éthique » médicale. Ces dernières décennies, la création d’un droit des malades prévoyant notamment la possibilité de rédiger des directives de fin de vie à travers « un testament » ou la désignation d’une personne de confiance, pourrait favoriser des refus de soins, par exemple de prise en charge anti-douleurs pour des motifs autres que ceux voulues par le législateur.

La question reste posée de savoir à qui profitera, en définitive, la constitution d’alliances ponctuelles entre divers partisans des médecines alternatives que, a priori, rien ne rapproche. Reste à démontrer également que cette tendance puisse perdurer. Ce panorama relativement complet mais non exhaustif des mouvements et pratiques ayant investi le champ de la santé, est certainement préoccupant, car il fait peser de réelles menaces sur notre société et sur les citoyens en quête de réponse à leurs difficultés. Le dynamisme de ce marché de l’illusion du mieux vivre et de la guérison, au-delà des dispositifs réglementaires et judiciaires qui le contrôlent, exige que l’État se donne les moyens de limiter les risques et les drames humains surtout lorsqu’ils frappent les jeunes et les individus fragilisés par la maladie ou le handicap.

Au-delà des actions administratives et ou judiciaires, la nécessité d’une information du public sur les pratiques promues s’impose car elle est seule de nature à limiter leur nuisance, dans l’attente des résultats d’une évaluation scientifique des méthodes proposées. (…)

AFSI – Faux Souvenirs Induits, à ().

Tél – afsi.fauxsouvenirs@wanadoo.fr


[1] Professeur Philippe-Jean Parquet, psychiatre, membre du conseil d’orientation de la Miviludes