Les faux souvenirs fabriqués

PsychoTémoins

Actualité de la recherche sur les témoignages en justice

Les faux souvenirs fabriqués

14 novembre 2012 par Frank Arnould CNRS

Une étude révèle les différences entre les faux souvenirs autobiographiques intentionnellement fabriqués et les vrais souvenirs autobiographiques.

La mémoire nous conduit parfois à nous souvenir d’évènements ou de faits que nous n’avons, en réalité, jamais vécus. C’est en toute sincérité que nous rapportons ces souvenirs inexacts que nous tenons pour vrais. C’est cette forme de faux souvenirs qui est la plus étudiée par les psychologues scientifiques depuis maintenant une quarantaine d’années.

Les chercheurs se sont moins intéressés à une autre forme de faux souvenirs, ceux que nous fabriquons délibérément, en sachant très bien qu’ils ne correspondent pas à la réalité. Une équipe de psychologues britanniques a observé des différences entre les faux souvenirs autobiographiques fabriqués et les vrais souvenirs autobiographiques. Leur étude a également révélé la manière dont les faux souvenirs fabriqués étaient générés.

Soixante-six adultes volontaires ont participé à l’expérience. L’expérimentateur leur présentait une série de 20 indices (par exemple, aller au restaurant). Pour dix de ces indices, ils devaient se souvenir d’un évènement qui leur était vraiment arrivé dans le passé. Pour les dix autres, ils devaient fabriquer un souvenir d’une expérience qu’ils n’avaient pas vécue.

Les participants ont jugé que leurs vrais souvenirs étaient plus vivaces et correspondaient à un passé plus récent que leurs faux souvenirs fabriqués. Plus les vrais souvenirs étaient vivaces, plus ils étaient récents. Fabriquer un faux souvenir leur a pris plus de temps que relater le souvenir d’un évènement réel. Cependant, cette différence n’était pas statistiquement significative, en raison de fortes variations dans les données.

Une autre différence a été notée entre les deux catégories de souvenirs. En majorité (76 %), les vrais souvenirs ont été relatés selon la perspective du champ, c’est-à-dire la même perspective que celle de la personne au moment où elle a vécu les évènements. Les faux souvenirs fabriqués ont été relatés plus souvent selon la perspective de l’observateur (52 %), c’est-à-dire que la personne se voyait elle-même dans ses souvenirs. De plus, quand les souvenirs étaient fabriqués, les sujets ont utilisé un plus grand nombre de mots décrivant des mouvements et ont produit un plus grand nombre d’hésitations dans leurs discours.

Toutes ces différences, ont conclu les chercheurs, étaient la conséquence des efforts cognitifs nécessaires pour fabriquer un faux souvenir. De plus, un entretien réalisé en fin d’expérience avec les sujets a aussi révélé qu’ils avaient inventé des souvenirs à partir de connaissances autobiographiques à leur disposition dans leur mémoire.

Référence :

  • Justice, L. V., Morrison, C. M., & Conway, M. A. (2013). True and intentionally fabricated memories. The Quarterly Journal of Experimental Psychology, 66(6). 1196-1203doi:10.1080/17470218.2012.7348