Extrait de youtube.com : Boris Cyrulnik – « La mémoire traumatique »
Conférence tenue à l’Université de Nantes
Durée : 72 minutes
« Si la mémoire est saine, elle est évolutive. » C’est par cette affirmation que Boris Cyrulnik [1] débute sa conférence sur la mémoire traumatique. Car avant de partir vers la compréhension du vécu traumatique, il est bon de rappeler comment fonctionne un individu qui n’a pas été marqué par un traumatisme. Ainsi, si la mémoire d’un souvenir est, normalement, évolutive, c’est-à-dire qu’elle change selon les âges et les contextes, le trauma, lui, fige la personne dans le passé, le souvenir ne passe pas et se répète sans cesse. « La mémoire n’est plus saine ». Elle est figée dans le passé. Traumatisée, il n’y a donc pas de présent possible pour la personne.
Lorsqu’un trauma a lieu, nous explique Cyrulnik, l’humain souffre deux fois. Une fois lors du trauma, qui est le coup, puis il souffre du traumatisme, c’est-à-dire, de la représentation du coup. C’est d’ailleurs le traumatisme qui serait à l’origine des souffrances, plus que le trauma en lui-même.
Au cours de sa conférence, le célèbre neuropsychiatre nous révèle que des études ont montré que les enfants victimes de maltraitance ont développé une structure de mémoire particulière. Plus attentionnée aux détails, plus fixée et rigide, la mémoire traumatique serait aussi plus efficace.
Mais qu’est-ce qui fait qu’un événement est vécu comme traumatique par certains et non par d’autres ? Des études ont montré que tout souvenir serait plus ancré dans la mémoire à partir du moment où une émotion a été sollicitée. L’émotion renforcerait ainsi la mémoire de l’événement. On comprend mieux, dès lors, pourquoi des humiliations ou autres maltraitances vécues pendant l’enfance gardent un souvenir plus cuisant que des encouragements reçus, à moins que ceux-ci furent reçus avec une grande joie !
Cependant, peut-on guérir de ses mémoires traumatiques ? Selon Cyrulnik, la plasticité du cerveau a été, pendant longtemps, sous-estimée. Alors « si on ne peut pas guérir de sa souffrance, on peut en faire quelque chose, à condition de pouvoir en faire un récit . »
[1] Neurologue, psychiatre et psychanalyste français. Responsable d’un groupe de recherche en éthologie clinique à l’hôpital de Toulon-la-Seyne (1972-1991), il publie son premier ouvrage Mémoire de singe et parole d’homme en 1983. Directeur d’enseignement depuis 1996 à la Faculté des lettres et sciences humaines de Toulon et président du Centre national de création et de diffusion culturelles de Châteauvallon, il est surtout connu pour avoir développé le concept de « résilience » (renaître de sa souffrance). Il a également participé en 2007 à la commission Attali sur les freins à la croissance, dirigée par Jacques Attali.